Interview Olivier Guillo (Webformance)
Alors que les détournements de marque, les buzz marketing et les opérations d'influence du consommateur deviennent pratique courante sur le Web, les entreprises hésitent encore à se doter de dispositifs de veille stratégique. L'occasion, pour Olivier Guillo, P-dg et fondateur de Webformance, de rappeler l'importance des enjeux liés à cette activité.
Quels sont les atouts spécifiques de la veille stratégique sur Internet par rapport à la veille traditionnelle ?
En veille
traditionnelle, les informations sont recueillies par des cabinets spécialisés
qui se chargent de les trier pour les présenter de manière lisible à leurs
clients. Cela suppose des délais de traitement assez longs, parfois trop pour
que les réponses soient encore pertinentes au moment de leur disponibilité.
Avec Internet, ce métier change complètement. Tout d'abord en raison de la
surabondance de l'information disponible et accessible à tout moment. Mais
c'est surtout en raison de la rapidité de collecte et de traitement que la
veille stratégique sur Internet prend tout son sens. Les outils logiciels et
les technologies de recherche se sont substitués aux consultants, ce qui permet
de surmonter de nombreuses barrières, dont celle de la langue est sans doute
l'exemple le plus flagrant. D'où l'élargissement du territoire de la veille
stratégique. Elle n'est plus cantonnée à la communication de crise et permet
d'intervenir beaucoup plus en amont pour répondre à un spectre de besoins
beaucoup plus vaste.
Quelles sont les principales problématiques qui trouvent une réponse pertinente dans la veille en ligne ?
Outre la veille technologique qui est actuellement la plus sollicitée par le
marché, nous répondons à des problématiques de veille concurrentielle et
d'image. Un enjeu d'autant plus stratégique pour les entreprises et les
directions marketing que le développement de leurs activités en ligne les
expose aujourd'hui à de sérieuses menaces. En effet, plus Internet se développe
et plus l'information ou la désinformation qui y circulent sont difficilement
contrôlables. Il n'est pas rare d'assister à des détournements, des parasitages
ou des contrefaçons de marques. Ces malversations sont d'autant plus
dangereuses que leur mise en œuvre est simple et rapide. Le cas du site
Bourse-des-Vols dont la marque a été détournée dans les outils de recherche par
ses propres concurrents en est une illustration. De nombreux secteurs tels la
banque, l'assurance, l'industrie pharmaceutique en ont conscience depuis
toujours. Mais une majorité d'acteurs n'a toujours pas réalisé la menace que
constitue Internet dans la mesure où toute information y reste stockée, donc
disponible et nuisible.
Comment sont collectées les informations et quelles sont les principales sources ?
Le
dispositif technologique repose sur une logique de recherche de mots clés.
Lorsqu'une entreprise nous sollicite, nous réalisons, au préalable, une étude
qui permet de déterminer le champ sémantique relatif à son activité et à ses
produits ou marques. Les résultats de cette étude sont ensuite intégrés à la
base de données du logiciel, qui établit des glossaires permettant de repérer
les mots clés relatifs aux requêtes. Des fonctionnalités de tri et
d'automatisation de tâches répétitives permettent d'affiner les résultats
obtenus et de les présenter ensuite de manière lisible. Quant aux sources
d'information, il s'agit de sources résolument publiques parmi lesquelles on
retrouve les news groups, l'e-mail, le protocole FTP, les réseaux d'échange en
Peer to Peer. Autant de gisements d'informations pas ou peu pris en compte par
les moteurs de recherche, qui n'appréhendent que 40 % de l'information
disponible en ligne.
Comment éviter le danger que constitue la tentation d'utiliser les outils de veille à mauvais escient,pour diffuser un buzz sur un concurrent,par exemple,ou détourner de l'information sensible ?
Dans ce cas, on ne parle plus de veille mais bien de Weblobbying
sur Internet. Pour d'évidentes raisons, nous ne répondons pas à ce type de
demande. Or, quand on sait qu'une licence de notre produit coûte 75 000 euros,
que l'influence est difficilement mesurable, se pose alors un problème de
rentabilité qui constitue une barrière naturelle à l'expansion de ce phénomène.
Quels sont les principaux freins à la démocratisation de la veille stratégique ?
Il y a en premier lieu, en France, un frein
indéniable lié à une culture de la crainte de la fuite d'information. Le marché
de la veille stratégique en ligne est actuellement aussi bloqué que l'était
celui du référencement en 1996. Or, aujourd'hui, aucune entreprise n'envisage
de lancer un site sans le référencer dans les outils de recherche.
L'évangélisation est donc difficile mais nécessaire. Faciliter la prise de
conscience est l'un de nos objectifs en 2004. Pour lever les freins à la
commercialisation de nos solutions, nous allons proposer des nouvelles formules
sous forme de packs, chacun d'eux répondant à l'un des trois principaux besoins
en matière de veille : image, marché et concurrence.