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L'e-mailing, média de complément

C'est sans doute le signe d'un premier stade de maturité : le marché de l'e-mailing révèle des propriétés inattendues. Où l'on découvre que le courrier électronique n'est pas forcément adapté à ce à quoi on le destinait. De vecteur hyper réactif de conquête commerciale à faible coût, il devient un média complémentaire, finalement assez cher et plutôt mauvais vendeur.

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Si les professionnels et utilisateurs de l'e-mailing continuent d'expérimenter le média e-mail, l'attentisme prévaut. Et pour cause : le 26 février 2003, l'Assemblée nationale a adopté en première lecture le projet de loi "pour la confiance dans l'économie numérique". Projet qui statue notamment sur l'e-mailing de prospection pour le contraindre sérieusement. Si le Sénat devait accepter le projet en l'état, l'utilisation du courrier électronique à des fins de conquête se trouverait strictement contingentée aux pratiques de l'opt-in. Le texte sera soumis au sénateurs dès le mois de juin et tout laisse présumer qu'il devrait être définitivement adopté à l'automne 2003. Le projet prévoyant explicitement que les dispositions majeures entreront en vigueur le 31 octobre 2003. Ces disposition majeures, quelles sont-elles ? "La prospection directe par courrier électronique est autorisée si les coordonnées électroniques du destinataire ont été recueillies directement auprès de lui, à l'occasion d'une vente ou d'une prestation de service" et "si la prospection directe concerne des produits ou services analogues à ceux fournis par la même entité commerciale". Pour envoyer un message publicitaire, l'annonceur devra donc pouvoir justifier du consentement préalable spécifique et éclairé du destinataire. « On entre vraiment dans l'opt-in », commente Géraldine Michel-Arbant, avocat au cabinet Fidal. « C'est sans doute l'une des lois les plus strictes au sein des pays membres », remarque Héloïse Deliquiet, avocat associé au sein du même cabinet. Sera-t-il alors possible de contourner la loi en routant des e-mails depuis l'étranger ? « La loi s'applique à tous les établissements établis en France, même s'ils disposent d'une représentation, voire d'un siège, à l'étranger », rectifie Héloïse Deliquiet. En outre, le projet statue clairement que toute publicité par voie électronique doit être identifiée comme telle, et "rendre clairement identifiable la personne physique ou morale pour le compte de laquelle elle est réalisée". Pas question donc de masquer l'origine du message en confiant le routage à une société tierce.

