L'échantillon au service de la marque
Une opération de distribution ne se limite pas à la remise de produits et de bons de réduction. C'est aussi un choix minutieux de lieux, de dates, de circonstances… jusqu'aux prévisions météo ! Tout doit concourir à donner un environnement favorable à la marque. Et, aujourd'hui, l'échantillonnage croise le street marketing.
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« Quel est l'objectif de l'échantillonnage ? Soit il s'agit de faire tester
un nouveau produit, soit de générer un acte d'achat », introduit Olivier
Pheline, P-dg de Syracuse. Son agence a distribué 320 millions d'échantillons,
via 250 opérations à travers l'Europe, en 2003. Selon Syracuse,
l'échantillonnage est plus souvent utilisé pour le lancement d'un nouveau
produit que pour une relance : les trois quarts des opérations menées par
l'agence sont des lancements. Parfois, il s'agit d'élargir ou de rajeunir la
cible des produits existants. Et, il est rare que l'échantillon ne soit pas
accompagné d'un bon de réduction et, bien sûr, d'un document. Pour Frédéric
Meiffret, directeur de FM Média, agence de marketing relationnel et
opérationnel, l'échantillonnage apporte de la valeur ajoutée par rapport à la
distribution postale, directement dans les boîtes aux lettres ou avec des
magazines : « C'est le sourire, le contact humain et la sélectivité, la
segmentation “à l'œil”. Vous ne pouvez pas demander à une boîte aux lettres de
ne remettre votre échantillon qu'aux enfants. Nous recherchons la possibilité
d'échantillonner au meilleur coût mais aussi de donner un environnement à la
marque, de la valoriser auprès des consommateurs. » C'est ici que l'on constate
un changement dans la démarche des annonceurs. Auparavant, on achetait un coût
à l'échantillon, sans se préoccuper des suites, de la gestion induite, du
nettoyage de l'endroit de distribution, etc. Mais on a réalisé que la
pollution, la vue des cartons entassés…, pouvaient dégrader l'image de la
marque.Comment alors améliorer l'image ? « Il faut travailler le hors-médias
comme un média, répond Frédéric Meiffret. Une université ou une gare, une foule
qui passe…, vous distribuez des échantillons. Mais, qu'est-ce qui vous empêche
de faire comme si c'était de la publicité en même temps ? » D'où l'apparition
des affiches de la marque sur le camion de distribution, mais aussi des camions
à affichage dynamique ainsi que toutes les méthodes de street marketing,
couplées alors à l'échantillonnage. L'environnement de la distribution doit
aussi être soigné : le décor avec des oriflammes et des banderoles, les
vêtements du personnel, etc.La très grande majorité des produits peuvent être
échantillonnés. Parmi les plus fréquents : les produits alimentaires, quand il
s'agit de faire découvrir une nouvelle gamme, les parfums, les shampooings et
tous les produits d'hygiène.Et même la presse, pour laquelle la technique peut
fournir une occasion d'écouler les exemplaires invendus d'un mensuel ou d'un
hebdomadaire. Deux limites existent quand même : les produits périssables et
les produits trop chers à fabriquer.
Agence recherche partenaires avec frigo
En revanche, le choix du lieu n'est pas toujours
évident. « On nous avait demandé, par exemple, d'échantillonner des serviettes
dans les magasins d'habillement, mais ce n'est pas toujours le meilleur endroit
», constate Olivier Pheline, qui préfère de loin le marketing “contextuel” : «
On peut échantillonner dans les bars, les boulangeries, les boucheries, etc. Ce
qui compte, c'est d'avoir suffisamment de critères de choix à l'intérieur d'un
réseau banal et très large. » Pour ses opérations, Syracuse utilise
généralement des “réseaux partenaires” : des salons de coiffure, des hôtels,
des magasins de vêtements, etc. En tout, une trentaine de réseaux, des
franchisés et des magasins intégrés. « L'été dernier, nous avons distribué des
échantillons de Coca-Cola Light dans les salons de coiffure Biguine,
Saint-Algue, Camille Albane », se souvient Olivier Pheline. Pourquoi les salons
de coiffure ? « Parce que c'est un endroit privilégié, qu'il y a toujours un
peu d'attente et aussi parce qu'il y a toujours un frigo que l'on peut utiliser
pour servir des boissons fraîches. La distribution dans un réseau provoque un
effet inattendu. Elle est vécue comme un cadeau. » Chez Saint-Algue a eu lieu
également un échantillonnage de la nouvelle gamme “aromathérapie” de Palmolive.
