LE MARKETING S'OUVRE AU DIALOGUE
L'avènement du Web 2.0 a d'abord encouragé les consommateurs à s'exprimer sur les produits et les services. Aujourd'hui, les marques les invitent sur des espaces privilégiés où naissent des collaborations de plus en plus nombreuses et de plus en plus variées. valider la pertinence d'une campagne de communication, tester, émettre des avis, voire «cocréer» des prestations ou des produits: les échanges entre les marques et leurs clients sont fructueux. nous entrons dans l'ère du marketing de la demande.
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Les marques donnent la parole aux clients
Suivre le débat, enclencher le dialogue ou récupérer les paroles des consommateurs: les marques disposent de plusieurs solutions pour se lancer dans le marketing participatif. C'est leur intérêt, sous réserve de rester maître du dispositif.
De quelle manière établir l'échange, créer de l'affectif et l'entretenir pour finalement augmenter la visibilité de la marque et accroître ses ventes? Grâce aux outils du Web 2.0, le marketing conversationnel facilite le dialogue, qui, désormais, est à la portée de tous. Loin d'être réservé aux marques affinitaires, comme Apple ou Coca-Cola, il concerne l'ensemble des annonceurs. Ils ont tous intérêt à inviter leurs consommateurs à prendre la parole pour les fidéliser et mieux gérer leur relation client. Repérer un consommateur engagé n'est pas sorcier puisque c'est lui qui sort du bois pour s'exprimer. Qu'il soit fan de la marque ou mécontent, il prend la peine d'expliquer son point de vue sur Internet, ou de manière plus directe, auprès du service client. Sur le Web, il est facile détecter les zones d'influence (blogs, forums) les plus importantes. En interne, tous les points de contacts du parcours client doivent être scrutés pour identifier les consommateurs engagés, capables de porter eux-mêmes un message. Aujourd'hui, toutes les marques se focalisent sur Facebook alors qu'en matière de conversation, l'outil roi reste... le service client.
UN SUIVI DE TOUS LES INSTANTS
Testant un nouveau service baptisé?«Pro Première», la SNCF - après avoir mené une enquête sur l'appétence des clients pour ce type d'offre organise depuis janvier 2011 un test grandeur nature sur la ligne Paris-Strasbourg. «Pour récupérer les retours clients, nous menons une double enquête: premièrement, auprès des passagers, des travel managers et des acheteurs des entreprises-clientes et, deuxièmement, auprès des agents Wagons-Lits, qui réalisent la prestation à bord, et des vendeurs, qui remplissent un questionnaire afin de nous faire part des réactions des clients au moment de la proposition du service », explique Amandine Le Saux, chef de projet services et communautaire de la SNCF.
Les résultats sont attendus pour la mimars. Aujourd'hui, la SNCF dispose schématiquement de deux sources communautaires sur Internet: le site indépendant Debats.sncf.com, qui permet de partager et de débattre autour des expériences clients, de l'achat du billet au service après-vente, et les communautés intégrées sur le site Voyages-sncf.com. Ces deux plateformes recensent actuellement 3 000 membres réguliers actifs, 2 500 idées recueillies (850 visiteurs uniques par jour, 60 000 pages vues en moyenne chaque mois), 5 000 commentaires d'idées déposés. 16 000 votes d'idées ont été enregistrés depuis 2009. Toutes ces informations sont récoltées et remontent à la direction marketing pour faire évoluer les offres. Ainsi, en matière de marketing relationnel, la SNCF fait partie des pionniers.