Huit à douze millions d'adresses en circulation


Quel est aujourd'hui le volume de l'offre en France, où les estimations moyennes affectent 1,8 adresse par internaute ? Personne n'est d'accord, ce qui témoigne d'emblée de la confusion générale de ce marché. On parle le plus souvent d'une matière première fluctuant entre 8 et 12 millions d'adresses "uniques" (une adresse égale un internaute) en commercialisation. Une évaluation qui grimpe facilement à 60 millions si l'on inclut les doublons. « Nous travaillons pour notre part sur un coeur d'offre de 3 millions d'adresses, la crème du marché, qui nous permet aujourd'hui de couvrir 90 % des besoins du marché », affirme Marc Désenfants, directeur général de Come & Stay, qui mentionne un gonflement annuel de 30 % des sources utilisées par son agence. Deux types d'acteurs interviennent au niveau du recueil d'adresses et de la constitution de bases qualifiées. Les sociétés dont la collecte constitue l'activité majeure : Consodata, Directinet, Claritas... Et celles pour lesquelles elle devient un complément naturel : marchands en ligne, sites web susceptibles de capter des données multicritères sur les visiteurs abonnés. « Entre les grands fournisseurs comme Buongiorno, Consodata, Directinet, Ibase..., le taux de recouvrement est facilement de 30 % », affirme Alexis Helcmanocki, P-dg de Buongiorno France (3,6 M€ de chiffre d'affaires), qui revendique une base de 1,7 million d'adresses qualifiées. Chez Consodata, dont la base atteint aujourd'hui les 820 000 e-adresses, on préfère situer les taux de doublons entre 10 et 30 %, selon les sources dédupliquées. La jeunesse du marché de l'e-mail oblige les annonceurs et prestataires à tester de manière rigoureuse toutes les sources en transit. En 2002, Tiscali a procédé à un certain nombre d'essais en agençant les offres du marché : bases chez les brokers, location en directe auprès des mégabases, partenariats avec des courtiers en ligne, des cybermarchés et des sites de messagerie. Beaucoup de tests ont été menés sur des volumes n'excédant jamais les 100 000 adresses. « Les taux de remontées sont assez homogènes. Aucune base n'écrase les autres », commente Sylvain Rabuel, directeur marketing du pôle accès de Tiscali. Qui confirme cinq règles d'efficacité en matière d'e-mailing : ciblage précis, données qualifiées, relances, convergence avec d'autres médias, prise en compte de l'effet sur la durée. C'est également en testant les bases extérieures que le groupe Diwan, spécialisé dans la vente d'architectures de systèmes informatiques, se construit sa propre base. Diwan dispose d'une cellule interne dédiée à la constitution et au profilage de sa base de données. Investissement annuel : 20 000 euros. Aujourd'hui, la BDD compte 25 000 noms, soit un cinquième du coeur de cible de Diwan. Pour construire sa base, la société conjugue travail sur les données clients et qualification par des sources extérieures. « En e-mailing, nous procédons généralement par vagues de 6 000 à 7 000 exemplaires. Avec des taux de clics de l'ordre de 0,05 % », affirme Jean-Michel Voisin, cofondateur du groupe Diwan.

Perspectives nouvelles pour les agences


Côté création, les rênes sont encore entre les mains des agences. De plus en plus, les principes créatifs intègrent la puissance "virale" de l'e-mailing. Plus la création titillera la propension à la connivence entre l'émetteur et l'internaute, plus l'effet viral agira puissamment. Chez Regenere, la création prend en compte le paramètre viralité, en intercalant le plus souvent possible un élément d'animation entre l'annonce et l'argumentaire commercial. L'agence a ainsi constaté qu'un module de reroutage intégré en fin de message était utilisé dans 30 % des renvois, alors que le clic sur le "forward" ou le "transfert" concentrait encore 70 % des redistributions. « Si l'on veut que l'e-mailing fonctionne, il faut travail-ler sur le fameux "individu média", sur le leader d'opinion du Web », affirme Yann Dacquay, coprésident de Regenere. C'est ici qu'apparaît le paramètre "taux de viralité". Parmi la population des internautes, certains, plus prompts que d'autres au clic sur le "forward", vont apparaître comme des axes privilégiés de relais des messages. « Il va falloir les repérer. Ce n'est pas simple, mais c'est technologiquement possible. Et, lorsque ce sera fait, les ménager comme des opt-in +++ », souligne Yann Dacquay. Les taux de transfert des messages sont très variables, de 10 à 90 % en renvoi en premier ciblage. Mais il faut alors tenir compte de l'effet démultiplicateur propre à l'arborescence des réseaux de contacts référencés dans les carnets d'adresses. « On arrive vite à du 500 % », rappelle Guillaume Vigouroux, directeur du développement. Un enthousiasme qu'Alexis Helcmanocki tient à contenir : « Il faut rester prudent avec la viralité. Elle représente au maximum 5 % de l'e-mailing. »

