L'Internet établit la norme
On les attendait. Ils commencent à arriver. Les résultats, sous la forme de données diffusées par l'Insee, du recensement de 1999, mettent l'eau à la bouche des professionnels du géomarketing. A la clé, une nouvelle norme en matière de quartier, les IRIS 2 000. A la clé également, une mise à plat de la plupart des typologies comportementales et de consommation. Et, parallèlement, les fournisseurs de solutions ne laissent pas passer le train des nouvelles technologies, Internet en tête.
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La cause est entendue. Aujourd'hui, en matière de géomarketing, les
technologies disponibles sont désormais matures. « On arrive à faire des choses
assez fines. Les systèmes d'informations géographiques savent positionner
points de ventes ou individus très précisément. Reste à trouver des données
comportementales ou socioculturelles au niveau local le plus fin. Avec l'Insee,
nous travaillons sur la qualification des zones de chalandises, mais nous ne
disposons que de données provenant du recensement de 1990. En attendant les
IRIS 2 000. » Pour Marylin Courtois-Perrin, directrice commerciale et
marketing, pôle ciblage chez Koba, un des éléments importants qui va
bouleverser la donne en matière de données, c'est la mise au point par l'Insee
- en profitant de la diffusion des données du recensement de 1999 - d'un
nouveau découpage administratif de la France prenant en compte des zones
d'habitations d'au moins 2 000 habitants. Un découpage plus ténu que celui issu
du recensement de 1990, qui prenait en compte - pour la diffusion des données
socio-économiques au niveau le plus fin - des unités d'environ 5 000 habitants,
les IRIS 5 000. Ces données seront issues d'une base de données non seulement
relativement fiable - un recensement répond à des règles très strictes - mais,
cerise sur le gâteau, ce sont les plus récentes et les plus exhaustives
possibles compte tenu de la législation.
RÉFÉRENTIEL COMMUN
Il faut se rendre compte de ce que représente la mise sur
le marché des données du recensement de 1999. Pour Marylin Courtois-Perrin, «
cela va remettre à plat tout ce qui existe en matière de géomarketing. L'Insee
uniformise la notion d'IRIS sur la France entière. Ainsi, le référentiel sera
le même qu'on se trouve en Ile-de-France ou en province ». Auparavant, les
données sur l'Ile-de-France prenaient en compte des unités géographiques - des
quartiers - contenant 2 000 habitants, tandis qu'en province, ces quartiers
pouvaient héberger jusqu'à 10 000 résidents. Difficile, dans ce cas, de
procéder à des comparaisons. La nature ayant horreur du vide, et pour pallier
cette absence de référentiel commun, de nombreuses sociétés avaient élaboré des
succédanés de normes afin de procéder à un géomarketing ciblé au plus fin.
L'éditeur ADDE proposait le sien, Mediapost utilise les données issues des
tournées de facteurs, Experian possède ses îlotypes, Claritas les typologies
Priz... Aujourd'hui, chacun pourra optimiser son offre de données en ayant une
référence commune, le Contour IRIS 2 000. Toutes ces segmentations doivent être
mises à jour en fonction de cette nouvelle "brique de base de diffusion des
résultats du recensement", la définition qu'en donne l'Insee.
TROIS TYPES DE ZONES
Concrètement, le produit proposé par l'Insee, se
nomme "Contou... IRIS 2 000". Ce sont les fonds cartographiques numérisés des
IRIS 2 000, sous la forme de fichiers vecteurs - afin que les contours puissent
être insérés dans une carte vectorisée -, fournis sur support électronique,
disquette ou CD-Rom. Dans un premier temps, et ce, dès aujourd'hui, ce
découpage porte sur les communes de plus de 10 000 habitants et les deux tiers
des communes de 5 000 à 10 000 habitants. Un découpage beaucoup plus fin que
les IRIS 5 000 et qui se décline selon trois types de zones. Habitat, pour les
zones dont la population varie entre 1 800 et 5 000 habitants ; Activités, pour
les zones regroupant plus de 1 000 salariés et comptant deux fois plus
d'emplois salariés que de population résidante, et enfin Usages Divers pour les
zones qui ne sont ni des zones d'habitat, ni des zones d'activité, ayant une
superficie importante - plus de 100 hectares ou plus de 20 % de la surface de
la commune - destinée à un usage particulier (bois, parcs, zones portuaire...).