« Difficile d'évaluer l'impact de cette opération sur les ventes, car elle
s'est déroulée pendant une campagne télévision », observe Olivier Pheline.
L'échantillonnage couplé à une campagne médias est, en effet, réputé le plus
efficace.Dans les campings, il est possible, par exemple, d'échantillonner des
produits d'hygiène corporelle et aussi de l'alimentaire, à peu près toutes les
gammes non-périssables. « Nous avons 600 campings dans notre base, poursuit
Olivier Pheline, avec des renseignements sur la présence des équipements, la
piscine, la supérette, le café… Ce qui signifie la possibilité de stocker, au
frais, certains échantillons. Nous l'avons fait pour une bière sans alcool. Et
la promesse de recevoir un échantillon au café incite les consommateurs à s'y
rendre et à découvrir l'infrastructure du camping. »Une partie des opérations
d'échantillonnage alimentaire se déroulent en hypers, menées par les
animatrices des prestataires spécialisées. Le contexte est plutôt rigide,
seules les couleurs du présentoir varient d'une marque à l'autre, et encore.
Tout change dès que l'on quitte le lieu de vente. Lors de l'opération
“Anniversaire avec Bahlsen”, les parents recevaient un coffret promotionnel
avec des ballons de baudruche et des échantillons à offrir aux invités de leur
enfant. Autre cas de figure : le pain Harry's a été échantillonné dans les
boîtes à lettres. Il fallait alors respecter la contrainte de l'épaisseur, deux
tranches maximum, mais aussi la date limite de consommation !
La logistique… et la météo
Le TGV 1re classe est, quant à lui, un
endroit propice pour toucher une clientèle plutôt masculine. Exit les parfums,
place à la communication groupée. La Documentation Directe y distribue des
chéquiers avec des coupons-réponse pour des offres spécifiques aux
professionnels. Réunissant une vingtaine d'annonceurs, ils sont diffusés de 65
000 à 200 000 exemplaires. Avec un taux de retour compris entre 0,1 et 0,4 %,
selon le prestataire. « Dans l'échantillonnage, la plus grande contrainte,
c'est la coordination : assurer les mêmes dates de début et de fin sur des
centaines de points de distribution », affirme Olivier Pheline. La logistique
d'une opération est complexe. Par exemple pour 400 000 serviettes à distribuer,
cela signifie 10 000 cartons, 330 palettes, dix semi-remorques. Il faut ouvrir
les cartons, distribuer, remettre les cartons à plat. La vitesse de
distribution dépend aussi du produit. Pour des serviettes hygiéniques, 150 à
200 à l'heure sur les lieux de passage appropriés, par exemple des facs à
majorité féminine. Pour un produit alimentaire : 350 contacts à l'heure, selon
FM Média. La logistique peut comprendre des volets inédits, comme… la météo.
Syracuse fait appel à la société Climpact, une société d'études et de conseils
en climatologie, pour avoir des prévisions allant jusqu'à six mois avec une
probabilité de 70 %. Le but est d'anticiper le risque climatique pour
l'échantillonnage. Une opération de Syracuse pour Sunsilk a failli tourner au
désastre car le scénario de street marketing mettait en scène des personnes
armées de parapluies, par temps de pluie bien sûr (voir article Sunsilk en page
84). Manque de chance, la météo ne s'est pas prêtée au jeu. Sous un ciel au
beau fixe, il a fallu adapter le discours des animatrices. L'échantillonnage
est parfois utilisé pour tester un nouveau produit sur une sélection restreinte
et aléatoire de la population, avec une campagne dans les boîtes à lettres.
