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LES BROKERS DANS LA MOUVANCE DU MULTICANAL

Face à un marché en pleine mutation où les demandes des annonceurs se font de plus en plus précises, les courtiers en fichiers doivent adapter leur offre pour être en phase avec les attentes. Avec, en ligne de mire, le ciblage pour plus d'efficacité.

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Conseiller, sélectionner des adresses et établir des plans fichiers... Si telle était la mission des brokers jusqu'à présent, l'exigence du marché les pousse aujourd'hui à aller plus loin dans leur offre. Ainsi, le rôle d'accompagnateur est devenu indissociable de la simple vente ou location d'adresses. En particulier dans le secteur du B to B. «Le conseil est une vraie valeur ajoutée dans notre métier, indique Xavier Creuze, directeur de DBI. Nous essayons donc de faire du sur mesure et nous prenons le temps de créer une relation humaine avec le client.» Le broker n'est plus seulement un intermédiaire, il écoute et guide les annonceurs dans leur démarche.

Mickaël Saillant (France Adresses):

«Nous organisons les échanges entre les clients en apportant le conseil nécessaire.»

Un choix de fichiers pertinent

Au-delà du conseil et de l'accompagnement, les annonceurs attendent des courtiers en adresses du gain de temps. Dans cet objectif, la pertinence s'impose quant au choix des fichiers. «Il est important de nous proposer des fichiers pointus et efficaces», confirment Christine Pagnac, responsable marketing chez Audika, spécialiste de la correction auditive, et Guillaume Alsac, directeur marketing du quotidien La Voix du Nord. Un rôle que les brokers acquièrent avec l'expérience du métier et la connaissance du marché. En outre, ces mêmes annonceurs apprécient que les courtiers réalisent des tests sur certaines cibles avant le lancement de la campagne afin de viser juste. «Nous avons besoin que les brokers nous ouvrent de nouvelles perspectives de travail et qu'ils soient aussi sources d'inspiration», ajoute Eric Vandeleene, responsable marketing abonnements au journal Le Point. Les annonceurs poussent encore plus loin la demande en réclamant, par ailleurs, que les courtiers jouent un rôle de veille sur les fichiers proposés (sortie de nouveautés notamment).

Les clients restent favorables à l'échange ou, plus précisément, à la location réciproque entre annonceurs, un phénomène qui a toujours existé. Ce système, qui a l'avantage d'être moins coûteux, repose sur un principe simple: chaque acteur s'engage à louer à l'autre un certain montant en échange de sa réciprocité. Des annonceurs comme Le Point le confirment. «Nous connaissons bien notre cible, c'est pourquoi nous favorisons l'échange», souligne Eric Vandeleene. Il arrive donc que certains brokers comme Worldlist ou encore France Adresses deviennent un point de contact entre les deux acteurs. «Nous organisons effectivement les échanges entre les clients en apportant le conseil nécessaire», reconnaît Mickaël Saillant, directeur associé de France Adresses. Dans ce cadre particulier, le broker reçoit une commission de chaque acteur. Mickaël Saillant précise qu'il faut compter entre 15 et 30 euros HT le mille en fonction des volumes. «Cela peut pénaliser les marges des brokers, accentuer la concurrence entre nous, mais cela peut aussi engendrer la baisse des prix», ajoute Edouard Simon, directeur général de Worldlist.

une estimation chiffrée du marché

Aujourd'hui encore, il est diffcile de récolter des chiffres offciels concernant le marché des brokers. Pourtant, certains d'entre eux se livrent à quelques estimations. Ainsi, Stéphane Barthélémy, p-dg d'Adress Company, avance le chiffre de 250 millions d'euros en 2007 (B to B et B to C). Il estime, par ailleurs, que les propriétaires représenteraient 40% du marché et les courtiers en adresses 60%. Notons que le marché du B to B pèserait à hauteur de 15%. L'e-mailing représenterait entre 50 et 80 millions d'euros en 2007. Edouard Simon, directeur général de Worldlist, indique, pour sa part, que la location en adresses postales représenterait un chiffre d'affaires de 100 à 150 millions d'euros. Enfn, «en termes de développement, l'e-mail est bien supérieur au postal», conclut Roland André, président du SNCD.

