LE NFC... LA PROXIMITE SANS CONTACT
Le NFC intéresse les enseignes en concurrence avec les sites d'e-commerce. Cette technologie, utilisée en magasin comme en mobilité, permet, en effet, de conquérir et de fidéliser les clients en point de vente. Le «sans contact» promet de mettre en oeuvre, demain, un marketing en temps réel et géolocalisé. Evidemment, cette technologie aiguise l'appétit des opérateurs mobiles, des banques et autres pure players.
Les premières expérimentations datent de 2004. Huit ans plus tard, le NFC (Near Field Communication) entre dans les villes. Parfois appelée le «marketing des derniers mètres», cette technologie intéresse les enseignes pour deux raisons principales: d'une part, elle facilite le parcours client et l'activité de l'enseigne ; d'autre part, elle permet aux points de vente d'interagir avec leurs clients - en mobilité comme en magasin.
S'agissant de la facilité d'usage pour le consommateur, il lui suffit de passer son mobile à proximité d'un tag (étiquette) ou d'un lecteur NFC pour, d'un seul geste, payer, s'identifier ou accéder à des informations et des services. Le NFC lui permet de diviser par deux la durée de règlement de ses achats. Ce gain de temps s'avère aussi précieux pour les enseignes, puisqu'il permet de fluidifier le passage en caisse. Depuis 2009, Carrefour propose d'ailleurs une carte «sans contact», tandis que Mc Donald's teste actuellement la prise de commande et le paiement sur mobile. Autre facilité d'usage, côté consommateur comme côté enseigne: le NFC simplifie la dématérialisation des cartes de fidélité et le m-couponing. La validité des coupons est automatiquement vérifiée en caisse, la réduction, instantanément calculée sur le montant du panier. Ce service répond aux besoins des consommateurs: 79 % des détenteurs de smartphones aimeraient télécharger des coupons de réduction sur leur téléphone, et 73 % recevoir des bons de réduction en temps réel sur le lieu d'achat
Expérience de NFC menée à Nice en 2010 sur un bouquet de services: transports boutiques...
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Qu'est-ce que le mobile sans contact?
Dérivé de la RFID
Il permet d'accéder à des informations et des services. Cette interaction existe en mode direct ou en mode direct managé. Dans le premier cas, l'ensemble du contenu se trouve sur le tag. Dans le second, le tag contient une adresse URL qui redirige vers une page web, laquelle peut être facilement mise à jour. Compte tenu du faible taux d'équipement des Français en mobiles NFC, les enseignes utilisent des QR codes en complément ou à la place des tags NFC. Mais ces codes obligent à ouvrir une appli mobile afin de le scanner. Plus rapide et plus pratique, le NFC nécessite seulement d'approcher son mobile du tag. Autre avantage: il est possible d'écrire et de réécrire à l'envi sur un tag NFC, tandis qu'un QR code n_est pas modifiable.
Le NFC intéresse également les quelque 40 000 points de vente qui traitent 380 millions de coupons de réduction papier par an
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2012, année du décollage?
Trois facteurs vont concourir au déploiement du «sans contact» en France. Le premier: l'engagement public. 20 millions d'euros des fonds du grand emprunt aideront quinze collectivités
Outre la facilité d'usage, le NFC permet aux distributeurs d'interagir avec leurs clients via deux services: l'aide au shopping et l'animation commerciale. En matière d'achats, il suffit au consommateur de passer son mobile à proximité d'un tag pour accéder à toutes les informations dont il a besoin avant d'acheter: prix, promotion éventuelle, caractéristiques du produit, comparaison avec les prix des autres articles en rayon, note et avis de consommateurs, idées de recettes et de vins à associer, empreinte écologique... L'assistant shopping peut également remplir une fonction d'alerte. Par exemple, le mobinaute entre dans son mobile ses intolérances alimentaires, et vérifie la composition d'un produit en passant son téléphone NFC près du tag du produit. En cas de risque, une alerte se déclenche sur l'écran de son mobile ou sous forme audio. Le Leclerc de Nice Saint-Isidore expérimente ce service avec Think & Go NFC « Le consommateur s'attend au même niveau d'information et de services que sur Internet. L'enjeu consiste à accompagner ses clients dans le magasin », explique Jérémie Leroyer, fondateur et dirigeant d'Airtag. C'est ce que proposera le «Club maman» de Danone, avec le bureau de Singapour de Think & Go NFC: le client se verra proposer des produits spécifiques en fonction de l'âge de son enfant.
Les enseignes pourront aussi interagir avec leurs clients à leur domicile. Le consommateur pourra afficher, par exemple, sur la porte de son réfrigérateur, une «ardoise» listant les produits achetés de manière récurrente. Il lui suffira alors de passer son mobile sur ces produits pour que la commande soit automatiquement livrée à domicile. Dans le même esprit, les enseignes et marques pourront distribuer des tags à leurs clients, qui les utiliseront comme des pense-bêtes. Ils seront ainsi informés des promotions en cours dans leur magasin favori, simplement en passant leur mobile sur le tag.
3 QUESTIONS A BENOIT CORBIN, PRESIDENT DE LA MOBILE MARKETING ASSOCIATION
Pourquoi votre association vient-elle de créer une commission NFC ?
Nous sommes persuadés que c'est le moment pour s'y intéresser et imaginer les applications marketing qui permettront d'accompagner nos clients. Le «sans contact» renforce la position du mobile dans la ville et en magasin. Nous pensons que cette technologie peut révolutionner en profondeur la vie de chacun.
Quelles applications marketing vous paraissent les plus pertinentes?