Dans ce cas, les spécialistes de mégabases vont apporter leur concours. « Le
point de départ, c'est notre mégabase avec ses 3,5 millions d'adresses ou bien
la base de France Télécom, 19 millions d'adresses que nous avons enrichies en
interne, explique Paul Archambault, directeur des études quantitatives chez
Consodata. Nous prenons un tirage aléatoire, de 50 000 à 200 000. Après une
première campagne de prospection, le taux de retour est analysé avec les
informations de la base, pour savoir quel type de population a le mieux
répondu. Ensuite, il est possible de sélectionner cette population pour une
nouvelle campagne. »
La logique de coût peut se transformer en piège
Ce type d'étude n'est pas demandé systématiquement. Très
souvent, un nouveau produit est dérivé d'un produit existant. « Il s'agit alors
d'une étude d'affinité, pour sélectionner la population proche d'une cible déjà
connue. Nous la croisons avec le fichier de Consodata et avec celui de France
Télécom pour faire ressortir les “jumeaux”, les populations ressemblantes,
explique Paul Archambault. Nous l'avons fait, par exemple, pour un annonceur
dans le domaine du crédit à la consommation souhaitant élargir l'audience pour
diffuser une nouvelle offre. Mais, envoyer un mailing échantillonné avec ce
procédé, c'est une démarche assez onéreuse. Les annonceurs préfèrent
échantillonner les nouveaux produits à destination des clients déjà acquis. »
Combien coûte l'échantillonnage ? Les logiques de coûts seront différentes
selon les produits, les contraintes opérationnelles qu'ils imposent, le poids,
l'encombrement, l'aspect périssable. Par exemple, entre un échantillon de
céréales de 40 grammes et un produit hygiène de 70 grammes, le coût de remise
prendra facilement presque 50 % de plus. On peut estimer l'unité à quelques
dizaines de centimes pour la distribution en mains propres. Mais il faut
ajouter dans le projet le matériel promotionnel, peut-être un jeu-concours pour
animer l'opération, la dotation en cadeaux (t-shirts à l'effigie de la marque,
stylos…), sans parler des honoraires de l'agence, etc. La logique de coût peut
se transformer en piège dès lors que l'annonceur est trop attaché aux économies
budgétaires. « Que se passe-t-il quand les coûts sont tirés à la baisse ? C'est
simple, répond le responsable d'une agence spécialisée, nous avons des postes
où on ne peut pas faire d'économies : le stockage, le transport, les salaires.
Alors, si les tarifs sont trop serrés, le seul point où l'on peut répercuter
la baisse, c'est le nombre d'heures que l'on va passer à la distribution.
Donc, le lot de 400 000 échantillons sera distribué à 200 000 consommateurs. Il
n'y a pas d'autres solutions. » Une remarque à méditer.
L'échantillonnage, démarche et mise en œuvre complexes
Comment apprécier les résultats d'une opération ? Olivier Pheline détaille le
post-test en quatre questions. D'abord, est-ce que le consommateur a apprécié
le geste, la remise en main de ce produit et à cet endroit ? Est-ce qu'il a
essayé ou goûté le produit ? Est-ce que c'est un nouveau consommateur ou bien
déjà acquis à la marque ? Enfin, est-ce qu'il a l'intention d'acheter le
produit ? La structure du questionnaire reflète bien la complexité de la
démarche. Un échantillon, ce n'est pas seulement “à prendre ou à laisser”. Il
y a toute une tactique et une mise en scène derrière chaque sachet remis. « En
fin de compte, nous exerçons un métier industriel mais avec un savoir-faire
artisanal », conclut Frédéric Meiffret.