Internet mobile : embarquement pour la 3G
Montrer ses chaussures à sa mère avant de les acheter, revoir le dernier
Grand Prix de Formule 1 en attendant le bus, filmer puis envoyer une vidéo du
petit dernier à ses grands-parents, écouter et stocker sur son portable un
concert de rock en faisant ses courses au supermarché, voir et être vu par
l'interlocuteur qui vous appelle, chatter sur messagerie avec les copines...
Voici quelques exemples de nouveaux usages sur mobile rendus possibles par la
3G, la troisième génération de téléphonie mobile sur réseau UMTS. Des usages
inédits qui pourraient se banaliser très rapidement, à partir de 2006 d'après
les prévisions les plus prudentes. A condition toutefois que les consommateurs
s'équipent de nouveaux terminaux mobiles compatibles 3G et surtout, qu'ils
s'approprient les nouvelles fonctionnalités mises à leur disposition. Chez SFR,
premier opérateur à avoir dégainé son offre 3G, comme chez Orange qui ripostait
le 9 décembre dernier - Bouygues Telecom ne se lancera sur ce marché qu'en 2006
-, les prévisions sont ambitieuses. Et optimistes : entre 500 et 1 million
d'abonnés 3G sont attendus par chaque opérateur d'ici fin 2005, Orange comptant
même dépasser ce seuil dès 2006. Une croissance supersonique comparativement au
développement de la génération précédente, le GSM / GPRS, qui a mis cinq ans à
séduire le même nombre d'utilisateurs !
Accentuer le côté glouton de l'appareil
Il faut reconnaître que, de génération en
génération, la téléphonie mobile n'a cessé de surprendre tant sa capacité à
usiner le marché est puissante, y compris auprès des plus sceptiques et des
techno-réfractaires. « Les fonctionnalités liées à l'usage du mobile, c'est du
futile destiné à devenir nécessaire. Et la 3G, qui renforce le côté glouton du
mobile, va accélérer ce phénomène », s'amuse Alexis Helcmanocki, Dg de
Buongiorno France. Aucun doute pour l'opérateur de services mobiles, la 3G
comme le GPRS et surtout comme l'Internet ne manquera pas de séduire les
foules et de les rendre accrocs à ses nouveaux usages. Mais, qu'est-ce que
la 3G exactement ? Rien d'autre que de la bande passante supplémentaire, de la
vitesse sur réseau mobile. « La 3G, ce n'est rien d'autre que de l'Internet
haut débit dans la poche de l'utilisateur », résume Alexis Helcmanocki, qui
parie sur une rapide adoption de la part des utilisateurs. Doit-on pour autant
s'attendre au développement des mêmes usages que ceux aujourd'hui solidement
installés sur Internet ? Peut-on rêver d'un marché aussi florissant que celui
du commerce électronique ou assister à un emballement du public pour la
télévision de poche, la visioconférence gadget, la recherche d'informations
payantes, bref, tout ce qui fait le succès du réseau Internet? Pas si sûr,
étant donné les spécificités tant technologiques que comportementales associées
au mobile. Sans compter que la limitation de la durée du surf et les tarifs
appliqués à ces nouvelles fonctionnalités risquent de mettre un sérieux coup
de frein aux plus folles tentations.
Un marché nécessaire pour les opérateurs
On peut donc s'interroger : entre utilisateurs,
opérateurs et fournisseurs de contenus divers et variés, qui seront les grands
gagnants du développement de ce marché ? Une seule certitude pour l'heure :
l'enjeu principal se retrouve du côté des opérateurs. Ils doivent récupérer les
sommes pharaoniques investies dans le développement du réseau UMTS, et ce n'est
pas fini. Orange débloquera 3 MdE au cours des dix prochaines années, autant de
fonds seront injectés par SFR. A cela, il faut ajouter les 600 millions déjà
dégagés par chaque opérateur pour l'obtention de la seule licence UMTS. En
clair, faire migrer le plus rapidement possible l'ensemble des abonnés mobiles
(41 millions de personnes) vers ces nouveaux usages apparaît dès lors comme une
nécessité, incontournable, pour s'ouvrir de nouvelles perspectives de revenus
alors même que la tarification de la voix amorce une baisse durable. Le seul
moyen, pour les opérateurs, de maintenir élevé et d'augmenter le niveau de
facturation de leurs abonnés.