Les limites économiques du routage


« La partie routage de notre outil, celle qui permet de faire du volume, ne vaut rien. Le routage strict, à la limite, c'est l'affaire des ASP. C'est une question de tuyaux », avance Stéphane Dietrich. Le directeur général de Neolane insiste sur la précision accrue des campagnes, associée à une limitation de la couverture moyenne, citant son client Banque Directe, qui n'engagerait jamais d'actions sur des cibles de plus de 10 000 internautes. Quel est alors le positionnement de Neolane, dont la plate-forme de routage est considérée sur le marché comme l'une des plus sérieuses ? Projection des données sur les black lists, traitement des désinscriptions, mais surtout gestion des contenus. « Je ne pense pas qu'il y ait de la place aujourd'hui pour des sociétés qui souhaiteraient vivre exclusivement sur le routage d'e-mails d'acquisition », poursuit le Dg. Une certaine fragilité qui n'est sans doute pas étrangère aux mouvements de concentration qu'a connu et que va continuer de connaître ce segment du marché de l'e-mailing, comme d'ailleurs celui des grands producteurs de base. Il faut dire aussi que le routage n'est pas en soi un poste générateur de marge. « Mais c'est un élément crucial dans une démarche d'intégration. D'autant plus que, pour l'e-mailing, création et routage sont assez indissociables », souligne Marc Désenfants. Quant à savoir quelle solution adopter en matière de routage des e-adresses, la réponse dépend en grande partie des volumes à traiter. A plus de 100 000 messages par mois, l'ASP n'est pas rentable. Dès lors qu'on atteint une facture mensuelle de 2 500 €, mieux vaut acheter son propre outil. Pour référence, le prix d'une solution d'entrée de gamme chez Neolane est de 15 000 € : gestion de 20 000 profils en base de données et volumes "illimités" pour le routage. Les prix pouvant monter jusqu'à 100 000 €. Collecteurs, propriétaires, courtiers, acheteurs d'espace, routeurs, agences de création... le marché s'est complexifié. « Les intervenants sont de plus en plus nombreux à prétendre tout faire, de la création au routage, en passant par le courtage », remarque Fabienne Colombani, directrice commerciale e-business de Consodata.

Facturation au coût d'acquisition : un modèle novateur


La multiplicité des maillons de la chaîne, leur plus ou moins grande proximité, leur confusion parfois, ont également des incidences sur le mode de facturation des prestations. « Nous ne prenons aucune marge sur l'achat des adresses. Que l'on programme des actions à 10 000 ou à 400 000 adresses, cela ne change rien en termes de facturation pour le client. La marge, nous la faisons sur le conseil », affirme Antoine de Lasteyrie, directeur de FullSix. La maîtrise de tous les éléments de la chaîne devrait aussi permettre un engagement sur les résultats. Come & Stay propose, par exemple, à ses clients une rémunération indexée sur le coût d'acquisition client. Soit de manière centrale, soit en variabilisation. « Nous sommes payés au nombre de transformations. L'objectif fondamental de l'e-mailing, c'est de recruter de nouveaux clients. En fonction de l'offre et des impératifs de conquête, nous allons définir avec l'entreprise un coût d'acquisition », argumente le Dg de Come & Stay. Une réserve toutefois : ce type de pratique commerciale n'a de sens que dans le cadre de contrats sur le terme (au moins trois mois). Le modèle induit en effet tests, ajustements, scorings... Chez Regenere, on confirme indirectement l'argument associant facturation aux résultats et intégration de la chaîne. « Nous avons longtemps insisté pour faire payer aux annonceurs uniquement les taux d'ouverture. Mais nos fournisseur s'y sont toujours opposés », signale Guillaume Vigouroux. Plus les intervenants sont nombreux, moins le point de convergence entre les diverses pratiques est patent. Autre avantage de l'intégration : la rapidité opérationnelle. Selon Marc Désenfants, il est possible de mener une campagne de bout en bout en l'espace de deux jours, alors qu'il en faut au moins dix dans un contexte de prestation éclatée. Des délais qui demeurent bien sûr liés à l'environnement général de l'action menée. Or, l'e-mailing s'avère d'autant plus probant qu'il s'inscrit dans des campagnes intégrant d'autres médias de contact. Filiale du groupe Laser, E-Laser Contact envoie chaque mois plusieurs dizaines de milliers d'e-mails. Suffisamment en tout cas pour formuler quelques constats. Et notamment la richesse du couplage courrier électronique-téléphone. « Les taux de transformation sont sensiblement augmentés si l'on décline l'e-mailing en campagnes. Avec une première phase de ciblage, une deuxième d'analyse via tracking et une troisième étape de phoning », affirme Roger Lei, P-dg. « L'e-mail est et doit rester un canal parmi d'autres. Il faut toujours l'appréhender dans une démarche d'intégration multimédia », corrobore Marc Désenfants. Come & Stay a d'ailleurs développé en 2002 une activité de conseil en plan fichiers d'adresses postales, qui représente aujourd'hui au moins 15 % de son chiffre d'affaires.