UNE LIAISON ENTRE SERVICES CLIENT ET MARKETING
« Malheureusement, dans de trop nombreuses entreprises, le service client et le département marketing sont souvent cloisonnés, déplore Laurent Flores, directeur associé de CRMMETRIX, spécialiste de l'écoute client en ligne et professeur en sciences de gestion à l'université de Paris II. Or la réalité de la conversation se situe d'abord au niveau du service client, qui doit donc être relié au marketing. Ceci afin de satisfaire au mieux le consommateur. »
UNE UTILISATION EFFICACE DU DIALOGUE
Tous les experts sont bien d'accord sur un point: inutile d'afficher des milliers de fans sur une page Facebook, si celle-ci n'est pas animée et intégrée au reste du dispositif CRM. Les internautes cliquent un peu machinalement sur l'onglet «like this» et se retrouvent illico considérés comme fans de la marque. Or, la plupart d'entre eux ne sont même pas allés visiter la page de la marque. La conversation est alors faussée, trop virtuelle. Pour la rendre réelle, Frédéric Colas, directeur associé de FullSIX, agence marketing full services, recommande « de réorienter la conversation engagée sur Facebook ou Twitter vers un espace plus approprié». Pour repérer la communauté, une autre piste est proposée par Mieke de Ketelaere, directeur marketing de Selligent, fournisseur de solutions de marketing de conversion et de CRM interactif: « Suivre jusqu'où le bouton «like this» peut permettre d'identifier ceux qui aiment la marque et ceux qui ne réagissent pas. Notre objectif n'est pas de capter les sentiments. Il est plus pragmatique. Il s'agit de détecter les remarques ou les questions des clients pour que l'annonceur puisse y répondre précisément. »
SAVOIR RETENIR L'ATTENTION
Noyés sous le volume des messages qu'ils reçoivent, les consommateurs acceptent la conversation, pour peu qu'elle soit engagée sur un thème qui les intéresse ou un sujet qui les concerne directement. Le groupe Pernod-Ricard l'a bien compris. Il souhaite moderniser l'image de la marque Ricard et, dans cet objectif il conçoit un nouveau packaging. Avant sa mise en vente au printemps, la nouvelle bouteille relookée a d'abord été disponible chez Colette, temple parisien du style, de la mode et du design.
Pour en faire parler, la marque organise une soirée de lancement dans ce concept store très branché de la capitale. L'événement est marquant: c'est la première fois depuis 80 ans que la silhouette de la bouteille change de look! L'agence We are Social qui, depuis fin 2010, drive la communication digitale de Ricard, observe le comportement des internautes sur Facebook. « Nous avons tout d'abord constaté que des pages de fans existaient alors que la marque ne disposait pas encore de sa page officielle », indique Sandrine Plasseraud, dg de We are social. Celleci est ouverte le 25 janvier 2011.
A peine 15 jours plus tard, alors qu'une dizaine de statuts sont publiés - sur l'histoire de la marque, l'origine antique de l'apéritif, le tout animé par des quiz - chaque statut génère 200 à 300 commentaires. Le dispositif est complété par une application ludique en réalité augmentée sur smartphone. Les clients téléchargent l'application sur leur mobile, puis pointent leur téléphone sur un logo Ricard (de n'importe quel support: papier, bouteilles, etc.), et peuvent ainsi visualiser la nouvelle bouteille en 3D sur leur écran.
Au total, « la marque bénéficie d'une communauté «organique» de plus de 60 000 fans, qu'il lui suffit d'entretenir pour augmenter sa visibilité et moderniser son image », conclut Sandrine Plasseraud. Ce marché du marketing conversationnel attire les agences, mais aussi les prestataires intermédiaires, qui se proposent de gérer les plateformes, recueillir, décrypter les avis des internautes et créer des interactions.
DES GROUPES TRES ACTIFS
C'est le cas de Looneo, spécialiste du marketing participatif. Créé il y a quatre ans, ce site regroupe aujourd'hui plus de 165 000 membres désireux de donner leur avis. Il enregistre en moyenne 700 000 visiteurs uniques par mois. Le site développe une offre de conseil dédié aux annonceurs depuis un an. La plateforme peut être sollicitée par l'entreprise afin de recueillir les avis des consommateurs sur leur perception de la marque, ou sur des thématiques plus précises, comme par exemple le lancement d'un produit. En 2010, Cdiscount a ainsi lancé un groupe avec Looneo. L'objectif? Créer une interaction avec les internautes, recueillir du feedback et fidéliser une communauté de passionnés de Cdiscount. « Six mois après sa mise en place, le groupe Cdiscount Looneo compte 6 600 membres. Ce résultat est à mettre en miroir, par exemple, avec les 7 400 fans de leur page Facebook créée il y a plus d'un an », commente Alban Peltier, p-dg de Looneo. Ce groupe hyperactif a déjà produit plus de 12 000 commentaires, plus de 16 000 votes et 11 000 messages dans le forum. « Les internautes ont émis plusieurs centaines de suggestions à Cdiscount et le dialogue est effectivement enclenché et suivi », indique encore Alban Peltier.
