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LE DEFRICHEUR

Mats Carduner, le cofondateur de Fifty-five, n'aime rien tant que créer et développer. Aujourd'hui, il se consacre à l'analyse des données sur le Web. Hier, il participait à l'aventure de l'Internet français. D'Infonie à Google, en passant par Monster: itinéraire d'un collectionneur de nouveautés.

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De Google à Fifty-five, il n'y avait qu'un pas. Mats Carduner, 43 ans, a troqué son titre de directeur général d'une des marques les plus connues dans le monde pour celui de président d'une start-up qui a germé au sein des salariés de Google et de son Analytics. Fifty-five, l'entreprise qu'il a cofondée avec six autres associés, doit son nom à une statistique: 55 % des personnes qui entrent dans un magasin passent à l'achat alors que sur un site marchand la part n'atteint même pas 2 %. Le métier de Fifty-five consiste à augmenter la conversion de l'internaute en cyberacheteur, mais aussi en lecteur ou encore en ambassadeur d'une marque selon la demande de ses clients. La start-up défriche une discipline naissante, mais stratégique: le «business analytics marketing». Un outil d'aide à la décision qui consiste à collecter et à analyser des données internet pour optimiser des sites web, des applis mobiles ou encore des réseaux sociaux. «Notre vision, c'est que la data peut être un énorme atout quand elle est bien utilisée», plaide Mats Carduner. Fifty-five a ainsi développé son propre analytics à partir de celui de Google et créé un outil de reporting pour ses clients. La start-up réalise, enfin, des audits sur demande, destinés à optimiser les différents canaux digitaux. Allure décontractée, Mats Carduner accueille ses visiteurs avec une simplicité à l'américaine. Malgré un profil de matheux, sa sensibilité le porte vers les disciplines artistiques. Un goût pour la création que l'on retrouve notamment dans sa carte de visite: un ticket de caisse! Il se passionne autant pour un livre consacré à la découverte du calcul de la longitude au XVIIIe siècle que pour la pratique de la photo et du dessin. D'ailleurs il aime bien caricaturer de préférence ses collaborateurs... D'un caractère posé, Mats Carduner trouve difficile et peu intéressant de parler de lui. Une réserve due à ses origines? Il doit son nom de famille à son père breton et son prénom, à sa mère, suédoise. En revanche, le quadra ne rechigne pas à dérouler un parcours professionnel qui visiblement l'a passionné. Premier emploi à sa sortie d'HEC en 1990: il intègre L'Oréal comme chef de produit marketing grand public (Studio Line). « Une école très intéressante», commente-t-il. Cependant, l'entrepreneur a davantage l'âme d'un défricheur: dès 1995, il est attiré par l'émergence du Web. «Il y avait un frémissement autour d'Internet, un fantasme autour de l'idée de mettre en réseau des contenus et services», se souvient-il. «Le fournisseur d'accès Infonie avait l'ambition de faire du contenu à forte valeur ajoutée, d'être le Canal + du Web», raconte celui qui devient responsable des programmes. Le FAI cherche alors à fidéliser les premiers abonnés. «Nous avions beaucoup de moyens, beaucoup de libertés pour expérimenter», se souvient Mats Carduner. Une époque bénie même si, à partir de 1997, l'argent commence à manquer.

...et pratique la photographie en amateur.

@ Marc Bertrand - Fotolia / schmecko / dutourdumonde

...et pratique la photographie en amateur.

A L'AFFUT DE NOUVEAUX PROJETS

Il rejoint alors Havas Interactive qui transfère le contenu de ses maisons d'édition sur CD-Rom et Internet. Très vite, il est nommé directeur de projet internet du site CadresOnline qui devient le premier site d'emploi sur le Web. « C'est le premier marché qui sera ébranlé par Internet», explique Mats Carduner. A l'époque, les offres d'emplois dans les journaux sont surfacturées aux entreprises. Le site est d'ailleurs édité par un consortium d'éditeurs de presse qui décident de façon défensive de publier gratuitement, sur Internet, les offres d'emplois: ces acteurs n'anticipent pas la chute des annonces dans leurs journaux et n'ont pas imaginé un moyen de gagner de l'argent sur le Web. Mats Carduner constate que, sur le marché américain, des sites comme Monster ont, en revanche, trouvé le bon business model: les entreprises paient la publication des offres d'emploi qui sont consultables gratuitement sur le Web. Fin 1998, il contacte l'entreprise américaine et la convainc qu'il est le partenaire idéal pour s'implanter en France. Nommé directeur général de Monster France, Mats Carduner repart à zéro: il commence seul dans un bureau! Cinq ans plus tard, le site web réalise plus de 15 millions d'euros de chiffre d'affaires, plus que la presse écrite sur ce marché, et compte 70 salariés. Le jeune dg doit alors affronter l'hostilité des professionnels du recrutement qui voient leur rente s'envoler...

Mats Carduner est du genre à vite s'ennuyer et à être à l'affût des opportunités. Il s'intéresse au tout nouveau site américain Linkedin: il fait partie des premiers à s'inscrire sur le réseau social professionnel et à en percevoir les opportunités. Tenté par l'aventure entrepreneuriale, il crée, en 2003, le site web Cooptin avec Arnaud Massonnie, directeur marketing de Monster France. L'originalité de leur concept repose sur la rémunération des personnes qui cooptent de nouveaux salariés pour leur entreprise. Rapidement, les deux fondateurs cherchent à s'adosser à un site d'emploi: ils concluent un partenariat avec option d'achat avec Keljob... qui très vite, acquiert leur site avant d'être lui-même acheté par Cadremploi (Le Figaro). Mats Carduner repart une nouvelle fois à zéro ou presque. Début 2004, il devient directeur général de Google France qui compte alors une dizaine d'employés... La culture de l'innovation de la start-up américaine et sa contribution au savoir le passionnent: «J'avais envie de participer à la diffusion de la connaissance et de la culture, de donner accès à l'information et à toujours plus de contenu», explique le quadra. IPhone dans la main tout au long de l'entretien, il considère que « Google a la faculté, comme Steve Jobs, de se mettre à la place des gens. Peu de personnes savent le faire... » Ce jeune cadre est chargé de mettre en place une stratégie de développement de la publicité - Adwords et Adsense -, en France, puis rapidement en Europe du sud. Le poste est exposé: il faut gérer les institutionnels qui attaquent Google, ceux dont l'activité en dépend, ceux qui s'estiment diffamés sur Internet, les annonceurs mécontents... En 2009, l'entreprise compte 60000 annonceurs. C'est la première régie publicitaire de France. Malgré des propositions de promotion à l'étranger de son employeur, Mats Carduner trouve encore plus «excitant» de monter son entreprise. Cela fait tout juste deux ans qu'il a cofondé Fifty-five. L'entreprise, qui compte une trentaine de salariés et une quarantaine de clients, croît de façon exponentielle. Son président n'a qu'un objectif en tête: consolider son avance dans le domaine de l'analytics. L'avenir de Mats Carduner et de son équipe est clair: «Nous sommes là pour nous développer... et pour nous amuser. »

CE QU'IL AIME

- Faire de la photo
- Dessiner
LA CARICATURE EN PARTICULIER.
- Faire de la plongée
NIVEAU 2 ET ADVANCED OPEN WATER, SPECIALITE PLONGEE PROFONDE.

Florence Guernalec

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