Au deuxième semestre, le produit sera complété par les communes non encore
découpées, calées sur le fichier des limites administratives de la carte GéoFLA
de l'IGN. L'Iris 2 000 est donc un regroupement d'îlots contigus dont la
population avoisine 2 000 habitants. Un îlot représente, en zone urbaine, un
pâté de maison. En fait, c'est le découpage élémentaire qui a été établi pour
la tournée des recenseurs. A l'échelon de l'îlot, quatorze données
élémentaires du recensement de la population sont autorisées par la Commission
nationale de l'informatique et des libertés (Cnil). A savoir la population par
sexe et tranche d'âge (de 0 à 19 ans, de 20 à 39 ans, de 40 à 59 ans, de 60 à
74 ans et 75 ans et plus) et les logements par catégories (résidences
principales, résidences secondaires, logements occasionnels, logements
vacants). A l'échelon de l'IRIS 2 000, la plupart des données du recensement
seront disponibles, exceptées quelques variables sensibles (nationalité, pays
de naissance ou de résidence antérieure, date d'arrivée en France, lieu de
naissance) et des variables bilocalisées (lieu de travail, d'études, de
naissance). Plus tard, d'autres données, émanant d'autres sources pourront être
fournies à ce niveau, suivant le respect du secret statistique (nombre
d'entreprises du répertoire SIRENE, par exemple). Pour les entreprises qui
veulent géocoder encore plus finement, l'Insee propose le fichier "Base-îlots"
qui comporte les contours des îlots, leurs codes, les noms des voies et les
numéros de début et de fin de tronçons de voies pour la plupart des communes de
plus de 10 000 habitants. Enfin, REPLIC99 est une table de correspondance entre
les îlots et les adresses et couvrant environ 1 200 communes de plus de 10 000
habitants. Pour Gisèle Giroux, responsable des services spécifiques et grands
comptes de l'Insee (section réponses aux professionnels de l'information), «
les trois produits sont complémentaires. Base-îlots et le plus complet, mais
aussi le plus cher (environ 1 million de francs). Pour le produit Contou...
IRIS 2 000, il suffit d'attendre la deuxième phase de commercialisation pour
disposer à la fois des contours des IRIS et des limites des communes au niveau
des départements et à l'échelon des communes (150 000 francs pour la France
entière). Une entreprise de taille moyenne qui dispose d'un logiciel de
géocodage pourra se contenter de Contour IRIS pour géocoder son fichier client
et évaluer son taux de pénétration. Enfin, le fichier REPLIC99, qui n'est pas
un fichier cartographique, peut très bien être utilisé par une entreprise
connaissant bien sa zone de chalandise, à des fins de micro-marketing, sous la
forme d'un tableau représentant son taux de pénétration. »
NORMALISATION DES FORMATS
On a souvent critiqué
l'Institut géographique national (IGN), principal fournisseur de cartes en
France, pour son attitude conservatrice voire passéiste en matière de mise à
disposition de données auprès des professionnels. Il semble que cette société
ait pris conscience du danger qu'il y avait à rester sur une position
monopolistique. Conséquence, peut-être, de l'apparition de concurrents
étrangers aux dents longue... Inspirée par une nouvelle équipe, la nouvelle
politique de l'IGN a commencé à s'appliquer courant 1999. Il a tout d'abord été
décidé d'étendre la couverture de la principale carte vectorisée de La France,
Géoroute, qui ne couvre actuellement que les agglomérations de plus de 100 000
habitants, aux villes de plus de 10 000 habitants. « Elle sera disponible fin
2000 à des fins de géomarketing et comportera un nombre considérable de villes
supplémentaires, soit 400 agglomérations, 3 200 communes et 36 millions
d'habitants : 60 % de la population française, indique Jean-Christophe Dayet,
directeur commercial de l'IGN. Ce sera l'offre la plus large en termes de
couverture sur la France. » Entre temps, et afin de mettre sur le marché des
offres intermédiaires, des accords ont été passés avec les principaux
fournisseurs de Systèmes d'information géographiques (SIG) et les partenaires.
