LES POSTES ACCOMPAGNENT LES CANDIDATS A L'EXPORT
Conseil, plans fichiers, tri, routage, distribution... les filiales des principales postes européennes présentes sur le marché français prennent en charge l'ensemble de la chaîne de valeur du marketing direct pour l'international. Sur un marché stagnant, l'innovation semble désormais être la seule façon d'assurer leur rentabilité.
Je m'abonneDepuis 2003, le marché du courrier international est libéralisé à 100%. Une libéralisation entamée progressivement dans les années 1990 avec l'installation sur le marché français d'opérateurs postaux étrangers et notamment européens. Ces derniers n'ont eu de cesse, depuis, de développer des offres à forte valeur ajoutée afin de prendre des parts de marché sur un secteur qui nécessite peu d'investissements humains et matériels.
Seule condition pour exercer? Les nouveaux entrants doivent disposer d'une licence délivrée par l'ARCEP (Autorité de Régulation des Communications Electroniques et des Postes) leur permettant de prendre en charge des flux de courriers entrants ou sortants de France. A ce jour, outre La Poste, on dénombre neuf opérateurs alternatifs en concurrence pour l'envoi de courrier à l'export dont quatre sont des filiales de postes étrangères (Spring Global Mail, DHL Global Mail, Swiss Post International et Belgian Post International). Face à l'opérateur historique, ses concurrents disposent de parts de marché variant de 6 à 20% sur un secteur très disputé de 523 millions d'euros en 2007. Le marché de l'export accuse cependant une certaine décroissance depuis trois ans. Pour tirer leur épingle du jeu, les principaux opérateurs se positionnent donc désormais sur l'ensemble de la chaîne de valeur du marketing direct afin de proposer des solutions complètes aux entreprises françaises désireuses de communiquer et de vendre à l'extérieur de nos frontières. «Quand on étudie les stratégies des différents acteurs du marché, il apparaît que le principal souci est de protéger son propre marché, analyse Mario Bisson, p-dg de DHL Global Mail France et vice-président du Syndicat des opérateurs postaux (SOP). Les différentes filiales de postes étrangères en France ont donc à coeur de capter le maximum de volumes à destination de leurs pays d'origine afin de garder la mainmise sur leur marché local.» En toute logique, les acteurs mettent en avant leur expertise et leur connaissance du marché local. Ainsi DHL Global Mail France, filiale de la Deutsch Post et principal concurrent de La Poste française pour l'international, se positionne logiquement comme le meilleur prestataire pour toute entreprise souhaitant prospecter sur le très stratégique marché allemand. «Cela a été, dès notre implantation en France en 1999, notre principal angle d'attaque, note Jean-Sébastien Leridon, le directeur général de la distribution internationale de DHL Global Mail France. Notre mission est d'accompagner nos clients, en fonction de leurs besoins, sur le marché allemand sur lequel nous avons à la fois une parfaite maîtrise des coûts et une connaissance très pointue. Nous pouvons leur apporter des solutions concrètes en matière de plans fichiers, d'expédition de mailings ou colis voire même, dans la mise en place d'un centre d'appels dans le cadre d'une activité de vente à distance par exemple.» Une expertise locale également mise en avant par Spring, la joint-venture commerciale regroupant trois opérateurs postaux (TNT Post Group, Royal Mail et Singapore Post), qui proposent des conditions d'affranchissement et d'acheminement préférentielles à destination de la Grande-Bretagne et des Pays-Bas. «Comme nous gérons plusieurs contrats locaux, nous avons la capacité de conseiller nos clients sur l'ensemble des restrictions postales dans chaque pays qui peuvent être totalement différentes d'un marché à l'autre», explique Lionel Elmaleh, p-dg de Spring Global Mail en France.
Mario Bisson (DHL Global Mail International):
«Le principal souci des postes européennes est de garder la maîtrise de leurs propres marchés.»
