LE PAPIER DE CRÉATION : Un élément différenciateur pour les MAILINGS
Transparences, papiers "lumière", effets de brillant, de métallisé, association de couleurs entre elles... Aujourd'hui, le choix du papier fait partie intégrante de la création d'un mailing ou de la fabrication d'un catalogue. Après la mise en valeur des messages par la couleur, on fait appel au toucher et même à l'ouïe, à des sentiments plus personnels. En privilégiant davantage les sens, il est même possible de rentrer dans l'intimité des clients.
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«Le choix d'un papier particulier, lors de l'élaboration d'un mailing, ne
dépend pas uniquement de la qualité de l'annonceur. Il dépend aussi de la
qualité du ciblage et de l'image que l'annonceur veut dégager de son produit ou
de sa marque. » Pour Emeric Thibierge, P-dg du papetier Thibierge & Comar, si
les papiers de création ont un coût, leur utilisation n'est pas forcément
associée au secteur du luxe. Une société de conseil, qui cible les patrons des
100 plus grosses sociétés françaises, aura tout intérêt à utiliser un papier de
création qui mettra en valeur son image de sérieux. De même, Renault, pour le
lancement d'un nouveau modèle de Twingo, a choisi, pour un mailing ciblé de 100
000 exemplaires, d'utiliser des papiers de création jouant sur les couleurs et
les calques sous un format rond. Sophie Filly, responsable du département
conseil chez Arjomari Diffusion note que le terme "papier de création" date de
la fin des années 90. « Dans les années 60, le papier était totalement
banalisé, raconte-t-elle. A plus de 95 %, on utilisait des feuilles offset
couché blanc, le choix du support incombait à l'imprimeur. Aujourd'hui, le
papier est un support de création, au même titre que la couleur. » C'est au
début des années 70 que la couleur est apparue dans tous les domaines. Tant
vestimentaire, que dans les peintures des voitures et dans la publicité.
VERS DES PAPIERS "LUMIÈRE"
« Dans le domaine de
l'impression, après le papier offset, c'est le papier couché qui a été
majoritairement utilisé, pour imprimer en quadrichromie », ajoute Emeric
Thibierge. Une bonne publicité se devait d'être imprimée en couleur sur papier
glacé. « A cette époque, ce sont les annonceurs du luxe qui ont utilisé cette
technique, se souvient-il. Aujourd'hui, l'utilisation de la couleur est banale
et n'a pas de caractère distinctif. » Cet apport de la couleur se traduit dans
le papier lui-même, avec, notamment, la première gamme couleur d'Europe chez
Arjomari, la gamme Pop Set. Les années 70-80 ont permis une certaine
démocratisation de la couleur. Les papiers deviennent plus performants, en
terme de résistance, et les machines plus rapides. La fin des années 80 voit
l'arrivée de "l'ère écologiste". Le papier suit les tendances et les cultures :
écru, lin, ivoire... A l'image de la gamme Country Side, chez Arjomari. Pour
Sophie Filly, les tendances pour le 3e millénaire, vont vers des papiers
"lumière", dotés de textures qui captent la lumière, avec des effets de
brillant, de métallisé, nacrés, iridescents, par l'utilisation de calques. «
Toutes les couleurs sont à la mode, mais rangées par tendances : nature,
féminité, animalité. C'est l'intensité de la lumière qui va les rendre vivantes
», prévoit-elle. Cette explosion de l'offre a entraîné une modification dans
la prise en compte du média papier dans les mailings. L'imprimeur reste un
conseiller, mais les agences et les créatifs jouent un rôle de plus en plus
important dans le choix du papier. « Nous disposons à l'agence d'un pôle
d'expertise qui suit les évolutions en matière de papier », précise Alain
Murcia, directeur de la création de Nouveau Siècle, agence spécialisée dans la
communication directe pour le luxe. Cependant, l'agence n'achète pas
directement aux papetiers, l'expérience des imprimeurs demeure primordiale.
Reste que le choix du papier vient en même temps que l'idée, il fait partie
intégrante du message. « Il y avait un besoin, une demande, précise Sophie
Filly. Nous avons donc mis sur pied des équipes chargées de s'occuper de ces
nouveaux prescripteurs, des espaces spécifiques pour présenter nos produits. »
La maquette est finalisée dans le papier choisi. « Nous proposons une maquette
en blanc, avec le bon papier, indique Claire Ponticelli, chef de fabrication de
l'agence Nouveau Siècle. Cela permet de valider un choix de création, de la
même façon qu'un cromalin servira à approuver la gravure. » Le choix du papier
impose le respect de certaines règles. En fonction de la cible à atteindre, il
est nécessaire d'élaborer un cahier des charges de la création. Ensuite, il
faut connaître la quantité de papier nécessaire. Puis, les délais de séchage
des encres, les contraintes de fabrication. Les illustrations : quadrichromie
ou non ? Et, bien entendu, avoir le budget nécessaire. Il ne coûte pas
forcément plus cher de choisir un papier de création et d'imprimer en une seule
couleur, plutôt que de choisir un papier couché mat avec une illustration en
quadrichromie et un passage de vernis.