Certains annonceurs se concentrent sur la fidélisation

Les courtiers rencontrent également des problématiques d'ordre économique. En effet, dans un contexte de crise, ils doivent s'adapter à un marché en évolution. L'offre s'accroît, devient de plus en plus concurrentielle, les canaux se démultiplient. «Ainsi, le ROI des annonceurs dans le cadre de mailings papier n'est plus aussi important», constate Edouard Simon. «Aujourd'hui, souligne Roland André, président du SNCD, les rendements peuvent diminuer à cause de la situation économique, tout comme les volumes des locations, mais la qualité des adresses n'est pas en cause. Ces rendements peuvent être augmentés en utilisant le multicanal» Les brokers sont de plus en plus confrontés à l'exigence des annonceurs, qui s'inscrit dans le cadre de restrictions budgétaires: «Ils rationalisent leurs campagnes de marketing direct», observe Xavier Creuze (DBI). A noter que certains d'entre eux, dans ce contexte, privilégient la fidélisation plutôt que la prospection, jugée plus coûteuse. Une nouvelle contrainte pour les courtiers... En parallèle de cette tendance, la notion de méthodologie émerge. «Nous devons évidemment être créatifs en termes de plans fichiers, mais également rigoureux en passant par une vraie méthodologie», note Stéphane Barthélémy, président-directeur général d'Adress Company. C'est-à-dire vérifier que les variables correspondent bien aux besoins des annonceurs. En effet, pour établir un plan fichiers et une bonne préconisation, il faut vérifier la pertinence de certains critères (message, historique, offre, budget, etc.).

Par Stéphane Barthélémy, p-dg d'Adress Company et membre du SNCD.

Par Stéphane Barthélémy, p-dg d'Adress Company et membre du SNCD.

Avis d'expert

Le métier de broker d'adresses: peu d'acteurs et beaucoup de responsabilités
Au sein du SNCD, il n'y a que trente et une sociétés exerçant le métier de broker, dont trois dans le B to B. L'univers des brokers est un tout petit monde qui génère pourtant un chiffre d'affaires important: près de 90 millions d'euros. Il permet également chaque année la réalisation de centaines de millions de mailings et de milliards d'e-mailings.
Mais qu'est ce qu'un broker? Cette profession, qui a la particularité de remettre 80% de son chiffre d'affaires aux propriétaires de fichiers (soit environ 72 millions d'euros par an), est partagée entre les acteurs issus de l'univers de l'adresse postale, les acteurs spécialisés dans l'e-mailing et les mutualisateurs qui assemblent leur propre base. Un broker est tout simplement une agence spécialisée dans les médias du marketing direct.
Actuellement, la dégradation de la situation économique fait baisser le nombre d'envois et donc leur chiffre d'affaires. De la même façon, les rendements et les taux d'ouverture des e-mails baissent. Aussi les courtiers doivent-ils s'adapter en permanence à la nouvelle donne du marché pour proposer à leurs clients des solutions innovantes.
Ce métier a considérablement évolué ces dernières années. Autrefois distributeurs, les brokers sont devenus experts en médias, capables de réaliser des campagnes de grande envergure en jonglant avec tous les ingrédients du multicanal et du score, mais aussi des négociateurs cherchant à obtenir le meilleur tarif pour leurs clients. Et, au-delà de toutes ces fonctions, ces experts doivent connaître parfaitement le comportement de milliers de fichiers ayant des dizaines de critères de sélection. La qualité des adresses a aussi énormément évolué, grâce au travail des gestionnaires de base et aux traitements de mise à jour automatisés tels que Estocade. Ainsi, il est très rare aujourd'hui d'avoir à rembourser le moindre NPAI.
Enfin, ces professionnels de l'adresse ont une obligation de performance et de résultat qui les oblige à garder constamment un oeil sur le ROI et donc à exercer leur métier avec la plus grande exigence.

Une offre alternative

Les courtiers peuvent aussi être confrontés à la concurrence d'acteurs externes au marché des brokers dans le B to C. En effet, le groupe Actimail, spécialiste en marketing direct multicanal, s'est installé depuis un an dans le petit marché des brokers, avec sa filiale Actimail List. «En effet, suite à la demande de clients mais aussi pour développer l'ensemble des compétences marketing direct du groupe, nous avons lancé Actimail List, une filiale basée à Genève et à Paris», précise Edouard Sinet, directeur commercial d'Actimail List. Cette cellule, qui commercialise une trentaine de fichiers en exclusivité ou en coexclusivité (adresses postales, e-mails, asile-colis) dans les secteurs de la culture, du loisir, de la santé et de la mode, a pour vocation d'être un interlocuteur privilégié auprès d'annonceurs pour la commercialisation de fichiers et pou le courtage d'adresses. «Le groupe Actimail a donc créé cette entité dédiée dont le but est de conseiller, de l'identification des fichiers à l'analyse des résultats et de proposer des solutions sur mesure, adaptées à tout type de prospection», précise Edouard Sinet.

