L'animation, un enjeu stratégique pour les sites marchands
Une boutique en ligne dynamique sera plus fréquentée qu'une page figée et donnera une image positive de l'entreprise. D'où l'enjeu de l'animation web comme moyen de créer du trafic et, in fine, du chiffre d'affaires. Les principes régissant l'animation des points de vente physiques sont-ils déclinables sur le Web ? Voici les bonnes pratiques à déployer pour animer son site marchand.
Faire vivre une boutique en ligne reste extrêmement complexe: son animation et sa gestion sont souvent sous- estimées par les marques. À l'image d'un point de vente traditionnel, la construction d'un site n'est en effet qu'une première étape. Il faut ensuite prévoir un budget pour gérer de nombreuses variables : la mise à jour du catalogue de produits, l'animation commerciale, la création de contenus spécifiques, la publicité pour générer du trafic, la gestion de partenariats ou encore la logistique...
D'où l'importance de ne pas minimiser l'animation marketing du site. Celle-ci incitera l'internaute à aller sur le portail marchand et à y rester. Animations saisonnières, promotionnelles, offres de fidélisation, ergonomie... Tout ce qui peut relier, puis lier l'internaute à ce point de vente virtuel mérite donc d'être exploité. Et, pour cela, la constitution d'une équipe dédiée s'avère souvent nécessaire, qu'elle soit créée en interne ou externalisée. Car décréter l'ouverture d'un espace de vente en ligne ne suffit pas à créer son succès. Il faut en prouver continuellement la valeur d'usage, de services et d'offre, par rapport aux concurrents et en complément des autres canaux de vente.
Guider l'internaute
Tout d'abord, il faut installer les valeurs de la marque grâce à une histoire, une expertise, des produits stars ayant une “success story” avec un imaginaire fort, par exemple. En un mot, l'internaute doit, de l'avis des professionnels, reconnaître l'univers de l'enseigne dès qu'il entre sur le site. « Il faut privilégier l'accompagnement. La marque parle, elle doit conseiller l'utilisateur. L'internaute doit parvenir au panier en un minimum de clics, moins de cinq idéalement », précise Laurent Ellerbach, responsable marketing de la division plateforme et écosystème de Microsoft. Simuler des rituels d'achat au sein des profils types de clients, créer des scénarios pour bâtir une navigation la plus fluide possible s'avère donc indispensable. Le site doit pouvoir prodiguer des conseils sans omettre de guider l'internaute. Citons, à titre d'exemple, Alapage.com. Un activateur de choix permet, sur le site de ce libraire en ligne, de faciliter la navigation des visiteurs. Outil réalisé sur mesure, il offre à l'internaute un large panel d'aides pour le guider naturellement. Ainsi, les «coups de cœur musique» proposent les CD «tendance» du moment, et des «nuages de mots» mettent en avant une sélection de dix mots-clés, les plus recherchés par les internautes, au sein du rayon livre. Des «petits plus» qui permettent - par un jeu subtil d'animation - de guider l'internaute. Car, si l'expertise du vendeur est importante, celle des internautes compte aussi. Elle est même de plus en plus valorisée dans l'animation des sites marchands, et cela dès leur page d'accueil, interactivité oblige.
Autre tendance importante dans l'animation des sites marchands : l'accent mis par les vendeurs et leurs agences sur la liberté de navigation. Car visionner des contenus non choisis reste, sans surprise, souvent vécu comme une intrusion par l'internaute. Ainsi, sur eBay, la célèbre plateforme de commerce entre particuliers, c'est l'internaute qui choisit d'activer la vidéo ou pas. De même, s'il sait ce qu'il veut, l'internaute doit pouvoir aller directement dans la boutique de la marque et trouver ce qu'il recherche en quelques clics grâce à un moteur de recherche puissant. Sur le site marchand du traiteur Fauchon, il peut cliquer sur un étalage virtuel et sélectionner les produits qu'il souhaite, habilement mis en scène. L'idée est ici de reproduire l'expérience du magasin physique.
Pour autant, les boutiques en ligne gardent leur spécificité. Outre les standards ergonomiques (réduction du nombre de clics jusqu'au produit, optimisation du tunnel d'achat, accessibilité des pages), des tendances fortes se confirment. « Il faut adapter les logiques de merchandising au point d'entrée du consommateur Le parcours client doit être étudié avant même qu'il arrive sur le site », souligne Guillaume Rotrou, directeur associé de l'agence de communication Nurun.