IMPRESSION NUMÉRIQUE
« Ce qui coûte le plus cher, pour un mailing de petite
diffusion, ce sont les frais de calage. » Pour Séverine Duchateau, chef de
fabrication de l'agence Terre Lune Marketing Drive, l'utilisation d'un papier
de création peut multiplier le budget papier par 3 ou 4, mais sur un mailing de
5 000 exemplaires, l'impact budgétaire sera minime. Et lorsqu'on parle
d'impression numérique, elle note que les imprimeurs restent bien placés pour
des quantités supérieures à 1 000 exemplaires. Pour elle, le recours à
l'impression numérique ne se justifie que jusqu'à 300 exemplaires. Claire
Ponticelli pense, de son côté, que c'est à partir de 1 500/2 000 exemplaires
que l'on aura recours à l'impression offset traditionnelle. Elle note également
qu'en impression numérique, le choix du papier est limité. C'est en fonction du
format, de la quantité et de la création du document qu'on choisira la machine
à impression numérique. Etrange histoire que celle du papier. Découvert en 105
av. J-C par Tsaï Lun, un lettré chinois qui eut l'idée de réduire une plante en
fibre et créa la première feuille de papier. Cette découverte fut amenée vers
l'Occident à l'issue de la bataille de Samarkand, qui vit des troupes chinoises
battues par les Arabes. Parmi les prisonniers, se trouvaient des ouvriers
papetiers qui transmirent leurs secrets. En 1748, Louis-Nicolas Robert invente
la première machine à papier, puis, en 1839, le français Payen arrive à isoler
la cellulose du bois et à en faire de la pâte à papier, permettant une
véritable industrialisation de la fabrication du papier.
JOUER SUR LA MAIN
Aujourd'hui, selon Pierre Vincent, directeur général du
papetier Trebruk, « le papier est le support de référence du marketing direct,
même quand ce n'est pas le support unique. Mais c'est aussi un support de
communication. » Pour preuve, Pierre Vincent cite l'édition printemps-été d'un
catalogue de La Redoute, dont Philippe Starck était la vedette. Le papier
choisi, le "Munken Pure" de Trebruk, un papier de création pas trop
dispendieux, a permis de lui donner un aspect luxueux sans pour autant dépasser
le budget alloué, pour 5 millions d'exemplaires et 250 tonnes de papier. « Le
choix du papier devient de plus en plus important. Il permet de jouer sur
l'épaisseur du catalogue, la main. L'utilisateur a l'impression qu'il manipule
beaucoup de feuilles de papier. Sur un mailing adressé, quand on dépasse les 35
grammes par document, cela compte », ajoute Pierre Vincent. De fait, le papier
fourni par Trebruk a la réputation d'avoir une "bonne main". D'après Frédéric
Berthelat, directeur commercial d'Evermail, « un bus mailing nécessite un
papier particulier, il voyage et subit moult manipulations. Il faut qu'il soit
solide. On a sélectionné Trebruk parce qu'ils ont mis au point un papier qui, à
grammage égal, est plus solide et a plus de main. » Chez l'imprimeur IPBI, on a
choisi la gamme Arctic Mat pour sa résistance à la déchirure. « Nous sommes
spécialisés dans les produits de personnalisation laser, précise Régis Dast,
son P-dg. Trebruk nous fournit un bon produit, bien "fermé" (il a une bonne
imprimabilité) et qui offre un excellent rendu en quadrichromie. » Un reproche
cependant : il n'est pas très blanc à cause de la couche de vernis
supplémentaire, à l'intérieur du papier. « Dans l'esprit des gens, le beau
coûte cher. Mais le laid peut aussi coûter très cher. » Pour Sophie Filly, on
peut parfois cibler moins de personnes, mais mieux, et ainsi obtenir de
meilleurs retours. Mais le choix de l'enveloppe est également important. C'est
le premier document que l'on voit lorsqu'on reçoit le mailing. Pour Max-Paul
Debily, directeur du développement du fabricant d'enveloppes La Couronne, dans
le mailing courant, la tendance va vers l'impression d'à plats en
quadrichromie. Le support devient une base technique, il est choisi en fonction
du rendu des couleurs. « Nous sommes là dans une problématique de coûts »,
précise- t-il. Pour La Couronne, les priorités en matière de papier sont
différentes de celles qu'on recherche pour un simple document. « Pour une
enveloppe, nous utilisons du papier vélin, qui est plus résistant que l'offset.