DES TESTS SUIVIS EN TEMPS RÉEL
D'autres annonceurs vont plus loin en engageant la conversation sur Looneo pour réaliser des tests. C'est le cas de Philips qui, en décembre 2010, y présente deux nouveautés (une friteuse sans huile et une lampe éveil lumière). L'idée est de créer une microcommunauté et de lui faire essayer les appareils sur une courte durée avant les fêtes de fin d'année. Looneo a recruté dix personnes par produit, chargées d'effectuer un test et de publier des avis. « Fin novembre, 7 500 membres échangeaient sur nos produits, soit un démarrage de campagne fulgurant, avec, à la clé, des commentaires qui confirment ce que nous pensions des produits et des évolutions à prévoir, indique Mathieu Parisot, responsable marketing Web de Philips en France. C'est plus efficace que de simplement solliciter des bloggeurs, ce que nous faisons depuis deux ans. Car si leurs interventions ont un effet vertueux sur le référencement naturel du site, en terme de puissance de recommandation, leur action se limite à leur audience ». La marque peut également engager une conversation à plus long terme: Nokia bénéficie, par exemple, depuis 18 mois d'un espace d'échanges dédié.
DES VOLONTAIRES TRIÉS SUR LE VOLET
Une autre approche est proposée par The Insiders, réseau de marketing participatif. «Les initiés», selon la traduction française, s'appuient sur le bouche à oreille. Il s'agit de permettre à un échantillon de consommateurs de porter la bonne parole autour d'eux. Il suffit aux internautes volontaires de s'inscrire sur la plateforme de l'agence et de postuler pour participer à l'opération qui les intéresse. « Nous servons de filtre en sélectionnant les participants parmi les volontaires. A l'occasion d'une campagne de Wilkinson pour tester le rasoir Hydro 5, de nombreuses femmes se sont inscrites, or ce n'était pas la cible », précise Antoine Draghi, marketing et sales manager de The Insiders France. Finalement 1 500 hommes, triés sur le volet, ont été retenus et ont reçu un coffret avec des échantillons de produits à utiliser et à distribuer à leur entourage pour une durée de huit semaines.
« Notre objectif est de sonder des individus plus proches des consommateurs lambda que les bloggeurs influents habituellement sollicités. La force du dispositif tient à la mise à disposition des outils nécessaires pour entamer la conversation autour du produit (échantillons, guide de campagne avec méthodologie) et au suivi des réactions », indique Antoine Draghi. Un blog spécifique est ouvert pour chaque opération et l'agence suit les verbatim, dont le contenu est rétrocédé à la marque.
ANIMER ET DIALOGUER, UN TRAVAIL DE PRO
La stratégie conversationnelle induit un minimum d'organisation. « L'entreprise doit, au sein du community management, nommer ou recruter un «conversation manager» afin de caler la stratégie, étudier le contenu des échanges, animer la communauté », insiste Frédéric Colas, directeur associé de FullSIX (lire l'article sur ce nouveau métier page 40). Pour cet expert, le profil idéal « n'est pas forcément celui d'un junior à l'aise dans l'univers du Web 2.0. Au contraire, le candidat doit être assez mature pour comprendre les enjeux et piloter la stratégie. Le top management doit, en outre, être suffisamment impliqué pour allouer les budgets nécessaires ». Enfin, comme la conversation exige une forte réactivité, Frédéric Colas conseille de « réviser les processus d'approbation afin de réduire les délais de publication des réponses ». L'annonceur ne peut pas, non plus, faire l'économie d'une veille quotidienne ni celle d'une analyse des verbatim déposés sur Internet. Ce travail peut être confié à un prestataire extérieur. Certaines agences de marketing direct intègrent des services études qui repèrent les interventions, identifient les vrais sujets, les analysent et les livrent sous forme de tableaux opérationnels aux annonceurs. Il existe pléthore d'outils de monitoring pour suivre l'opinion, mesurer le buzz et découvrir ce que disent les gens. Il suffit alors de classer les conversations par thème, puis de mettre en place des systèmes d'alerte pour les suivre.