Aujourd'hui, tout l'enjeu consiste à faire revenir les clients le plus souvent possible en magasin. Nous croyons aux cartes de fidélité dématérialisées et aux bons de réduction sur mobile, car cet usage est très pratique pour les consommateurs. Le m-couponing servira de caisse de résonance aux futures campagnes de marketing direct dans une optique de «drive to store». Nous croyons également aux services géolocalisés tels que le déplacement dans un centre commercial ou le check-in en magasin: l'identification permettra de connaître l'historique d'achat, nous restons dans une logique CRM et de datamining classique.
Quelles sont les fausses promesses du NFC?
Nous ne sommes pas convaincus par les affiches NFC disposées dans la ville, proposant des coupons de réduction dans des enseignes situées à proximité. Même si Clear Channel, CBS Outdoor et JCDecaux - ce dernier avec son appli U Snap - travaillent sur ce sujet, cette démarche revient à faire du street marketing. Or, la diffusion de bons de réduction n'a d'intérêt que si l'envoi est ciblé.
Second service, l'animation commerciale. A Nice, les commerçants équipés en lecteurs NFC ont accès à un programme complet de gestion et d'animation du programme de fidélité. « Un commerçant qui souhaite écouler un stock peut instantanément mettre en place une promo flash et éditer des coupons de réduction. Ses clients reçoivent alors une alerte par SMS, mail ou via un post sur Facebook », explique Cécile Morel, responsable marketing d'Adelya. En parallèle, 200 points de vente à Nice proposent l'appli mobile Loyalty Avenue et la carte NFC multi-boutique, qui servent de carte de fidélité et de porte-coupons.
L'animation commerciale passe également par l'exploitation des réseaux sociaux. Sur son site Ciblespro, Connecthings permet aux commerçants de créer des tags NFC à apposer sur leur vitrine ou à l'entrée de leur magasin. Le client peut «liker» la page Facebook de l'enseigne et la promouvoir auprès de ses amis. Idem pour les tags Foursquare: le client peut faire un «check-in» d'un seul geste pour signaler sa présence dans le point de vente, et laisser un commentaire. Autre promesse du «sans contact»: une meilleure connaissance client. Quand la personne effectue un «check-in» à l'entrée du magasin ou approche son mobile d'un tag, elle est identifiée et tracée. A l'avenir, l'enseigne pourra recueillir le comportement d'achat en magasin et la géolocalisation du consommateur pour interagir en temps réel avec lui et lui faire des propositions commerciales ciblées.
Aujourd'hui, le «sans contact» bénéficie d'un environnement favorable: la volonté des acteurs, publics comme privés, le lancement de bouquets de services, l'existence de prestataires dynamiques et d'applications déjà opérationnelles, le niveau de satisfaction des consommateurs, etc. Cependant, son déploiement dépend d'un écosystème très complexe: il s'agit en effet de rassembler des acteurs qui n'ont pas l'habitude de travailler ensemble et peuvent, en outre, avoir des intérêts divergents. Les opérateurs mobiles poussent pour que les données personnelles sensibles soient stockées sur la carte SIM et demandent une redevance aux entreprises de services: banques, distribution, transport... Or, lesdites entreprises veulent garder la main sur leurs clients.
Enfin, le déploiement du «sans contact» dépendra également de la vitesse d'équipement des Français en mobiles NFC. Orange en avait vendu 400 000 fin 2011, contre 500 000 prévus initialement. L'opérateur table aujourd'hui sur trois millions de Français équipés d'ici à la fin de cette année. Force est de constater que, faute d'applications dans la vie quotidienne, la diffusion prend davantage de temps que prévu. Restent donc aux développeurs à imaginer les services qui séduiront les consommateurs.
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Le Japon mise sur le real time marketing
Six Japonais sur dix possèdent un mobile FeliCa, l'équivalent du NFC. A l'origine de ce succès: le chantier a été coordonné par une seule entreprise, NTT Docomo. Le premier opérateur mobile nippon a transposé sur mobile, dès 2004, les services de la carte plastique FeliCa - titre de transport, micro-paiement et carte de fidélité -, sous le nom Osaifu-Keitai. Parallèlement, l'opérateur subventionne, à hauteur de 74 millions d'euros, l'achat de lecteurs FeliCa par des points de vente. «Les commerçants peuvent collecter des données marketing de façon très fine. Il est possible d'analyser le comportement de chaque consommateur en étudiant ses dépenses, les produits achetés, l'heure et le lieu d'achat, etc. Ainsi, Osaifu-Keitai est devenu un véritable outil de collecte de données pour proposer des produits encore mieux adaptés aux goûts et comportements de chaque consommateur», explique le rapport Mobile FeliCa au Japon, d'Innovasia Research. En 2005, NTT Docomo crée Toruca, un service de distribution de flyers sur mobile: lorsque le client paie à la caisse avec son téléphone NFC, il reçoit instantanément un message signalant les promotions de la semaine ou la date du prochain événement dans le magasin. La même année, NTT Docomo, propriétaire de la troisième banque du pays, émet ses propres cartes de crédit sur mobile. Trois ans plus tard, l'opérateur innove avec i-concier, un service de conciergerie sur mobile, facturé 1,60 euro par mois, qui procure des informations et des coupons de réduction aux cinq millions d'abonnés selon leurs goûts et leur géolocalisation.
En 2009, NTT Docomo et le distributeur Aeon créent un programme de fidélité disponible uniquement sur mobile. Les membres reçoivent des offres correspondant à leur profil, leurs goûts, leur style de vie, via e-mail ou le site mobile. Ces données - auxquelles s'ajoutent celles issues de la monnaie électronique du groupe Aeon et de la carte de crédit - sont croisées avec l'historique des achats sur la caisse enregistreuse afin d'affiner ces offres. Dans cet esprit de conquête et de fidélisation des consommateurs, les abonnés au service de conciergerie de NTT Docomo reçoivent également des informations sur ce programme.