Ainsi, deux grands points d'entrée prévalent sur les sites d'e-commerce. Pour les acteurs jouissant d'une forte notoriété, d'abord, il n'est pas rare que les sites reçoivent des visites spontanées. La clé d'entrée est alors la page d'accueil, de plus en plus merchandisée: têtes de gondole, visuels de produits représentatifs d'une catégorie, produits stars, nouveautés du mois... Sur la page d'accueil du site Cdiscount, par exemple, c'est une TV plasma qui sera mise en avant, accompagnée de liens marchands vers une sélection d'écrans LCD, de chaînes hi-fi, de vidéoprojecteurs, ou encore de lecteurs de DVD portables... Autant de produits d'appel servant à attirer l'internaute et à valoriser certaines catégories de produits. Deuxième cas de figure : l'internaute transite par un moteur de recherche pour accéder à un site marchand. Dans ce cas, il ne passe plus par la page d'accueil, mais arrive directement sur le produit recherché. Chaque page «produit» devient en quelque sorte une page d'accueil du site. D'où la nécessité de rendre attrayantes toutes les sous- catégories du site.
Ainsi, sur le portail du site Fnac.com, lorsque l'internaute arrive sur la page des ordinateurs de bureau, il distingue en un coup d'oeil les différentes sous-catégories de produits telles que les unités centrales, les écrans dans toutes les dimensions existantes... Chaque page comporte des promotions et est animée de manière à attirer l'internaute, quel que soit le stade de sa navigation. «Il est nécessaire de segmenter ses cibles dans une logique de besoins et de parcours client», confirme Stéphane Paredes, architecte de l'information de Nurun. Même si la personnalisation one-to-one reste difficilement envisageable, car encore trop largement tributaire de contraintes CRM et de techniques complexes, de plus en plus de sites d'e-commerce cherchent à identifier les besoins types de leurs internautes, afin de proposer des parcours clients adaptés à chacun.
Adapter l'interface
A cette fin, exit les sites web de première génération proposant des interfaces figées et non évolutives. Désormais, celles-ci s'enrichissent en fonction des besoins des clients et subissent des ajustements tout au long de la vie du site marchand. En effet, grâce à des algorithmes et à des systèmes de codage, le site propose à l'internaute d'acheter certains produits en fonction de son historique d'achats. Pionnier en la matière, celui du libraire en ligne Amazon est allé encore plus loin en demandant aux internautes de noter les produits et de laisser leur avis. Ceux-ci peuvent ainsi devenir des prescripteurs car leur avis est pris en compte et mis en valeur sur le site web.
Dans cet esprit, la société Criteo, spécialisée en solutions de merchandising pour l'e-commerce, commercialise également en marque blanche un moteur prédictif. Le service étudie les comportements des internautes, établit des profils et génère des recommandations adaptées en regroupant les choix des personnes qui ont les mêmes goûts. «Aujourd'hui, sur un site marchand, l'internaute veut être reconnu s'il est déjà client. C'est comme chez un bon libraire, l'internaute espère des conseils personnalisés et pas seulement les nouveautés du mois !», confirme Sylvie Daumal, architecte de l'information de Duke. De même, les offres proposées en ligne sont de plus en plus adaptées aux occasions de visite et d'achat. Une tendance à la fois éditoriale (par exemple, le décryptage des tendances mode sur le site de La Redoute) et commerciale (des suggestions de cadeaux liées à un événement calendaire sur le même site). « Il faut faire vivre des expériences à l'internaute en incitant l'acte d'achat avec des événements particuliers tels que les soldes, les déstockages et autres fêtes », affirme Olivier Madelenat, directeur associé de Digitas, agence de marketing interactif. Intégrer les saisonnalités et les grands événements du moment à l'animation de son site web reste donc indispensable.
Mais ce n'est pas tout. Comme pour toute activité marchande, des spécificités liées au pays d'origine doivent être respectées, y compris pour l'animation des sites. «Il faut tenir compte des modèles régionaux», estime Guillaume Rotrou. Selon les pays, en effet, deux grands modèles se dégageraient. Les sites américains d'une part, qui proposent une navigation de type «directory» (répertoire). Tous les produits y sont accessibles en un coup d'oeil dès la page d'accueil, comme sur le site américain de la marque Gap. Ces sites sont dits fonctionnels car beaucoup de produits y sont poussés dans un tunnel d'achat. De leur côté, les sites européens jouent davantage sur le registre de la séduction. Ils se caractérisent par de grands visuels et des mises en situation attractives. Le site français de l'enseigne Ikea propose ainsi à l'internaute de découvrir des objets au sein de leur univers, et cela dans une rubrique dédiée intitulée «Bienvenue à la maison».