Avant d'établir le dialogue, les marques doivent, selon Didier Chevalier, directeur commercial et marketing de L'Argus de la presse, prestataire de veille médias, « se familiariser avec les terrains de jeux et leurs règles ». Reste que le repérage ne suffit pas, il faut aussi analyser les verbatim: quelle est la tonalité du discours des consommateurs? Quels sont les points clés abordés? Est-ce que les concurrents sont cités? En quels termes? Construire des catégories (thème, famille de produit, centre d'intérêt) permet de délimiter le terrain et de surveiller les conversations dans cet environnement. Il s'agit de récupérer l'information en continu, avant d'en étudier le contenu grâce à des outils de sémantique. « Les éléments sont restitués par des tableaux de bord opérationnels avec des graphiques qui permettent à la marque d'organiser ses réponses », explique Didier Chevalier. Car le marketing conversationnel doit s'inscrire dans la durée. Pas question de couper le fil du dialogue.
MESURER LE «ROI» DES CAMPAGNES
Sur le terrain, selon Catherine Michaud, présidente de l'agence de marketing relationnel XL, « le meilleur outil de mesure reste le parrainage, car il permet de vérifier que le client est bien entré dans une logique conversationnelle et qu'il rapporte de la valeur à la marque en recrutant lui-même des nouveaux clients ». Il existe deux autres pistes pour mesurer le retour sur investissement des campagnes: une prospection plus efficace et une meilleure audience. A la faveur du profil des clients engagés, il s'agit, dans le premier cas, de repérer leurs «sosies» dans des fichiers extérieurs afin de mener des campagnes de prospection. En mesurant le retour sur investissement de la campagne et en le comparant avec les opérations précédentes, l'annonceur peut se faire une idée assez précise des retombées de sa stratégie conversationnelle.
LES OUTILS DES RÉSEAUX SOCIAUX
Cerise sur le gâteau, selon Catherine Michaud, « de telles campagnes, mieux ciblées sur une population miroir, nécessitent finalement moins d'investissement en volume alors qu'elles obtiennent de meilleures retombées ».
Troisième indicateur possible pour mesurer les effets des campagnes: les analytiques fournis par Facebook qui renseignent sur le nombre moyen de mentions «like this» enregistrées et le nombre de commentaires générés. Ils apportent une connaissance quant au niveau de bruit généré. « Aujourd'hui, certaines marques franchissent le pas et passent de la page de fans à la vente directe via Facebook. C'est le cas par exemple de La Redoute qui a mis en ligne sa boutique F-commerce en Europe mi-février: ses clients peuvent visualiser une sélection de la collection et passer leur commande sans quitter la page », observe Sandrine Plasseraud, directrice générale de l'agence We are Social.
Dans ce cas, les marques capitalisent directement, en profitant de la conversation pour réaliser des ventes. Sous réserve que les réseaux sociaux adaptent leur format à la réalité de l'e-commerce, cette dernière piste est à surveiller... de très près.
45 % DES INTERNAUTES INTERROGES PARTAGENT LES MESSAGES A CONTENU PERTINENT.
Source: étude EMA, usages et tendances de la communication personnelle on line, 2010, Come&Stay pour le SNCO.
Dialoguer, oui, mais dans les règles de l'art
Dans la pratique, trois cas de figure coexistent. Premièrement, les consommateurs échangent sur les réseaux sociaux ou dans des forums, publient leurs avis sur des blogs, etc. La marque est au centre de conversations qui se déroulent dans son dos. Elle est alors dans une posture délicate, car elle n'est pas partie prenante du débat et doit réagir. Prendre le pouls de ces échanges permet de détecter d'éventuels problèmes qui pourraient prendre de l'ampleur s'ils n'étaient pas traités à temps: le dysfonctionnement d'un produit ou la déception créée par un service qui ne serait pas à la hauteur promise, par exemple. Seconde possibilité: c'est la marque qui engage la conversation en invitant ses clients à s'exprimer sur une page de fans sur Facebook ou en fédérant un groupe de consommateurs impliqués sur une plateforme dédiée. Dans ce cas, la marque prend l'initiative de parler, mais doit veiller à fournir un contenu capable de capter l'attention de sa cible et à ne pas créer une pseudo-conversation. Cette méthode peut paraître artificielle. Pourtant, elle s'avère pertinente lorsqu'il s'agit notamment de jeter les bases d'une stratégie conversationnelle que la marque pourra ouvrir ensuite à des espaces moins réducteurs.