"Un marché complètement anarchique"


Pour lancer en France son produit en novembre 2002, la banque en ligne britannique Egg a d'emblée opté pour un mix conjuguant spots TV (matraquage sur cinq semaines), mailing papier (deux vagues de 160 000 plis), encarts en presse télé (12 millions en diffusion), sponsoring d'émissions TV et de sites internet, e-mailing avec mention nettement affirmée d'un numéro de téléphone. « Le mix média, c'est encore la seule solution. Il n'y a que cela qui fonctionne », affirme Carine Martin, responsable du marketing direct d'Egg France. Mais cette fameuse dimension multicanal implique des contraintes supplémentaires, en termes techniques bien sûr, mais aussi en termes déontologiques. Or, le marché doit ici faire valoir un certain nombre d'amendements. « C'est un marché complètement anarchique, gagné par une désastreuse course à l'argent, où les règles déontologiques ne sont que des écrans de fumée », lâche Yann Dacquay, qui estime que seulement 30 % des adresses aujourd'hui disponibles sur le marché dédoublonné des bases d'internautes de moins de 30 ans sont "correctes". L'agence, qui avait loué en 2001 3,5 millions d'adresses, en a importé deux fois moins en 2002 et va réduire encore en 2003 le volume de ses commandes. La taille même de l'offre limite la validité de l'opt-in. Un fichier d'adresses, si volumineux soit-il, se réduit en peau de chagrin dès lors qu'on le soumet à la projection de trois ou quatre critères de segmentation. Si l'on veut prospecter sur une cible significative, le spam devient alors très vite tentant. « Je loue exclusivement des adresses en double opt-in », lance Carine Martin. Scepticisme immédiatement affiché de Didier Parisot, directeur de la communication d'Edatis, le fournisseur de solutions on line choisi par la banque en ligne pour mener une opération à 800 000 adresses : « Il n'y a pas 800 000 adresses en double opt-in sur le marché. » « Mais c'est ce que les fournisseurs et les diffuseurs de bases me vendent », lui répond Carine Martin. « C'est faux, d'évidence », rectifie son prestataire.

Des annonceurs "refroidis"