Un fort maillage mondial
Mais l'offre de ces opérateurs ne se limite pas uniquement à l'export vers leurs pays d'origine. La plupart d'entre eux, forts de leur maillage au niveau mondial, proposent aujourd'hui des solutions complètes d'expédition du courrier à l'international. Swiss Post France, filiale de la poste suisse présente dans l'Hexagone depuis 1997, dispose d'une quarantaine de filiales à travers le monde. Elle a très tôt passé des accords avec des acteurs locaux dans les pays où elle ne s'est pas directement implantée. «Notre but est d'offrir à nos clients les mêmes conditions que s'ils étaient eux-mêmes implantés sur le marché visé», explique Vincent Morius, le président de Swiss Post International en France. En matière de marketing direct international, la filiale de l'opérateur helvète a mis en place une solution baptisée Marketing Mail International, visant principalement les PME-PMI et leur permettant de prendre en charge l'expédition de leurs mailings vers l'étranger. Mais cette offre s'accompagne également de nombreux services annexes tels que le traitement de l'adresse afin d'optimiser le taux de distribution ou la gestion des retours. «Notre offre est amenée à évoluer en fonction des besoins des clients qui ont des demandes de plus en plus précises, ajoute Vincent Morius. Ainsi, aujourd'hui, nous devons être à même, par exemple, de les conseiller sur les formats des mailings ou sur le ciblage.» Une mission de conseil également valorisée chez DHL Global Mail qui n'a jamais caché son ambition d'être parmi les meilleurs en termes de prestation de qualité sur toute la chaîne de traitement du courrier. En témoigne la mise en place d'un «Competence Center», véritable cellule spécialisée qui propose toute une gamme de services multicanaux pour les vépécistes et les sites marchands souhaitant donner une dimension internationale à leur stratégie de marketing direct. Une fois cette dernière établie, DHL gère l'ensemble des étapes d'une campagne adressée du routage, grâce à ses quatre sites français dédiés, à la distribution en propre (en Espagne, Hollande et Allemagne) ou en partenariat avec les opérateurs locaux, en passant par le tri postal. «Diversifier son offre en gérant l'amont, le conseil, la mise sous pli, le routage, l'expédition et la distribution des plis et colis est devenu une absolue nécessité, affirme Mario Bisson. Toutes les postes européennes le font mais, face à la baisse générale des volumes, nous sommes obligés d'aller chercher des marchés ailleurs.»
Le colis en pleine expansion
Le constat est le même pour la filiale française de la Poste belge, Belgian Post International qui souhaite donner plus d'importance à son activité internationale dans les années à venir. En 2008, BPI a intensifié sa stratégie de développement en lançant de nouvelles offres comme sa solution Mail Direct dédiée au courrier publicitaire.
«Nous sommes désormais capables d'enlever, auprès des entreprises qui le souhaitent, tout type de courrier, trié et affranchi ou non, à des tarifs très concurrentiels, détaille Antoine Bobinet, le responsable des ventes France de Belgian Post International. Les volumes ainsi collectés sont traités sur notre base opérationnelle près de Bruxelles.» Depuis peu, l'opérateur a également renforcé son expertise sur le colis en proposant un service d'expédition à l'étranger. Un axe de développement sur lequel tous les prestataires européens n'ont cependant pas le même degré de maturité. DHL semble avoir une bonne longueur d'avance en la matière. En effet, le leader français des ventes événementielles en ligne, Venteprivee.com, vient de lui confier la totalité des expéditions et de la distribution de ses colis à l'international. Stockage, enlèvement, transport et distribution, DHL Global Mail prend en charge le processus global des envois de colis du site avec une promesse de délais de trois à quatre jours en moyenne. Une solution sur mesure développée spécifiquement pour le e-commerçant français implanté en Allemagne et en Italie depuis 2006 et qui vient de lancer de nouveaux sites pour l'Italie et l'Angleterre.
2011 en ligne de mire
Le développement de nouvelles offres dédiées au marketing direct au sein des filiales des postes européennes implantées en France semble donc s'accélérer depuis ces deux dernières années. Doit-on y voir les prémices d'une attaque en règle du marché du courrier domestique lorsque celui-ci sera à son tour libéralisé au 1er janvier 2011? «La France est, derrière l'Allemagne, le second pays d'Europe le plus intéressant en termes de volumes, estime Mario Bisson. Il est évident que les opérateurs étrangers déjà présents sur le marché français attendent l'ouverture avec une certaine impatience. Il y aura sûrement une période d'observation, mais les opérateurs dont l'offre est suffisamment large pour couvrir tout le spectre du MD voudront prendre des parts de marché en B to B où le potentiel est très important.» De quelle manière s'y prendront-ils? Réseau en propre ou rachat d'opérateurs alternatifs nationaux? Sur ce point, en revanche, aucun des éventuels prétendants ne s'est encore clairement prononcé. Une chose est quasiment certaine: dans tous les pays européens ayant libéralisé leur marché postal (Suède, Pays-Bas, Allemagne, Angleterre), l'opérateur historique a conservé une large suprématie.
Seuls les mieux armés pourront donc espérer grapiller une part du gâteau, tout en restant rentables.
La Poste peaufine son offre internationale
Challengée sur les flux de courriers destinés à l'export par ses concurrents européens, La Poste a mis un accent particulier sur le développement de nouvelles offres pour répondre aux attentes de ses clients.