L'importance du rich média
Autre facteur d'animation des sites marchands, le rich media tend à s'imposer. « La vidéo est le média le plus émotionnel, le plus efficace, le plus impactant. Il délivre un message simple et clair », estime Michel Meyer, p-dg de Kewego, plateforme spécialisée dans l'intégration de vidéos sur le Web. Ainsi, les sites ont désormais fréquemment recours à des films d'animation, avec des images de synthèse ou traitées en 3D. « La création d'un film vidéo est très accessible depuis quelques années et, au final, peu gourmande en termes de ressources techniques », souligne Grégoire Baret, directeur associé de Duke. Et cela en partie grâce à la combinaison de différents facteurs : l'arrivée de nouvelles technologies - comme le langage Ajax - qui peuvent désormais charger un contenu dynamique tout en utilisant des infrastructures plus légères. A titre d'exemple, des sites comme celui d'Yves Rocher ou la boutique virtuelle Shoppinglife.fr utilisent ces technologies. Elles permettent à l'internaute, entre autres, de ne pas avoir à recharger ses pages web. « C'est plus riche, plus démonstratif, plus palpable. On montre le produit sous toutes ses coutures grâce à de grands visuels. Le consommateur est littéralement plongé dans le produit », affirme Jean-Guy Saulou, directeur associé de l'agence FullSIX.
Quant aux sites réalisés avec des applications en 3D, ils offrent de nombreux développements, comme les mannequins virtuels par exemple. Sur les sites web d'H & M et de La Redoute, l'internaute entre ainsi ses mensurations (sexe, poids, taille, tour de poitrine, de taille et de hanches) en indiquant également sa couleur de peau ou de cheveux. D'un simple clic, son double essaie les vêtements à sa place. L'avatar permet ainsi de s'examiner sous toutes les coutures.
Côté accessoires et maquillage, d'autres sites, plus réalistes encore, proposent à l'internaute de télécharger sa photo. Sur Youarethemodel.com, il est facile d'ajuster sur son visage des lunettes de marques à la mode. Spécialisé dans le relooking, Taaz. com se concentre, lui, sur le maquillage et la coiffure. Les possibilités sont infinies et l'internaute est renvoyé aux références des produits «testés». Autre exemple: le site du constructeur automobile Renault. Novacom, agence spécialisée dans la production de vidéos et de programmes interactifs, a réalisé un carrousel en trois dimensions qui permet d'accéder à tous les modèles de voitures de la marque. «Le but était de regrouper dans un même espace aussi bien les valeurs de Renault et l'intelligence du marketing de l'acte d'achat», souligne Jean-Louis Lesage, p-dg de Novacom. Intégré au site internet de Renault, le showroom virtuel permet, de manière très réaliste et fluide, de s'approcher du modèle, d'en faire le tour et d'en apprécier les différentes caractéristiques. « 70 % à 80 % des internautes vont sur le Net pour avoir autre chose que de simples brochures. C'est ce que nous leur offrons désormais », se satisfait le directeur marketing de Renault, Guillaume Josselin.
Pour être correctement animé, un site marchand doit, d'une manière générale, être facile d'accès et comporter des informations pratiques, des vidéos et des photos HD, tout en mettant en scène les produits. La boutique en ligne peut, bien sûr, jouer un rôle de support pour un magasin physique, mais elle se présente avant tout comme un canal de vente autonome capable de générer du chiffre d'affaires.
« La valorisation du produit et la réassurance du client doivent briser les freins à l'achat. Les catalogues des boutiques en ligne sont encore trop souvent construits à partir du catalogue de références utilisé pour la logistique et l'informatique », regrette Taline Mouradian, directrice du planning stratégique de Nurun. Des efforts restent donc à faire pour améliorer quotidiennement l'animation des sites web. Pour y parvenir, les e-marchands pourront principalement développer des contenus textes et rich media, vidéo, 3D, animation Flash, pour s'approcher du produit et se rapprocher du réel. Des évolutions de nature à améliorer sensiblement l'animation globale des sites et l'expérience vécue, en ligne, par l'internaute, toujours plus en demande de «shopping réalité».