Même si le différentiel de prix tend à diminuer, se situant autour de 6 F au
mille. Sur plusieurs millions d'exemplaires, cela peut poser un problème, mais
sur un petit mailing, faire des économies sur l'enveloppe peut impliquer une
perte d'impact. » La particularité d'une enveloppe, c'est qu'elle doit être
pliée, collée, gommée, chauffée pour la sécher, et qu'elle doit rester stable
pour être mécanisable. Reste à savoir si l'utilisation d'une enveloppe de
création joue sur les taux de retour. La question est délicate. En effet, si
ceux-ci sont mauvais, les annonceurs ne s'en vantent pas. « Mais nous savons,
par des tests que nous avons effectués sur notre gamme d'enveloppes de la gamme
Cromatico - qui coûte en gros dix fois plus cher que le vélin classique - que
les clients continuent d'utiliser ce support pour des opérations de
communication pointues. » Pour Max-Paul Debily, le choix d'un beau papier pour
un mailing induit un phénomène de respect. « On se sent honoré lorsqu'on reçoit
un produit très qualitatif. L'affectif entre en jeu. Jamais on n'aura cette
sensation si l'on reçoit un produit plastifié. » Il précise que les formats
changent aussi. On trouve de plus en plus de formats 166 x 229 au lieu de 114 x
229, grâce à une plus grande tolérance de La Poste en matière de poids
d'affranchissement. « Du coup, on voit apparaître des formats rectangulaires
nouveaux, qui permettent d'être repérés plus facilement dans un paquet de
lettres », ajoute-t-il.
LA DIMENSION TACTILE
« A
chaque projet de mailing, son papier », soutient Sophie Filly. Pour des volumes
importants, ou un budget réduit, on utilisera du papier couché qui mettra en
valeur l'impression en quadrichromie, les images. En revanche, sur les petits
mailings, de 1000 à 5000 exemplaires qui, souvent, veulent suggérer le
prestige, on peut jouer sur une dimension qui n'existe pas avec le papier
couché : la dimension tactile. « A l'heure d'Internet, plus besoin de mettre
des images dans un mailing. Elles sont partout. Autant faire appel aux sens »,
poursuit-t-elle. Le papier fait un bruit particulier, il permet de développer
le toucher, l'ouïe. Le papier de création révèle les mots, laissant les images
à l'arrière plan. Séverine Duchateau cite comme exemple de mailing utilisant le
papier de création Country Side, diffusé par Arjomari Diffusion, celui réalisé
pour le club Jeep de Chrysler. Un papier qui ressemble à du papier recyclé sans
en avoir la rugosité et avec une blancheur plus affirmée, se mariant
parfaitement avec une idée de nature et de montagne. « Les gens apprécient les
papiers de création, mais ceux-ci ont tendance à boire les couleurs, à "tuer"
les détails. C'est le cas du papier Country Side », signale-t-elle. Là encore,
le conseil de l'imprimeur ou du papetier est important. A contrario, dans une
brochure réalisée pour Compaq et présentant des croquis du navigateur Titouan
Lamazou, la couverture, mettant en avant un aspect et un toucher cotonneux, a
été choisie en papier de création, tandis que les pages internes mettaient en
valeur les couleurs des croquis. Reste que, selon Severine Duchateau, «
souvent, l'enveloppe ne suit pas. On "zappe" l'enveloppe en construisant
l'opération. » Résultat, le mailing finit souvent à la poubelle, sans avoir été
ouvert.
ENTRER DANS L'INTIMITÉ
Chez Nouveau Siècle,
l'utilisation des papiers de création est journalière. Le dernier mailing
destiné à fidéliser les clientes des boutiques Kookaï jouait sur la
transparence en utilisant des papiers de la gamme Cromatico. « Il fallait
rester dans l'esprit de la marque, raconte Alain Murcia. Cette transparence, on
la retrouve dans les boutiques. » Une transparence utilisée également dans le
mini-catalogue destiné aux clientes de Princesse Tam Tam. Ici, des calques
couleur, placés sur les photos, mettaient en valeur chaque modèle. Et le
calque, loin de cacher les photos, pousse la cliente à la regarder. « Pour une
autre collection, l'idée était d'entrer dans l'intimité des clientes, précise
Alain Murcia. Nous avons tenté de le faire en intercalant des papiers très fins
mais opaques, un peu comme du papier bible, entre chaque modèle. L'effet obtenu
était satisfaisant. » Pour Emeric Thibierge, « les annonceurs qui souhaitent se
distinguer se servent souvent du papier lui-même pour communiquer leur image.