Un nouveau média pour les marques?
Les nouveaux usages, l'arrivée de la vidéo, de la couleur et du
son sur le mobile vont-ils susciter l'intérêt des marques et complexifier
davantage le mix communication ? La question se pose. Logique si l'on considère
que 41 mil-lions de personnes se baladent avec un téléphone mobile toujours à
portée de main et que, une fois équipée une part significative en terminaux 3G,
s'ouvrira alors le grand champ des possibles. Pour Olivier Rippe, spécialiste
de la relation par écran et manager du pôle interactif chez B2L Proximity,
aucune grande révolution n'est à attendre dans ce domaine. Juste une
amélioration de l'existant. « Nous sommes à la convergence du message sur tous
les points de contacts, tous les fondamentaux du marketing tels que la
segmentation le ciblage, etc. peuvent donc être utilisés sur mobile 3G pour
mettre en relation marques et consommateurs », avance-t-il. Quant à savoir
quels types d'offres se révéleront les plus pertinentes pour les marques,
comment ce média s'intégrera au plan de communication, là encore, difficile de
parier sur l'avenir. « La 3G va générer de nouveaux comportements, c'est
certain, poursuit Olivier Rippe. Mais il faudra attendre que se démocratisent
largement les nouveaux usages, l'offre de fichiers opt-in et voir comment les
opérateurs de services mobiles se positionnent sur cette chaîne de valeur pour
dire comment tout cela va servir les marques. Notre rôle reste inchangé : nous
intervenons en conseil et en conception. Pour le reste, nous nous adosserons à
des prestataires techniques. »
Monétiser la notoriété des marques
Média ou pas, les applications mobiles de 3G ne manqueront
pas de surprendre les marques, telle est la conviction de Mani Pessiani,
fondateur et dirigeant de MobileDreamStudio, une société de production de
contenus multimédias pour mobile : « Le mobile va devenir un média de
communication incontournable, à condition de développer des contenus adaptés
aux nouveaux usages. » La société développe déjà, pour plusieurs marques, des
services sous contrat de licence à vocation promotionnelle ou purement
relationnelle. Pour Chupa Chups sur Gallery (la plate-forme de services pour
mobiles commune au trois opérateurs), la marque assure sa présence au sein d'un
univers imaginaire brandé à ses couleurs. Les mobilenautes y trouvent une
kyrielle de services ludiques, de téléchargements, d'outils de personnalisation
de téléphone aux couleurs Chupa Chups et au-tres goodies payants ou gratuits
permettant de créer de la connivence entre la marque et les consommateurs. Rien
de bien révolutionnaire, si ce n'est le modèle économique du service; il
s'inscrit en rupture avec les modèles Web ou des grands médias en général. En
effet, MobileDream-Studio, qui agit comme un producteur, exploite la licence de
la marque pour monétiser des contenus qu'il produit et diffuse sur le réseau
mobile. Une partie des gains générés par ces services est ensuite reversée à la
marque qui finance ainsi tout ou partie de sa promotion. Rien à voir avec le
Web où les marques financent elles-mêmes leur environnement identitaire. « En
téléphonie, la notion de monétisation de contenu étant acquise, les marques
peuvent monétiser leur notoriété », indique Mani Pessiani. Déjà compatible
avec les téléphone 2G (GPRS), ce type de services devrait connaître une forte
évolution en 3G. L'arrivée de la vidéo et la très forte émergence du Rich Media
favoriseront l'enrichissement considérablement des offres actuelles. D'ici là,
attendons que se produise l'effet parc tant plébiscité.