Les spécificités de l'animation web
Que le client soit fidèle ou pas à la marque, habitué aux achats en ligne ou novice, il s'agit, bien sûr, de répondre à ses besoins. «On s'inspire du rituel de vente en magasin physique mais avec un angle différent grâce au contenu éditorial du site marchand. Il peut s'agir du discours d'un vendeur ou d'une démonstration vidéo, par exemple», indique Taline Mouradian, directrice du planning stratégique de l'agence de communication Nurun. De plus, autre avantage du on line, la navigation de l'internaute peut être «trackée» en temps réel, ce qui permet au site d'analyser le comportement de ses clients ou prospects. Dès lors, encore plus en ligne que dans le monde physique, il faut faire évoluer l'ergonomie et la structure pour s'adapter aux habitudes de ses clients. Car plus les informations contenues sur le site sont pertinentes pour les utilisateurs, plus ceux- ci vont y rester longtemps. «Les gens vont alors devenir des prospects, retenus grâce au contenu», explique Marc Schillaci, fondateur et dirigeant d'Oxatis, plateforme de commerce en ligne. Aussi, l'internaute doit-il pouvoir naviguer comme bon lui semble et ressentir le moins de contraintes possible dans ses choix de navigation.
Taline Mouradian (Nurun):
« On s'inspire du rituel de vente en magasin physique mais avec un angle différent. »
Personnaliser les produits pour animer son site
La customisation des produits est dans l'air du temps depuis quelques années. Si ce procédé consiste à proposer aux internautes une gamme d'articles plus large, il contribue également à l'animation des sites marchands en leur donnant un caractère événementiel. Ainsi, sur le site de Long- champ, le consommateur peut fabriquer son propre sac (eboutiquelongchamp. com/catalog). De même, sur le site marchand d'Apple, l'internaute peut personnaliser son iPod. Ce qui est impossible dans la «vraie» vie! Le Web comme un lieu d'animation plus riche que l'expérience réelle? Il semblerait. Et les exemples de sociétés ayant misé sur des offres de personnalisation pour renforcer l'animation de leur site et les liens tissés avec les internautes sont multiples. Parmi eux, le site Conforama.fr, sur le lequel un particulier peut aisément réaliser ses propres plans de cuisine. Et cela en choisissant le mobilier (placards, rangements, évier, électroménager...) et les plans de travail dont il a besoin, de manière ludique et professionnelle.
Etude de cas
Nike mise sur l'expérientiel
Pour renforcer le territoire de marque de Nike ACG (AN Conditions Gear), la société a fait le pari de recentrer ses efforts sur le contenu, avec le Web comme espace de contact privilégié.
Un «sweet spot», expression anglo-saxonne provenant du monde du base-ball, est l'adéquation parfaite de tous les paramètres: le lieu, le moment et la performance réalisée. Pour que l'expérience «sweet spot» soit captivante et unique, le consommateur doit se sentir partie prenante de l'aventure. C'est donc sous la forme d'une plateforme vidéo participative que le site de Nike (nike.com/nikeacg) a été conçu par Duke. Une interface graphique à la fois simple et immersive permet de manipuler un globe terrestre sur lequel des sweet spots sont positionnés. L'internaute accède en un clic à la vidéo du sweet spot sélectionné, qui lui raconte une aventure. La lecture de la vidéo est ponctuée de petites alertes «contextuelles» signifiant à l'internaute que des informations complémentaires sont disponibles. Ainsi, il peut à tout moment interrompre le film pour en savoir un peu plus sur l'athlète, le lieu de tournage, la performance mais aussi sur les produits Nike ACG (All Conditions Gear) portés par le sportif. Les informations contextuelles s'inspirent des codes les plus innovants en matière de mise en scène de contenu vidéo sur le Web. Au travers de ce site, c'est l'expérience digitale qui sert de colonne vertébrale à la communication de Nike ACG. La plupart des vidéos sont ainsi consultables sur de nombreux sites semi-professionnels ou amateurs en rapport avec la montagne, et bien sûr les réseaux sociaux comme Facebook. Le site enregistre environ 200 000 visiteurs uniques par mois. Le temps passé est de cinq minutes environ et le taux de deuxième visite avoisine les 25%.
Les «Web TV» animent la toile
Un des premiers sites français à s'être essayé au concept de Web TV a été Chateauonline.com, en 2005. Le site a mis à la disposition des internautes cinq heures d'interviews, soit 90 vidéos. Des exploitants y expliquaient leur méthode de vinification et revenaient sur les caractéristiques de leur produit. La même année, le site marchand Buy.com, spécialisé dans la vente d'ordinateurs, DVD, livres, jeux vidéo... a également lancé un programme de télévision interactive, appelé BuyTV Son but? Présenter l'offre de produits via des animations vidéo. Selon le site, les résultats auraient été exceptionnels, puisque le portail marchand aurait engendré une augmentation des ventes de 319% durant la semaine suivant la diffusion des premiers programmes! Autre site à vouloir profiter du concept de Web TV, La Redoute. Le VADiste place l'internaute au coeur de ses collections (collections-laredoute.fr/#modeEnVideo). Celui-ci peut réagir et poster son propre avis. Des évolutions à suivre.