Roland André (SNCD): «Aujourd'hui, avec le multicanal, les rendements peuvent être augmentés.»

Privilégier le multicanal

Autre constat: l'arrivée de l'e-mail a fait accélérer le marché et évoluer le métier. Plus direct, moins onéreux, ce canal est favorisé par les annonceurs. Certains brokers constatent même que l'e-mail crée de nouvelles ressources pour la gestion des fichiers. «En effet, la récolte d'adresses électroniques permet d'améliorer les bases de données en les enrichissant, en les mettant à jour et en intégrant des données comportementales», soulignent les cofondatrices d'Histoire d'adresses, société de B to B réalisant 70% de son chiffre d'affaires sur le marché de l'e-mail. Toutefois, Xavier Creuze, qui évolue également en B to B, estime que l'e-mail a des limites: «Je pense qu'en prospection pure, il faut rester vigilant avec ce canal. Moins vecteur d'image, il n'a pas le même impact que le mailing postal L'idéal est donc de privilégier le multicanal. Par ailleurs, le télémarketing se développe et génère de bonnes remontées.» Paul Adam, p-dg du loueur de fichiers ITL, estime même, pour sa part, qu'«aujourd'hui, le courtier en adresses qui ne s'oriente pas vers le multicanal est condamné». D'ailleurs, les annonceurs investissent de plus en plus massivement dans le Web, au détriment du print. «Le multicanal permet d'avoir un éventail complet de sources de recrutement et de toucher différentes cibles», ajoute Eric Vandeleene (Le Point). Les prospects peuvent également avoir différentes préférences quant au canal utilisé. «En effet, nous pouvons trouver au sein d'un même fichier des personnes préférant être sollicitées par papier mais qui vont acheter sur Internet, d'autres 100% Internet, et d'autres qui vont se déplacer en boutique, indique Paul Adam (ITL). C'est donc le degré d'attirance de chaque client vers l'un ou l'autre canal qui va déterminer son score d'appétence.»

Des bases mutualisées

Afin de répondre à la concurrence accrue mais aussi dans un souci de différenciation, les brokers cherchent à se renouveler et à s'adapter. C'est pourquoi ils tentent de tirer leur épingle du jeu en proposant de nouvelles solutions et en mettant l'accent sur la mutualisation. En effet, que ce soit en B to B comme en B to C, certains acteurs du marché proposent des plateformes ou de nouvelles bases mutualisées. Histoire d'Adresses a, par exemple, lancé Adresses Market, une nouvelle plateforme de services destinée au marché du B to B. Celle-ci a deux vocations: tout d'abord, elle donne lieu à optimiser les actions commerciales par une meilleure connaissance des clients et des prospects, et, ensuite, elle permet d'évaluer les potentiels de prospection correspondant aux profils, tant sur le marché global (base Insee), que sur les fichiers de comportements hébergés par la plateforme. «C'est un espace personnel, sécurisé et adapté aux besoins», précise Patricia Deudon, directrice commerciale associée. Dans le secteur du B to C, certains courtiers s'activent également. Par exemple, Wordlist propose Neovia Direct. Il s'agit d'une plateforme e-marketing d'échange d'adresses d'e-mail d'acheteurs en ligne et de gestion de campagnes d'e-mailing. «Une vraie place de marché de l'e-mail mettant en réseau les sites d'e-commerce pour leurs campagnes de recrutement par mail. Cet outil assure une gestion par un tiers neutre», affirme Edouard Simon. Une offre qui est la résultante d'une demande expresse des e-commerçants. Dans le domaine des nouvelles bases mutualisées, citons Adress Company et sa base Profilia (B to C) qui sera lancée en avril 2009, avec un ensemble de bases de données (base mutualisée) d'une vingtaine de propriétaires et France Télécom (14 millions d'adresses). Le tout regroupant environ 18 millions d'adresses. Dans le détail, certains propriétaires exclusifs ont signé un contrat de régie avec Adress Company. «Notre but est donc d'augmenter le potentiel, d'améliorer la segmentation et le ciblage en passant notamment par le score. Les clients étant de plus en plus exigeants, nous devons donc apporter de nouvelles solutions de ce genre», explique Stéphane Barthélémy.

Paul Adam (ITL): «Le courtier en adresses qui ne s'oriente pas vers le multicanal est condamné.»