Troisième et dernier cas de figure: la parole émane du client et la marque réussit à la récupérer Le niveau de la prise de parole est équitable. Le consommateur donne autant que l'annonceur. Il attend une reconnaissance en remerciement du temps qu'il prend pour s'exprimer, comparer des produits ou suggérer une idée: offre promotionnelle, information divulguée en avant-première, etc. « La SNCF est un très bon exemple, explique Catherine Michaud, présidente de l'agence XL. Elle s'est approprié des groupes de gens qui échangeaient sur les transports et elle les a sollicités pour tester des produits. »
ZOOM
Listerine sollicite les «Initiés» pour asseoir sa notoriété
La marque de bains de bouche souffre d'un déficit d'image en France. Très connue aux Etats-Unis, elle l'est peu dans l'Hexagone et son goût peu habituel exige une approche pédagogique. « Nous avons fait appel à l'agence The Insiders, pour mettre en place une stratégie de communication plus vaste qui cherche à imposer le bain de bouche comme un geste quotidien, complémentaire au brossage de dents », explique Pierre-Antoine Brodin, Listerine Brand manager chez Johnson & Johnson. 2 000 «initiés» sont recrutés. Le lancement de la campagne de huit semaines est programmé pour le début du mois de mars 2011. Chaque participant reçoit un pack comprenant des flacons pour son usage personnel, des échantillons pour son cercle familial et amical, des conseils d'utilisation ainsi qu'un guide méthodologique. Chaque fois qu'un initié génère un contact, il doit rédiger un bref rapport sur l'accueil réservé au produit. Un vrai travail de titan! « Peut-être, rétorque le manager, mais les initiés sont volontaires, ils s'intéressent aux marques et sont friands de tests. » Des campagnes similaires ont déjà été menées en Allemagne et en Belgique. « Elles ont remporté un franc succès créant de l'émulation autour du produit et générant des commentaires positifs sur Internet », constate Pierre-Antoine Brodin. Initier la conversation autour du produit permet à la marque de se faire connaître et de répondre aux principales objections par le biais des initiés.
ZOOM
Lustucru mise sur l'affectif pour se développer
D'ici à 2015, la marque veut prendre 15 % des parts de marché des pâtes en France (contre 10 % aujourd'hui). Pour atteindre ce résultat, elle innove - des lancements de produits sont prévus en 2011 - et muscle sa communication. Plusieurs temps forts sont organisés: une série de pub TV «Germaine et les Martiens, le retour». Vingt ans après la célèbre campagne sur le thème des extraterrestres! A l'heure du Web 2.0, le spot s'achève sur un renvoi vers le site Internet dédié, www.germaineetlesmartiens.com, qui diffuse les films, organise des jeux, etc. Lustucru s'offre une présence sur Facebook. Elle anime sa communauté via plusieurs outils dont une application mobile en réalité augmentée et la création d'un store de produits »collector«. « Nous jouons sur la proximité d'une marque familiale, transgénérationnelle, sympathique. Les premiers sujets sur lesquels les consommateurs s'expriment concernent justement la communication de la marque. Leurs retours nous permettent de vérifier si le langage est adéquat et si la communication leur plaît », souligne Bernard Skalli, le président du groupe Pastacorp (Lustucru, Rivoire & Carret, Floraline...) En créant de l'affectif, ou en le réactivant avec cette campagne, Lustucru mise sur l'appropriation de la marque par ses clients. Car de l'appropriation à l'acte d'achat, le consommateur, qui se trouve dans les rayons, n'a qu'un tout petit pas à franchir. Néanmoins, comme l'indique Catherine Michaud, présidente de l'agence XL en charge de la communication de Lustucru, « les clients engagés ne sont pas forcément ceux qui achètent le plus, mais ceux qui sont le plus attachés à la marque ». C'est le cas des consommateurs de pâtes. Ceux qui achètent les produits «collector» et en parlent à leur réseau apparaissent comme des vecteurs de croissance pour la marque. Catherine Michaud conclut :« L'idée est de capitaliser sur cet engagement affectif. »
La marque a créé des produits «collector».
Quand les clients participent à la conception des produits
Poussant plus loin l'expérience conversationnelle, certaines marques recrutent des clients pour construire un message ou pour créer un produit. Une stratégie payante dans les deux cas.