« Les adresses les mieux qualifiées devraient être celles des sites marchands. Mais ils ne veulent pas nous vendre de données comportementales essentielles, comme le panier moyen », regrette la responsable marketing direct d'Egg France. Selon cette dernière, les fournisseurs livrent ce qu'ils veulent, quitte à flirter avec l'approximation : « Quand je demande des adresses d'internautes âgés de 25 à 39 ans, je sais qu'on va gentiment élargir aux 18-55 ans. Et me donner beaucoup de 18-25 ans. » Ces pratiques quelque peu légères du marché, bien connues de tous, ont fini par refroidir bon nombre d'annonceurs, à l'image de Marrionnaud Parfumeries, qui refuse d'emblée l'idée même d'e-mailing de prospection. Tous les mois, l'entreprise se voit proposer des fichiers, extraits de tous horizons, pour la plupart bien qualifiés, avec des critères sur la CSP, la profession, le nombre d'enfants, autant d'éléments dont Marrionnaud ne dispose pas dans sa base clients. « Mais je me refuse à louer des adresses à qui que ce soit. Les moeurs de ce marché font que l'opt-in ne signifie pas grand chose », lance Erick Bourriot, webmaster de Marrionnaud Parfumeries. L'enseigne pousse si loin l'exigence qu'elle se refuse à intégrer dans sa base les adresses e-mails délivrées dans ses propres magasins par les clients demandant à bénéficier de la carte de fidélité. De fait, si Marrionnaud compte 5 millions de porteurs, sa base d'adresses e-mails se limite à 30 000 noms. Pour avoir mené une opération d'e-mailing auprès de 800 000 adresses, Egg a dû tester la plupart des grandes bases disponibles sur le marché. Et le constat est sans appel : « Il y a sur le marché des offres "pourries". Nous avons constaté des variations énormes dans les taux de NPAI : entre 7 et 45 % », affirme Carine Martin, qui mentionne au passage la bonne qualité des mégabases Consodata et Claritas. Selon Edatis, la déduplication des adresses intra et interfichiers dans le cadre d'une opération de recrutement débouche en moyenne sur un rejet de 5 % de l'ensemble des adresses e-mails louées ou achetées. En ajoutant les NPAI et les adresses inabouties pour raisons techniques, le taux de déchet atteint les 12 %. La précaution, sur ce marché, est parfaitement légitime. Selon une étude menée par DoubleClick, Claritas Interactive et Benchmark parue en décembre 2002 (voir également encadré), 77 % des internautes européens (et 86 % des français) souhaitent pouvoir signifier un consentement préalable à l'envoi d'e-mails. Mais les plus avertis d'entre eux savent que les fournisseurs et intervenants français, si "professionnels" soient-ils, ne peuvent pas faire grand-chose contre le spam de masse, venu d'outre-Atlantique ou de plates-formes installées en Asie. La plupart des jeunes internautes férus de communication électronique ont ouvert quatre, cinq, six boîtes mails, dont la moitié dévolues au spam. « Les bandeaux pub ne se sont plus vendus, il a fallu trouver d'autres sources de bénéfices », commente Yann Dacquay. Les sites de vente et de services ont commencé à louer ce qu'ils avaient jalousement protégé comme autant de trésors de guerre. Et les règles initiales quant à la modération dans la fréquence des sollicitations (pas plus de deux ou trois fois par mois) ont perdu toute réalité, désormais subordonnées au nombre de diffuseurs (acheteurs d'espace et brokers). Le spam a fini par gagner les fichiers d'adresses opt-in.

Des taux d'ouverture en chute libre


Un phénomène pernicieux alimenté par une création encore assez généralement déplorable, surutilisatrice de schémas promotionnels. « Les internautes n'en veulent tellement plus qu'ils finissent par ne plus ouvrir leurs e-mails », affirme Guillaume Vigouroux. Chez Regenere, les taux moyens d'ouverture ont chuté drastiquement en un an, passant de 45 à 30 % au mieux. « Avec 30 % seulement d'ouverture, on peut considérer que le marché est vérolé », commente le coprésident de l'agence spécialisée dans la communication vers les moins de 30 ans. Selon Edatis, le phénomène de désinscription suite à l'envoi d'e-mails de prospection en B to C est fonction de l'ancienneté de la relation : entre le premier et le quatrième envoi, le taux de désinscription passe facilement de 10 à 2 %, pour se stabiliser ensuite au-dessous de 1 %. Ces données étant bien sûr assujetties à la durée de vie des adresses e-mails. Selon Edatis, la durée de validité d'une adresse B to C n'excède pas 18 mois. La moyenne la situerait plutôt autour de 14 mois. Pour le P-dg de Buongiorno France, il ne faut pas tabler sur une durée de plus de six mois. « Les annonceurs attendent de l'e-mailing ce que l'e-mailing ne peut pas leur apporter, tout au moins en recrutement, affirme Yann Dacquay. Pour notre part, nous avons abandonné la logique de vente par e-mailing. » Quoique très jeune, l'e-mailing est déjà riche d'enseignements pour ses pratiquants. Et le plus intéressant, c'est qu'il apparaît régi par des principes parfois inverses à ceux sur lesquels les professionnels l'ont approché. Premier constat. Média de réactivité, l'e-mailing recèlerait des trésors encore insondables en matière d'efficacité secondaire ou dilatoire. « Il faut arrêter de juger l'efficacité d'un e-mail de prospection aux taux de réaction immédiate », résume Yann Dacquay. Tous les professionnels insistent sur ce point : l'expérience montre que dans l'e-mailing, les critères d'analyse média pèsent également : appropriation du message, taux d'agrémen...