Patricia Deudon (Histoire d'Adresses):

«Notre plateforme est un espace personnel, sécurisé et adapté aux besoins.»

Marc Desenfants (Come&Stay):

«Il est nécessaire d'utiliser un data mining et des algorithmes pointus.»

Des technologies plus sophistiquées

D'autres brokers orientés sur l'e-mail misent sur le développement de la performance marketing. Cette méthode, exploitée depuis environ un an, a pour but de satisfaire aussi bien l'annonceur que l'internaute. «Le but est d'envoyer le bon message à la bonne personne, au bon moment», précise Marc Desenfants, directeur délégué de Come&Stay. Pour s'assurer que les campagnes sont pertinentes et performantes, mais aussi d'être au plus prêt des désirs des internautes, Come&Stay a, par exemple, développé depuis quelque mois des applications comme «Relevance». Ce produit permet de faire des tests sur une campagne d'e-mailing, en prenant un échantillon d'internautes. Si ce dernier répond positivement, le routage sera adapté à cette cible. «Cette méthode permet d'obtenir une rentabilité immédiate», souligne Marc Desenfants. Enfin, le broker élargit son champ de compétences en se tournant notamment vers le data mining. «C'est une technologie puissante qui suppose une base de gros volumes pour appliquer l'algorithme de ciblage. Il est nécessaire d'être le plus pertinent possible et donc d'utiliser un data mining et des algorithmes pointus», développe Marc Desenfants. Entre le conseil, l'accompagnement, les nouvelles offres ou encore l'avancée des techniques, les brokers évoluent avec le marché. Ainsi, sans seulement compter sur leur propre réussite, ils partagent une même ambition: porter le marché vers le haut.

3 questions à

Athénaïs Rigault, directrice hors médias de l'Union des annonceurs (UDA)
Quelles sont les demandes des annonceurs aujourd'hui?
Dans leurs stratégies de communication, les annonceurs souhaitent optimiser au maximum leurs investissements, et ce d'autant plus en période de crise. Il est clair qu'aujourd'hui il y a moins de mailings et d'e-mailings, pour des raisons de coût principalement. C'est pourquoi ceux-ci doivent impérativement être plus ciblés pour en maximiser l'impact. Cet aspect est essentiel pour les annonceurs. Les bases de données se doivent donc d'être qualifiées, de façon à ce que les réactions des cibles soient conformes aux estimations de remontées prévues par les annonceurs. Cela passe par une plus grande richesse d'informations sur l'adresse comme celles dites sociologiques et comportementales. En effet, toujours dans l'optique d'affiner le message en fonction de la cible, voire de le personnaliser, il est nécessaire d'avoir, en plus des données de base (adresses...), des informations précises sur le profil du destinataire. Car l'objectif au final est que celui-ci réponde à l'offre qui lui est faite, par exemple en se rendant en magasin et, mieux, en achetant les produits. Aujourd'hui, les annonceurs font moins de quantitatif et recherchent le qualitatif. Ce qui sous-tend un comportement plus responsable de leur part par la limitation des envois inappropriés.
Quelles sont les exigences des annonceurs par rapport aux brokers?
Les annonceurs adhérents de l'UDA cherchent avant tout à avoir des données opt-in pour n'importe quel style de campagne, tous canaux confondus. Cela correspond en effet aux comportements loyaux et responsables prônés par l'UDA. Les annonceurs exigent que les brokers eux aussi aient un comportement éthique et loyal. Ils doivent bien sûr proposer uniquement des adresses opt-in et ne pas trop les utiliser. L'UDA recommande à ses membres de travailler avec des courtiers qui ont signé la charte déontologique du SNCD. Certains annonceurs de l'UDA ont également signé la charte de la communication responsable développée par l'UDA, dont l'un des engagements est «d'utiliser avec loyauté les données privées de ses clients dans sa démarche marketing et commerciale». L'idée ici est que les bases de données externes ou internes soient systématiquement utilisées avec fiabilité.
Qu'envisagez-vous dans l'avenir pour les brokers?
Il serait intéressant de développer une certification des bases de données. En effet, il faudrait, pour professionnaliser le métier et limiter les abus, que les bases vendues par les brokers puissent être contrôlées par un organisme certificateur extérieur afin qu'elles respectent les règles établies... Cette démarche permettrait de stabiliser le marché. Cela répondrait aussi aux besoins de qualité, de pertinence et de performance souhaités par les annonceurs.

Emmanuelle KALFON

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