Chaque année, La Poste sollicite des talents extérieurs pour créer le design du colis festif, une édition limitée pendant les fêtes de fin d'année. En 2010, elle confie cette mission à eYeka, qui agrège une communauté de 130 000 créatifs. « Notre objectif est de disposer d'un colis inédit et de communiquer sur la dimension participative en l'utilisant comme un outil d'aide à la vente », explique Géraud Felgines, directeur marketing client et offre de La Poste Coliposte. François Pétavy, CEO France de eYeka détaille le dispositif: « Nous sollicitons les consommateurs inscrits dans notre communauté en leur adressant un brief pour qu'ils concourent, puis nous soumettons les créations aux internautes, fans de la marque, pour qu'ils donnent leurs avis». 2000 dessins proposés sont diffusés sur un site Internet par lequel La Poste sonde ses clients. Un collage, qui met en scène des poupées russes, est finalement retenu. « Tout le stock a été épuisé dès la mi-janvier. Un beau succès!» constate Géraud Felgines. La Poste réitérera l'expérience en 2011. Quels sont les avantages de la cocréation? Elle contribue à fidéliser les clients, voire à doper les ventes en proposant des produits répondant aux attentes des consommateurs. C'est l'objectif du site communautaire.
«My Starbucks Idea», mis en ligne en avril 2008. Les propositions des internautes sont soumises au vote de leurs congénères. Les plus populaires sont présentes dans la rubrique «Popular Ideas». Puis, elles sont étudiées par les «Idea Partners», une équipe de 40 salariés qui gèrent le flux d'idées, les rassemblent par catégorie (produits, expérience, engagement) afin de les présenter aux décideurs de l'enseigne, qui travaillent ensuite à les mettre en place. En octobre 2010, la communauté regroupe 250 000 personnes. Et près de 98 000 idées ont été proposées. Parmi les suggestions retenues, l'offre de paiement mobile, sortie aux Etats-Unis, ou encore l'appli Facebook permettant d'offrir un café Starbucks à un ami via le réseau.
In fine, plusieurs démarches apparaissent en matière de cocréation. Celle-ci nécessite que la marque recrute des clients pour leurs compétences et non pour leur pouvoir d'influence. La cocréation de messages fait appel à des ambassadeurs pour prendre la parole à la place de la marque. Ils traduisent alors son discours en un langage commun. Conclusion de Laurent Flores (CRMMETRIX): « Les annonceurs auraient tort de se priver de cette communication efficace. »
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Community manager: un nouveau métier du Web
Etre réactif aux avis des internautes, cela ne s'improvise pas. Les nouvelles pratiques de dialogue entre marques et consommateurs imposent de professionnaliser cette spécialité.
Présent aussi bien en agence que chez l'annonceur, le community manager (CM) pilote la stratégie des marques sur les réseaux sociaux et assure le lien entre la marque et ses publics. Créatif et fiable, rapide, souple et patient, ce passionné du Web a une vision interactive de la communication ainsi qu'une très bonne connaissance du marketing.
Ambassadeur auprès des internautes, il est bien souvent le premier contact humain qu'ils ont avec la marque. La mission première du community manager est de rassembler et animer la communauté qui se crée autour d'une marque.
INITIER LE DIALOGUE AVEC LES CLIENTS
Cependant, il n'aura pas les mêmes fonctions selon les objectifs de l'entité qu'il représente. Pour développer l'affect et l'engagement de son public, il lui faudra maîtriser les codes de la cible en toute transparence: gare aux faux-semblants sur Internet! En plus d'intervenir dans les conversations et de les faire naître, le community manager se fait également créateur de contenu. Pour s'assurer que les marques fassent le meilleur usage des réseaux sociaux, les CM y assurent une veille permanente, contrôlant tout ce qui se dit sur la marque et la façon dont celle-ci est perçue sur le Net. En plus de leur rôle de conseiller sur la stratégie à adopter, ils peuvent également faire remonter de précieuses informations sur les profils et demandes des consommateurs. Le CM se trouve ainsi au carrefour entre le corporate, le marketing, le service clients et les relations publiques. Leurs outils et méthodologies sont encore en construction et évolueront avec leur mission.