L'e-mailing : pas si probant que ça pour la prospection commerciale


Deuxième surprise. Considéré comme un média de réactivité apte à susciter de l'achat d'impulsion, l'e-mailing est aujourd'hui majoritairement rejeté en tant que vecteur de vente. « Si l'on assimile prospection et vente, on peut alors effectivement affirmer que l'e-mailing n'est pas le mieux adapté. On vend généralement mal avec l'e-mail », souligne Fabienne Colombani. Troisième découverte. Il semblerait que l'e-mailing ne réponde pas avec davantage de bonheur aux besoins de prospection commerciale. En 2002, Tiscali a routé environ 1,5 million d'e-mails. « L'e-mailing, c'est pour nous du complément. Le gros de la prospection est fait par les médias de masse, pub et magasins », annonce Sylvain Rabuel. Même dans un contexte de prospection produit sur la base de fichiers clients, l'e-mailing ne fait pas ses preuves. Chaque mois, Tiscali contacte via e-mail l'ensemble de sa base clients (un million d'abonnés environ) pour lui vendre des offres et services nouveaux. Si le média a ses vertus propres, il demeure nettement moins "vendeur" que le courrier ou le téléphone. « En conquête sur de nouveaux produits, le mailing postal génère huit à neuf fois plus de rendements que le courrier électronique, et le téléphone est encore deux fois plus efficace que le postal. Si l'on veut recruter rapidement et en volume, l'e-mailing n'est pas efficace. En termes de ratio coût contact/ventes, c'est encore le courrier qui est le plus probant », détaille Laurent Laforest, directeur de la fidélisation. Enfin, quatrième enseignement. Le coût contact de l'e-mailing, longtemps présenté comme dérisoire, aurait été largement sous-estimé. « Le fameux coût contact de l'e-mail, nous savons tous aujourd'hui que c'est un leurre », affirme Guillaume Vigouroux. Le prix de l'adresse e-mail n'est pas ici en cause. Au contraire, puisqu'il a connu ces derniers mois un mouvement à la baisse. « Le prix de l'adresse e-mail est maintenant comparable à celui de l'adresse physique. Sauf pour certaines qualifications, comme les intentions d'achat », affirme Marc Désenfants. Si certains fournisseurs bradent littéralement leur offre, jusqu'à proposer des adresses à 0,05 euro l'unité, le prix marché se situe aujourd'hui autour de 0,15 euro. « J'achète les adresses entre 0,12 et 0,15 euro, frais techniques, déduplication et routage inclus », signale Antoine de Lasteyrie. Le phénomène de saturation, très sensiblement plus pesant pour l'e-mailing que pour l'adresse postale, interfère sur les coûts d'acquisition. « L'e-mailing ne permet une diminution du coût contact que s'il est bien utilisé. Pour une opération en one shot sur une durée d'un mois, le coût d'acquisition est bien évidemment moins élevé qu'avec le mailing courrier : environ - 30 %. Mais, au bout de trois, quatre, cinq mois, effet de saturation des adresses oblige, l'e-mailing coûte cinq fois plus cher pour des rendements nuls », explique Carine Martin.

