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L'impression numérique s'installe sur le marché

L'impression numérique, née en 1993, est déjà bien présente en France. D'ici à une dizaine d'années, l'offset et le numérique devraient être utilisés à part égale. Car le numérique apporte une plus grande souplesse et une meilleure réactivité. État des lieux.

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«Selon la société d'études et de conseil Pira, spécialisée dans les industries graphiques, l'impression numérique représentait environ 5 % du marché mondial de l'imprimé en 2006.

Mais son taux de croissance annuel devrait être compris entre 10% et 20% par an dans les prochaines années, estime Philippe Queinec, président de l'Observatoire du Hors-Média. De plus, dans dix ans, 65% des commandes dans le monde seront à moins de 5000 exemplaires.» Ces chiffres montrent que le marché de l'impression change, laissant une place grandissante au numérique. Notons aussi en parallèle que dans le secteur graphique, composé des entreprises de prépresse, de l'imprimerie de labeur (c'est-à-dire hors presse quotidienne) et de la finition, la Fédération de l'imprimerie et de la communication graphique (FICG) dénombre environ 7 000 sociétés en France en 2007, pour un effectif de 65 000 salariés et un chiffre d'affaires proche des 9 milliards d'euros.

Philippe Pelletier (Canon Business Solutions) :

«Dans une campagne, si besoin est, les agences jonglent entre l'offset et le numérique.»

D'une manière générale, les consommateurs sont davantage tournés vers le service à valeur ajoutée, la rapidité et l'individualisation. Ces notions répondent bien à leurs attentes et à leurs besoins. De fait, les acteurs du marché de l'impression (offset et numérique) doivent s'adapter et, pour cela, modifier leur façon de travailler. L'offset, toujours dominant, laisse s'installer progressivement l'impression numérique et ses technologies avancées. En effet, si l'impression traditionnelle continue d'évoluer, elle connaît des limites que le numérique utilise comme atout.

À ce jour, les deux méthodes sont complémentaires. D'une façon générale, l'offset est davantage exploité dans le cadre de lourds tirages, et le numérique dans de courts tirages ciblés. «Dans une campagne, les agences jonglent encore aujourd'hui avec les deux techniques en fonction de la demande», note Philippe Pelletier, directeur adjoint du marketing de Canon Business Solutions. En outre, le rôle des créatifs et des services marketing dans les décisions d'achat d'imprimantes a été un autre moteur de l'évolution de l'impression numérique. Quant aux imprimeurs, impliqués dans la production et le bien-être de leurs clients, ils doivent désormais travailler avec le numérique afin de résoudre les problèmes soumis par leurs clients.

Éric Bussy (Esker) :

«Le numérique permet plus de flexibilité et une mise à disposition plus rapide.»

Jouer la carte des services

Même si la plupart des imprimeurs restent frileux (héritage culturel, équipement, etc.), le marché du numérique progresse. En effet, cette année en France, environ 15% des imprimeurs étaient équipés en numérique. En outre, pour se démarquer de la concurrence, ils passent par une stratégie de services complémentaires à valeur ajoutée. «Ils tentent de se comporter en chefs d'orchestre», souligne Gilles Gautier, responsable des affaires économiques de la FICG. En effet, ils donnent désormais des conseils en communication, s'occupent de la gestion des bases de données, de la logistique et du routage. «Cela est dû notamment au fait que les volumes d'imprimés ne vont pas se développer et donc que la valeur ajoutée est essentielle.» Ainsi, le métier des imprimeurs évolue. «Il faut nécessairement partir des besoins des clients. On passe donc d'un monde industriel à un monde de services», précise Patrick Bougamont, p-dg de la société Impression Directe. L'impression numérique possède des atouts incontestables, mais surtout une excellente capacité à modifier le contenu d'une page à l'autre. «Le numérique permet plus de flexibilité et une mise à disposition plus rapide», observe Eric Bussy, directeur corporate marketing et product management chez Esker, qui propose des solutions de dématérialisation. Cette technologie permet de faire du cas par cas, d'imprimer au fur et à mesure et donc d'être réactif en fonction de la demande. Elle permet aussi de ne pas stocker et, de fait, de ne pas avoir de pertes.