UN MARKETEUR PASSIONNÉ DU NET
Les formations et backgrounds des CM sont aussi larges et variées que leurs missions et les marques pour lesquels ils travaillent. Souvent issus d'écoles de commerce ou de communication, nombre d'entre eux ont une solide formation marketing. Leur rôle consistant avant tout à développer une marque, une formation en marketing est un atout recherché des recruteurs. Des capacités éditoriales sont également appréciées. Certaines écoles commencent à proposer des initiations aux réseaux sociaux, mais le meilleur terrain d'apprentissage reste la Toile. La plupart des community managers possèdent ainsi un blog et ont commencé en free-lance avant d'intégrer agence ou annonceur. Aimer échanger et faire preuve d'une certaine empathie envers la communauté est indispensable. Rester ouvert et connecté aux changements est bien sûr un impératif.
Shirley Pellicer
JEROME TOUCHEBOEUF
Depuis juillet 2010, Jérôme Toucheboeuf est le président de l'AACC Marketing Services dont l'action, portée par ses agences, vise à valoriser l'expertise marketing client Jérôme Toucheboeuf est aussi l'un des fondateurs, en 1997, de l'agence FullSIX. Depuis 2009, il est en charge de la coordination et du support opérationnel des agences du réseau international FullSIX (grand Union, FullSIX, 6:AM).
JEROME TOUCHEBOEUF / FULLSIX
Merci aux utopistes!
Il était une fois au XXe siècle... La production et la consommation de masse qui, pour exister, ont dû inventer un moyen pour faire connaître et acheter leurs produits: la communication de masse. Aujourd'hui caricaturé à travers la série Mad Men, ce mode de communication se basait essentiellement sur la puissance des médias et la répétition des messages. On parlait du consommateur en des termes peu élogieux comme «Share of stormac», «Temps de cerveau disponible», «Ménagère de moins de 50 ans», et bien d'autres encore. Des définitions qui, finalement, n'étaient pas si éloignées de Mad Men... Tout était conçu pour que les consommateurs se comportent comme cela avait été prévu.
En 1968, quand toutes les marques furent autorisées à faire de la publicité télévisée, le phénomène ne fit que se renforcer. Il fallut attendre 1975 pour que les consommateurs français fussent représentés, à travers une association, «50 millions de consommateurs».
Après 35 ans de règne de communication unidirectionnelle et le premier spot publicitaire à la télévision française, les premiers changements apparurent. En 1995, les consommateurs s'approprièrent un nouvel espace d'expression et d'échange avec les marques. Le mouvement démarra avec le mail, les sites web, les messageries instantanées, les forums, les tchats, puis s'amplifia avec le Web 2.0, le mobile, les réseaux sociaux, et aujourd'hui, la télévision connectée.
Les consommateurs purent enfin parler entre eux, mais aussi converser avec les marques.
En quelque sorte, la communication démocratique était née. Le marketing participatif en était l'une de ses illustrations concrètes. Sans armes, des hommes et des femmes matures, mobilisés par l'envie de consommer et d'échanger, avaient créé un contre-pouvoir. The end?
A travers cette illustration un peu décalée, osons dresser un parallèle avec une actualité plus douloureuse, celle qui s'est récemment déroulée en Tunisie et en Egypte.
Tout comme des peuples accèdent à la liberté démocratique, le marketing est, lui aussi, mais d'une façon certes beaucoup plus légère, entré dans cette ère nouvelle où il n'est pas possible de revenir en arrière. Il n'est pas concevable d'expliquer à une nouvelle génération, consumériste, digitale native, qu'il n'y a plus de comparaison produits possible, que l'on ne peut plus donner son avis sur un service ni faire partager les bons plans à son réseau. Il est tout à fait impensable de dire aux consommateurs qu'il leur faut payer pour des services gratuits ou, pire, que la marque qu'ils aiment ne prend pas en compte leurs avis et leurs envies.
Un tel retour en arrière reviendrait à supprimer ce que cette génération-là considère comme un acquis, à annihiler une liberté d'accès, d'expression et de participation, une reconnaissance de leur statut de consommateur, à supprimer un droit fondamental. Basée sur la participation, cette nouvelle ère du marketing offre la garantie d'un équilibre nouveau entre l'individu et les marques, où l'envie de consommer des uns perdure, mais où, dans le même temps, les excès et le manque de pertinence des autres sont sanctionnés. L'utopie des universitaires, créateurs d'Internet, est devenue réalité. Ils ont offert un réseau indestructible pour lutter contre les régimes antidémocratiques. Mais aussi, et ce qu'ils avaient moins prévu, ils ont donné aux consommateurs l'accès à la liberté de communication et de participation avec les marques. Nous pouvons les en remercier.