Avec la société NavTech, tout d'abord. Cette société fournit une base de
données structurée, destinée aux applications de calcul d'itinéraires. Aux
termes de cet accord, l'IGN lui fournit les données complémentaires issues de
son produit Géoroute et de la base de données "Carto", afin d'améliorer son
produit, et devient distributeur exclusif de la base NavTech France et Europe
sur le marché du géomarketing, de la logistique et la gestion des flottes de
véhicules. Côté éditeurs de logiciels, l'Institut s'est associé à GéoConcept
SA, afin de proposer un catalogue de données cartographiques couvrant la France
et l'Europe dans les domaines du transport et du géomarketing. Fruit de ce
partenariat, la coédition au format de Géoconcept de la carte Géoroute et
d'AdressConcept, un catalogue très complet de données cartographiques couvrant
les agglomérations de 30 000 habitants et plus, ainsi que les réseaux routiers
interurbains dans toute la France et l'Europe. Avec l'éditeur américain Esri,
l'IGN a passé un accord au terme duquel ils coéditeront un catalogue baptisé
Géoroute-ArcAdresses, permettant de géocoder des adresses avec une plus grande
précision. Permettant ainsi à cet éditeur de compléter l'offre de l'IGN pour
les villes de plus de 100 000 habitants par celles des agglomérations de 30 000
à 100 000 habitants. Enfin, un dernier accord a été signé avec ADDE visant à
coéditer "Géocode-AddressMap", un produit intégrant les bases Géoroute, Route
500 de l'IGN et AdressMap d'ADDE. Ces cartes présentent les 337 premières
agglomérations françaises sous une présentation issue des fonds cartographiques
IGN au 1/25 000, enrichies des numéros des immeubles et de la représentation du
réseau routier interurbain.
FORMATS CONSTRUCTEURS ET BAISSE DE PRIX
Par ailleurs, l'IGN lance également l'opération "Formats
Constructeurs". Il a été décidé de ne plus distribuer ses fonds de cartes à son
seul format spécifique, Edigéo, mais au format des éditeurs de SIG, à savoir
Mapinfo pour ADDE, ArcView pour Esri et Géoconcept pour Géoconcept. Ainsi,
toute la gamme de l'IGN est disponible aux formats des principaux éditeurs,
tant en matière d'habillage que de symbolisation. En outre, l'IGN a décidé
d'intégrer dans le réseau interurbain le réseau routier issu de la base de
données Carto (plus d'un million de routes sur toute la France), ce qui
permettra de mieux définir les zones de chalandise. Enfin, une version 2.0 de
Géoroute est prévue. Cette version permettra des mises à jour en continu. « La
base de données sera mise à jour en temps réel. Ce qui permettra de bâtir des
offres commerciales différenciées. Et, outre les mises à jour trimestrielles,
de ne fournir que l'information qui a varié, par exemple », précise
Jean-Christophe Dayet. Le marché de la cartographie s'élargissant, et le
nombre des clients augmentant, les prix sont aussi à la baisse. « L'offre
Géoroute a baissé de 50 % depuis 1998. Les baisses de prix sont similaires avec
l'offre Route 500 », ajoute Jean-Christophe Dayet. Enfin, les nouvelles
technologies influent sur l'offre commerciale. Et la commercialisation des
licences s'adapte à un usage Internet. La licence serveur, par exemple, permet
l'interrogation à distance du serveur et la mise à disposition de la base de
données aux utilisateurs distants. Dans une structure commerciale
décentralisée, cela permettra à un commercial de pouvoir effectuer ses
traitements géomarketing à distance. Enfin, une licence "droits de reproduction
électronique" permet en outre de publier sur Internet ou Intranet des cartes
dérivées de la base de données de l'IGN.
GÉOMARKETING SUR INTERNET ET INTRANET
Arrivée très proche des données actualisées du
recensement de 1999, normalisation du format de ces données, mise à disposition
de fonds de cartes aux formats des éditeurs et politiques de licences adaptées
à l'utilisation de l'Interne... La balle est dans le camp des fournisseurs de
solutions de géomarketing. De fait, ceux-ci n'ont pas l'intention de laisser
passer le train des nouvelles technologies. Chez Experian, Denis
Bied-Charreton, directeur marketing services, met en avant la révolution que va
impliquer l'e-commerce. « Nous lançons une solution de géomarketing accessible
sur Internet ou Intranet. Elle permettra à une plate-forme distante d'être
reliée en temps réel à un serveur contenant toutes les bases de données
d'Experian. C'est une révolution. » Pour lui, ce bouleversement s'appuie sur
trois principes de base. Grâce à Internet, l'information est facilement
accessible, elle est également dynamique, puisque l'on peut, depuis un poste
distant, opérer des requêtes. Et enfin, la rapidité incomparable des réponses
aux requêtes. « En quelques minutes, on peut disposer d'une analyse qui aurait
pris deux jours à être effectuée auparavant, s'exclame Denis Bied-Charreton. La
technologie permet non seulement à un nombre plus important d'utilisateurs
d'accéder à l'information, mais en plus, celle-ci est mieux distribuée. Le
géomarketing, qui est déjà utilisé au niveau opérationnel, le devient au
quotidien, quasiment en temps réel. » Cette solution, développée en fonction
du système d'information de l'entreprise cliente, permet d'accéder à la base de
données Experian, permettant des segmentations de marchés par régions,
départements, cantons, communes, quartiers (3 000 ménages) ou îlots (50
ménages). Techniquement, elle est disponible sous environnement Windows NT, les
applications sont développées en langage Java, afin de pouvoir accéder aux
informations à distance. Quant aux bases de données, elles sont développées
sous Oracle ou en SQL Server.