Ainsi, l'impression numérique est le plus souvent utilisée en court tirage. «En général, les coûts sont intéressants pour de petites quantités», confirme Carole Lobjois, chef de fabrication chez FullSIX, agence de marketing relationnel. Notons toutefois que cette notion n'est pas figée et que les tarifs peuvent varier.

À partir d'un certain tirage, le coût apparaît cependant plus élevé qu'en offset, mais il faut tenir compte de toute la chaîne de production, du taux de retours et du rendement.

Dans un autre registre mais pas des moindres, l'impression numérique permet de réduire les délais de production et donc de livraison. Notons aussi que, parallèlement aux qualités techniques, «ces nouvelles technologies numériques permettent d'envisager concrètement, et de plus en plus, l'utilisation du transpromo», souligne Damien Laurent, directeur marketing production de Xerox. Un concept permettant de regrouper sur un même document des données transactionnelles (comme sur les relevés) et des informations promotionnelles.

Carole Lobjois (FullSIX) :

«En général, les coûts en numérique sont intéressants pour de petites quantités.»

Personnaliser le message

D'après les différents acteurs du marché, un des atouts majeurs de l'impression numérique est donc la personnalisation. En effet, le ciblage des visuels, des enveloppes, des bannières, des affiches permet de maximiser l'impact des messages, plus riches sur la forme (couleur) mais aussi sur le contenu, et d'obtenir un retour sur investissement plus important. La personnalisation est également possible grâce à l'utilisation d'une bonne base de données. Les données variables entament alors un cycle de croissance: les agences de marketing voient l'intérêt de cette technique pour améliorer l'impact des campagnes d'aide à la vente qu'elles organisent pour le compte de leurs clients. Ce concept s'intègre dans la stratégie actuelle du marché de la communication ciblée, avec l'individualisation des messages. Ainsi, il est clair que «la variabilité est l'un des atouts les plus intéressants du numérique en marketing direct. Quel annonceur n'a jamais rêvé de s'adresser à son client ou prospect avec des images, des mots et des illustrations qui lui «parlent«?», constate Jean-Luc Bagnara, directeur général Formes?& Façons chez Draftfcb.

Lorsque l'on parle de l'avenir de l'impression numérique, il est nécessaire de mettre en avant les nouvelles générations de presse jet d'encre présentées notamment à la Drupa, le salon des industries graphiques et papetières, par des fournisseurs comme HP, Xerox ou encore Kodak. En effet, ces machines, capables de produire entre 5 et 10 millions de pages par mois, vont permettre de créer des produits plus complexes, qui répondront aux nouveaux besoins des clients. «Les innovations (bobine, jet d'encre et haut volume) s'adressent directement au marketing direct et permettent défaire du transpromo à des coûts intéressants», estime Pascale Ginguené, responsable veille technologique de l'Union nationale de l'imprimerie et de la communication (Unic).

On peut aussi penser à l'aspect écologique du marché de l'impression. Les professionnels tendent à dire que les technologies numériques permettent de diminuer l'empreinte écologique que l'imprimé peut laisser. En d'autres termes, l'impression numérique contribuerait à protéger l'environnement. En effet, est imprimé seulement ce qui est nécessaire, quand on veut et où on veut. «Cette technique évite également les gâches (quantités de papier prévues en sus pour compenser les pertes et les feuilles de mise en train) et les émissions associées au prépresse des procédés conventionnels», conclut Patrice Bernou, responsable marketing solutions graphiques HP France.

Avis d'expert

La nouvelle pièce stratégique du puzzle communication


Par Frédéric Fabi, président de Dupli Print, membre du SNCD

«Dites-moi, l'impression numérique, vous connaissez?» «Euh... oui, enfin je crois... Cette technologie de qualité moyenne qui me permet d'imprimer des petites quantités quand je n'ai pas le temps de faire autrement ? »
Combien de fois ai-je entendu cette réponse, et combien de fois me suis-je dit que nous communiquions mal ou pas assez! Alors, l'impression numérique, c'est quoi? Ca n'est surtout pas une nouvelle technologie d'impression; c'est l'élément central de nouveaux «business models» dédiés à la communication et au marketing des entreprises. Et qui dit nouveaux business models, dit nouvelle organisation, nouvelles compétences chez nous, prestataires, mais aussi chez nos clients, et surtout une dose illimitée d'humilité. L'impression numérique permet donc à chacun d'inventer et/ou de réinventer sa communication.