On peut souvent faire un parallèle entre le papier choisi pour le mailing et le
métier ou le produit de l'annonceur. » La gamme Mineralis, par exemple, un
papier dont la texture évoque le marbre, permet d'induire une idée de mystère,
mais aussi de sérieux. Une banque aura tout intérêt à l'utiliser. On peut aussi
jouer sur les couleurs. Des teintes brunes, acajou évoquent l'univers du
cigare, des bois précieux. Il a été utilisé en Belgique pour une société
fabricant des chocolats. En France, il a servi pour un mailing sur la gamme de
voitures Jaguar. Quant à la teinte gris-bleu, elle a été choisie par Boucheron
pour évoquer des pierres semi-précieuses. La gamme Canevas, elle, joue sur le
toucher et le relief avec un dessin en forme de chevron. La feuille de papier
est passée entre deux toiles. Elle est marquée au feutre. « C'est un papier qui
véhicule une image de tradition et de qualité, proche de l'artisanat, remarque
Emeric Thibierge. C'est le papier idéal pour une société de maroquinerie, un
château de Bordeaux ou de la Haute Couture. » La gamme Cromatico, dont nous
avons déjà parlé pour les mailings de Kookaï et de Princesse Tam Tam, est
constituée par des feuilles de calques de couleur. C'est un papier qui
communique fortement. Il est en phase avec un annonceur qui souhaite
communiquer sur l'audace et la modernité. « Transparences et couleur sont très
en vogue de nos jours. Et le calque de couleur permet d'amener le message d'une
façon différente. Il voile et met en avant. Il pousse le lecteur à revoir la
photo mise en avant », ajoute-t-il. Dernier de la liste, la gamme Cromatico
Fluo. « C'est dans ma mémoire d'enfant que sont ancrées les couleurs
fluorescentes, raconte Emeric Thibierge. Elles sont artificielles, une pure
création de l'homme utilisant un phénomène physique découvert au début du XXe
siècle. » Lorsqu'un objet de couleur non fluorescente reçoit un rayon de
lumière, il le réfléchit en partie dans une couleur du spectre visible, et
absorbe le reste de lumière qu'il dissipe sous forme de chaleur. Tandis qu'un
objet de couleur fluorescente dissipe, lui, moins de chaleur, une partie de la
lumière est absorbée et réémise dans l'une des couleurs chaudes du spectre
visible : le jaune, l'orange ou le rose. « Marquant le retour des années 60,
les couleurs de Cromatico Fluo sont transparentes, lumineuses et pures. Leur
force révèle ce qu'elles prétendent estomper », précise-t-il. Une gamme de
papier qui semble promise à un avenir prometteur. Pour preuve, la créatrice de
mode new-yorkaise, Donna Karan a choisi Cromatico Fluo pour un mailing tiré à
150 000 exemplaires. Le papier n'est plus le seul support de l'écrit ou de
l'image. Aujourd'hui, il fait partie intégrante du message. Il fait appel à
d'autres sens que celui de la vision. Dans certains cas, il permet de révéler
plus sur un produit ou une marque qu'une belle photo. La galaxie Gutenberg a
encore de beaux jours devant elle.
Papier : les chiffres clés 1999
Production de papier en France : Papiers à usage graphiques : 4 346,6 milliers de tonnes (papier journal : 1 099,1 ; papier d'impression et d'écriture : 3 247,5). Soit 45,2 % de la production totale de papier. En progression de 4,8 % par rapport à 1998. Importations : Papiers à usage graphiques : 3 805,2 milliers de tonnes (papier journal : 509,5 ; papier d'impression et d'écriture : 3 295,7). En progression de 6,1 % par rapport à 1998. Consommation apparente : Papiers à usage graphiques : 5 355,2 milliers de tonnes (papier journal : 880,5 ; papier d'impression et d'écriture : 4 474,7). En progression de 2,4 % par rapport à 1998. Source : Copacel
Le papier de B à V
Bouffant : papier dit "brut de machine" de composition fibreuse, dont la main est égale ou supérieure à 1,70. Couché : papier qui a été soumis à un procédé améliorant sa brillance et son imperméabilité. Epair : aspect du papier examiné par transparence. Uni, fondu ou nuageux selon l'homogénéité de la répartition des fibres. Gaufrage : consiste à faire apparaître un relief par le passage du papier entre deux cylindres gravés. Grammage : masse par unité de surface d'un papier. Exprimé en gramme par mètre carré. Main : appréciation par le toucher de l'épaisseur et de la résistance d'un papier. Un papier a une main lorsque son épaisseur semble élevée pour sa masse au mètre carré. Trame : ensemble de points, de formes et de surface variables, permettant de reproduire les demi-teintes d'une même couleur. Translucide : support se laissant traverser par la lumière mais au travers duquel on ne peut distinguer les objets par application directe. Vélin : papier lisse, d'épair uniforme. Vergé : papier présentant par transparence des stries espacées perpendiculairement aux premières.