E-mailing : 10 % du MD en Europe


En décembre 2002, DoubleClick, Claritas Interactive et Benchmark Research publiaient la première enquête européenne sur les perspectives de développement de l'e-mailing dans les actions de marketing relationnel. L'étude repose sur un questionnaire administré à 1 500 responsables marketing en Europe. Il apparaît que l'e-mailing occupe la première place des outils de marketing on line, utilisé par 69 % des professionnels interrogés, soit loin devant les bannières publicitaires (39 %). Les budgets consacrés à l'e-mailing, en croissance pour l'année 2002, devraient encore augmenter en 2003 : 38 % des directeurs marketing interrogés affirment avoir consacré cette année plus de 10 % de leur budget MD au courrier électronique et 61 % envisagent de revoir cette année leurs dépenses à la hausse. L'utilisation de l'e-mailing dans le marketing direct évolue également : 69 % des entreprises européennes privilégient les actions de fidélisation et seulement 62 % les opérations de prospection. L'année précédente, la prospection était prioritaire pour 80 % des responsables marketing direct. Exception faite de l'Allemagne, où la prospection par e-mail est interdite.

Spam : une ardoise de plus de 2Md pour les entreprises européennes


Si l'on en croit une étude publiée début 2003 par le cabinet Ferris Research, le prix de l'e-mailing non consenti serait de 8,9 milliards de dollars pour les entreprises américaines et de 2,5 milliards de dollars pour leurs homologues européennes. Des sommes colossales, pour moitié imputables au manque à gagner en termes de productivité (temps de traitement des e-mails) et pour moitié aux frais techniques, notamment en achat de serveurs puissants, de bande passante supplémentaire et d'équipes techniques renforcées. Le spam représentant entre 15 et 20 % des courriers électroniques reçus par les entreprises.

Avis d'expert : L'e-mailing : apprendre à maîtriser un nouvel outil de conquête


Par Yseulys Costes, chargée des relations institutionnelles Nouveaux Médias du SNCD, présidente de MilleMercis. Lorsqu'il y a deux ans, la commission E-direct du SNCD s'est créée pour traiter de l'e-mailing, le marché était émergent et ce nouvel outil devait encore démontrer sa pertinence. Aujourd'hui, chaque jour, nos clients nous donnent la preuve de son efficacité. Les hausses des budgets consacrés à l'e-mail ainsi que les prévisions de croissance des investissements qui lui sont consacrés viennent confirmer ce constat : l'e-mailing est un outil efficace pour conquérir de nouveaux clients ! L'e-mailing peut-être utilisé en solo, ou couplé avec un courrier papier. Toutes les combinaisons ont été testées : un teaser par e-mail annonçant le passage du facteur en boîte aux lettres, une relance par e-mail faisant suite à l'envoi d'un courrier postal. La fameuse convergence des courriers papier et électroniques devient une réalité qui dope les rendements et permet au marché de trouver de nouveaux gisements de croissance. Mais la convergence du on et du off line ne s'arrête pas là. En effet, si beaucoup d'annonceurs utilisent l'e-mailing pour renvoyer sur un site internet permettant de commander, d'obtenir des informations, de s'inscrire à un jeu ou programme ou de se faire envoyer un catalogue papier, de plus en plus l'utilisent pour générer du trafic sur les points de vente physiques. En effet, l'e-mailing est un outil "chaud" qui, adossé à du géomarketing, permet de générer rapidement des flux de clients sur des zones de chalandise déterminées. Il permet alors d'annoncer des promotions, des déstockages ou des démonstrations de produit en magasins. Cependant, comme tout outil marketing, l'e-mailing n'est efficace que s'il est bien maîtrisé. Les quelques règles à respecter sont la qualité et la pertinence du fichier utilisé, la personnalisation des e-mails envoyés, la position des liens dans le message, le jour d'envoi du message et, si l'e-mail amène le prospect vers une page internet, la qualité de cette page en fonction des objectifs de la campagne. Enfin, l'e-mail ne coupe pas à la règle première du marketing direct : tester, tester et encore tester ! L'e-mail est réactif, la mise en place d'une campagne et l'analyse de ses retours prennent entre 4 et 6 semaines. L'apprentissage de ce nouvel outil est donc rapide. En effet, bien que régi par les règles communes du marketing direct, l'e-mail a des spécificités qu'il est nécessaire d'apprendre à maîtriser pour tirer pleinement profit de ses avantages et l'inscrire efficacement dans les stratégies globales de marketing direct.

Muriel Jaouën

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