Quels sont les ingrédients indispensables ?
Des bases de données bien renseignées, des créatifs vraiment créatifs y compris avec eux-mêmes, des «marketeurs» prêts à bousculer les lignes établies, des prestataires de services et non des techniciens des arts graphiques et du routage, et enfin des sites de production au service des imprimés, à savoir capables d'adapter leur organisation aux nouvelles technologies de communication.
Avec ces ingrédients, vous obtenez des imprimés plus personnalisés et adaptés à vos cibles, et donc plus intelligents. Ces imprimés d'un nouveau genre peuvent facilement se retransformer en flux de données pour alimenter vos sites web et/ou votre communication électronique. Bienvenue dans l'ère du multicanal... Alors l'impression numérique, c'est donc la poule aux oeufs d'or ? Non, simplement une nouvelle pièce stratégique d'un gigantesque puzzle que l'on appelle communication.

Trois catégories de machines selon la production

L'impression numérique est un système de reproduction de documents utilisant l'outil informatique et des imprimantes adaptées. Les machines se répartissent en trois catégories. D'abord les presses numériques, qui produisent plus de 100 pages par minute, pour les productions d'environ 1 million de pages par mois. Ce sont par exemple les HP Indigo (HP 7 000), les Xerox (IGen 3), les Kodak (Nexpress)... En dessous, il y a les copieurs couleur numériques haute vitesse, à plus de 50 pages par minute (Canon, Océ, Xerox). Enfin, les copieurs couleur standard produisent moins de 50 pages par minute. Ces derniers sont utilisés dans les entreprises, mais pas nécessairement dans l'industrie graphique, et la production n'est pas forcément vendue. Ces catégories sont identiques pour les impressions noir et blanc.

Gueudet s'adresse à deux cibles différentes

Le distributeur automobile multimarque a envoyé, en avril dernier, un mailing adressé à plus de 7 000 clients et prospects pour promouvoir la nouvelle Laguna de Renault. Une campagne personnalisée, réalisée par l'agence ETO.

L'idée de la dernière campagne de Gueudet était de cibler deux catégories de population particulières, identifiées dans la base de données du distributeur automobile. D'abord des personnes qui possédaient déjà un modèle Laguna et qui pouvaient potentiellement en changer. Ensuite celles ayant un véhicule dans la même gamme que la Laguna et en âge d'être changé également. «La base de données du groupe Gueudet (environ 900 000 contacts) permet, en effet, de suivre à la fois la vie d'un client et celle d'un véhicule», souligne Laurent Dunkelmann, directeur du pôle production d'ETO, l'agence de marketing en charge de la campagne.

Le mailing - enveloppe avec courrier A4, le tout en couleur - a été imprimé en numérique, en interne chez ETO. «Nous avons choisi pour ce type de campagne de recourir à l'impression numérique pour plusieurs raisons: l'offre hyperpersonnalisée (taux de remise ou bon d'achat, rattachement à la concession, modèle de véhicule proposé, type de services, etc.), le ciblage fin qui produit des extractions de 100 à 10000 adresses, et le timing serré qui nous oblige à beaucoup de réactivité», précise Laurent Dunkelmann.

Ainsi, ce mailing a été envoyé à un peu plus de 7 000 clients et prospects. Axé sur le nouveau véhicule, il incorporait plusieurs données: d'abord le nom et l'adresse de la personne concernée, puis le prix de la reprise Argus en fonction du véhicule. «Même si cette offre est plus ou moins élevée, c'est toujours attractif», souligne le directeur du pôle production d'ETO.

À la fin du courrier, le nom du contact commercial en relation avec le client ou prospect est inséré?- un nom trouvé via le fichier du concessionnaire -, ainsi que son numéro de téléphone. Enfin, le courrier est signé du directeur de la concession la plus proche du client.

Laurent Dunkelmann (ETO):

«La base de données du groupe Gueudet permet de suivre la vie du client et de son véhicule.»

La SNCF personnalise sa campagne

Le transporteur a lancé en septembre dernier une campagne on et off line pour le renouvellement de son coupon Fréquence. Réalisé par l'agence FullSIX, un mailing sera adressé, d'ici à la fin de l'année, à 27 000 clients divisés en 24 catégories.