L'international représente 750 ME de CA pour le groupe La Poste (import, export et activités hors France), pour un marché global du courrier estimé à quelque 10 milliards d'euros. L'activité est donc devenue un axe de développement stratégique pour l'opérateur historique français. Quatrième acteur mondial, troisième opérateur le plus actif en dehors de son pays d'origine et deuxième opérateur à l'échelle européenne derrière Deutsche Poste, le groupe La Poste affche clairement ses ambitions internationales. Raymond Redding, directeur du courrier, l'expliquait à l'occasion du rachat, en avril dernier, du groupe britannique BTB Mailfight, spécialiste indépendant de la préparation et du traitement du courrier: «Nous poursuivons, sur des marchés concurrentiels, notre stratégie de développement rentable pour devenir le leader européen du courrier. Car c'est désormais à l'échelle européenne que nous construisons notre futur.» Dans un contexte de libéralisation et de baisse générale des volumes, La Poste passe donc logiquement, mais avec un peu de retard, à l'offensive. En témoigne, le rachat du groupe britannique.
L'intégration de cette structure au sein de l'entreprise, déjà présente en Grande-Bretagne via sa fliale de courrier international La Poste UK, lui permet de renforcer sa présence sur place et d'opérer de nouvelles synergies. «Avec nos filiales en Allemagne et aux Etats-Unis, nous couvrons désormais 50 à 60% du potentiel international pour le courrier adressé», note Marc Pontet, le directeur commercial et marketing de La Poste qui met également l'accent sur le fait que «nos filiales à l'étranger sont toutes rentables».
Des investissements massifs
Mais la bataille du courrier international se joue aussi et surtout, à domicile. Pour faire face à la concurrence des postes européennes présentes sur le marché français (voir article principal), La Poste a, en 2008, totalement refondu son offre et investi massivement dans le développement de solutions de marketing direct pour les entrepri ses souhaitant exercer leur activité à l'extérieur de nos frontières. Avec le lancement de Destineo International (déclinaison de son offre globale Destineo), l'opérateur historique a porté ses efforts sur la qualité et l'exhaustivité de ses services. «Pour faire une bonne offre à l'international, explique Marc Pontet. Vous devez pouvoir normaliser les adresses dans n'importe quel pays, vous devez proposer une solution d'envois compétitive et enfin, être capable de gérer efficacement les retours en dématérialisant les NPAI.» Grâce à ces nouvelles solutions, La Poste espère garder son monopole face à la concurrence sur les flux internationaux. Mais les investissements massifs réalisés ces dernières années, doivent également permettre à l'opérateur historique d'être mieux armé lorsque l'heure de la libéralisation totale aura sonné. «Au 1erjanvier 2011, plus nous serons innovants, plus nous aurons de chances de stimuler le marché.»
Marc Pontet (La Poste):
«Plus nous serons innovants, plus nous aurons de chances de stimuler le marché.»
Avis d'expert
Les enjeux du courrier transfrontalier
Par Laurent Levy, directeur marketing La Poste courrier International, membre de la commission internationale du SNCD (Syndicat national de la communication directe)
Les postes européennes sont aujourd'hui confrontées à un double enjeu qui consiste d'une part à développer des offres de services à forte valeur ajoutée pour l'ensemble de leurs différents clients, à des prix compétitifs et d'autre part à compenser la baisse structurelle du courrier sur leur marché domestique par des leviers de croissance externes et internationaux. Les principales postes développent une approche résolument tournée vers l'innovation produits et services (suivi et tracing du courrier, offres intégrées, solutions d'optimisation des bases de données clients, solutions de dématérialisation du courrier...).
Elles cherchent par ailleurs à optimiser la qualité et le prix de leurs prestations en s'alliant à des partenaires solides partout dans le monde faisant bénéficier leurs clients d'une connaissance accrue des marchés (offres de ciblage, de distribution, de prestations éditiques intégrées...). La Poste française s'est elle-même engagée dans ce sens avec détermination.
De même, dans le cadre de leur développement international, les opérateurs postaux majeurs s'implantent à l'étranger (filiales, prise de participation...). Elles proposent ainsi des services transfrontaliers performants (accès aux tarifs nationaux des opérateurs, offres de routage, retour d'information distribution, prise en charge directe à l'étranger...) en optimisant leurs process de production et la gestion des transports internationaux, les clients bénéficient ainsi des meilleurs prix.
Lionel Elmaleh (Spring Global Mail):
«Nous conseillons nos clients sur les restrictions postales dans chaque pays. Celles-ci peuvent être totalement différentes d'un marché à l'autre.»
Vincent Morius (Swiss Post International France):
«Notre but est d'offrir à nos clients les mêmes conditions que s'ils étaient eux-mêmes implantés sur le marché visé.»