Sélection du Reader's Digest passe ses clients au crible
On a trop l'habitude de penser au géomarketing sous la forme de la représentation cartographique d'une zone de chalandise ou d'un secteur de prospection. Le géomarketing, c'est aussi de la statistique, et pour qui cherche à qualifier un fichier de client, c'est un outil opérationnel de ciblage. Pour preuve, l'utilisation par Sélection du Reader's Digest, de la solution de qualification géomarketing Crible de la société Complex System. Muriel Glatin, responsable Base de données marketing à Sélection du Reader's Digest pose ainsi la problématique : « Notre objectif était de recruter de nouveaux clients. Pour ce faire, nous disposons d'un fichier de prospects constitué de plusieurs millions d'adresses de personnes que nous avions contactées une deux ou trois fois et qui n'avaient pas réagi. Il fallait identifier les prospects susceptibles d'être les plus rentables. » Une opération hasardeuse, sachant que ce fichier disposait de peu d'informations sur les clients. Pas d'informations sur les achats, bien sûr, juste des noms, des prénoms, des adresses. La solution Crible, ainsi que trois autres produits comparables, ont été testés sur un échantillon aléatoire, en comparaison avec un échantillon de contrôle. Résultat : « Le modèle de segmentation développé par Crible a donné les meilleurs résultats en termes de commande... Et de paiement des commandes », énonce Muriel Glatin. Qui précise que les résultats en termes de commandes n'étaient pas les meilleurs des solutions en compétition, mais « en recrutement, le plus important pour nous, c'est le paiement. Et, au final, lorsqu'on prend en compte cette variable, les résultats de Crible sont les meilleurs. Nous envisageons aujourd'hui, de généraliser son utilisation lors de notre prochaine campagne de recrutement ». A quoi tient la supériorité de cette solution ? « La méthodologie employée probablement. La façon dont le logiciel "travaille" les variables », précise Muriel Glatin. Crible est, selon Complex System, un score construit à partir des informations relatives au prénom et de la base de données socio-démographiques de l'Insee. Preuve, encore une fois, qu'avec un traitement approprié, les variables socio-démographiques fournies par l'Insee sont suffisamment efficaces pour satisfaire une des sociétés fondatrices du marketing direct.
Données du recensement de 1999 : les règles du jeu
Le 22 mai 1998, un arrêté signé par les ministres de l'Economie et de l'Intérieur établissait les limites de la diffusion des données du recensement de 1999. L'arrêté n° 3 limite les informations cédées à l'Insee aux informations suivantes : adresse et autre caractéristique du logement, nom et prénoms de l'occupant, nombre de personnes à charge, catégorie d'occupant et nombre de pièces du logement. Le n° 7 stipule que l'Insee diffuse les catégories suivantes : fichiers de données individuelles anonymes ; comptages ; listes (prédéfinies sur mesure) ; tableaux (prédéfinis sur mesure). Le n° 8 autorise la diffusion par l'Insee des données au niveau du département ; d'une zone géographique d'un seul tenant d'au moins 50 000 habitants, de la commune de plus de 5 000 habitants ; de la commune, quelle que soit sa taille ; au niveau du quartier fixe d'environ 5 000 habitants, découpé à l'occasion du recensement de 1990, et du quartier résultant du découpage de la commune en zones d'environ 2 000 habitants à l'occasion du présent recensement. Le n° 9 précise que les fichiers de données individuelles anonymes ne peuvent être cédées que s'ils sont relatifs à une zone géographique d'un seul tenant d'au moins 50 000 habitants. Le n° 10, que les données résultantes du dénombrement de la population, par sexe et tranche d'âge, et du dénombrement des logements par catégorie peuvent être cédées pour tout îlot. Les données sensibles - relatives à la nationalité et aux migrations - ne peuvent être diffusées que pour les communes entières de plus de 5 000 habitants et pour des zones infracommunales fixes résultant du regroupement de trois quartiers (Iris 2 000) limitées à l'année d'arrivée en métropole et diffusée seulement au niveau départemental.