La campagne pour l'abonnement Fréquence de la SNCF a été conçue sur la problématique suivante: les clients ne pensent pas à renouveler leur coupon. Ce coupon permet de bénéficier de 50% de réduction sur les voyages, soit dans la France entière, soit sur un seul trajet, et est valable trois mois, six mois ou un an. La SNCF, qui compte 230 000 abonnés Fréquence, adressera donc jusqu'à fin décembre aux 27 000 clients possédant un coupon arrivant à expiration un mailing de renouvellement (enveloppe, feuille A4 avec message et pour certains un flyer promotionnel). Trois cibles ont été déterminées: les «GV», c'est-à-dire les Grands Voyageurs (la cible professionnelle); les «GVLC», autrement dit les Grands Voyageurs Le Club (ceux qui voyagent le plus parmi les Grands Voyageurs), répertoriés haut de gamme; et, enfin, les non-affiliés au programme de fi délité. Une arborescence précise a ensuite été établie. Chaque cible est, en effet, classée en deux parties: les abonnés utilisant un coupon de six mois et ceux se servant d'un coupon d'un an. Ensuite, pour chaque type de coupon, il y a les personnes qui ont choisi un abonnement en première classe et celles qui ont préféré un abonnement en seconde. De plus, il y a ceux qui possèdent l'abonnement pour la France entière et ceux qui le possèdent pour un seul trajet spécifique. En tout donc, huit messages délivrés pour chacune des trois cibles, soit 24 messages différents.

Cette campagne permet, dans un second temps, d'automatiser le processus chez l'imprimeur. En effet, le courrier sera adressé deux fois par mois, via de nouveaux fichiers donnés par la SNCF: entre le 1er et le 15 du mois pour certains clients, et entre le 15 et le 30 pour d'autres, en fonction de la date d'échéance du coupon. Ainsi, le travail de création et de texte n'a été fait qu'une seule fois par l'agence FullSIX.

Ces différents critères illustrent bien le degré de personnalisation de la campagne, une campagne réalisée en impression numérique du fait des nombreuses variables, que ce soient le nom, l'adresse, le type de coupon ou encore la durée.

Le numérique en bonne place à la Drupa

Parmi les fournisseurs présents au salon international des industries graphiques et papetières 2008, Xerox et HP ont exposé de nouvelles presses innovantes, pour une productivité continue, des couleurs de qualité et des campagnes personnalisées.

Xerox a présenté, lors de la Drupa, le salon international des industries graphiques et papetières, son modèle 490/980, un système d'impression couleur en continu. Il permet aux ateliers de prépresse et aux data centers de produire, plus facilement et à moindre coût, des factures et des relevés transactionnels offrant une réelle qualité de couleur et intégrant des messages de marketing promotionnel. Par ailleurs, peuvent être réalisées des campagnes de marketing direct contenant des bons personnalisés, des campagnes de fidélisation avec des cartes de fi délité, ou encore des lettres ou des journaux d'information avec un contenu différent selon les régions. La Xerox 490/980 utilise un toner sec, l'imagerie laser et la technologie «flash fusing».

Ce procédé, qui n'utilise ni chaleur, ni pression ou I contact avec le papier, permet d'imprimer sur une I plus large gamme de supports. La nouvelle solution de Xerox imprime en monochrome ou en couleur avec une résolution de 600 ppp, et ce quel que soit le nombre de couleurs ou le grammage utilisés. La Xerox 490/980 produit 69 mètres par minute ou 450 images par minute en recto A4, et 900 images par minute en mode recto verso.

Du côté d'HP, était exposé, entre autres, le modèle Indigo 7 000, déjà utilisé en production dans plusieurs entreprises d'impression dans le monde. Son rendement est de 120 pages A4 par minute en quadrichromie de haute qualité. De plus, cette imprimante permet de réaliser un grand nombre de travaux statiques avec des impressions qui peuvent aller d'un unique exemplaire à plusieurs milliers, ainsi que des réalisations à données variables qui nécessitent les fonctionnalités du numérique. La HP Indigo 7 000 offre un faible coût total de possession pour les clients dépassant le million de pages, ce qui augmente le seuil de rentabilité par rapport à l'impression offset.

Emmanuelle KALFON

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