Informatique et Libertés : la pratique de la loi se cherche
Comment ne pas tomber dans l'excès de déclarations et de paperasserie en appliquant la Loi Informatique et Libertés ? Avec la mise en place de Correspondants Informatique et Libertés, si ce nouveau métier trouve sa place dans l'entreprise.
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« La loi du 6 août 2004 ne brille pas par sa clarté. C'est en quelque sorte
un objet venu d'ailleurs, de Bruxelles. » Christophe Pallez, secrétaire général
de la Cnil, a reconnu, lors d'une conférence organisée par le cabinet d'avocats
d'affaires Denton Wilde Sapte, que la Cnil est elle-même un peu dans « le
tâtonnement » et qu'elle manque de certitudes sur les points d'application de
la nouvelle version de la Loi Informatique et Libertés.
Le risque est de tomber
dans une bureaucratisation excessive. « Mais il existe plusieurs antidotes, a
expliqué le secrétaire général. Tout d'abord, la complexité doit peser sur la
Cnil et non sur les entreprises. Nous leur demandons de nous faire une
déclaration et nous leur disons ensuite quel type de formalités elles doivent
faire pour ce traitement. » Autre moyen de réduire les déclarations :
l'exonération de déclaration pour plus de 90 % des traitements de paye ou la
création d'une norme simplifiée pour la gestion du personnel, la déclaration se
faisant ainsi directement sur le site de la Cnil. Enfin la Commission
a comme projet d'ouvrir un guichet électronique sur son site, pour faciliter
ses relations avec
les entreprises.
Le correspondant en question
Le dernier remède existant provoque de nombreux commentaires et questionnements
: le Correspondant Informatique et Libertés, ou “CIL”. Les entreprises
pourront, si elles le souhaitent, nommer en interne ou choisir à l'externe un
CIL, ce qui leur évitera de devoir faire certaines déclarations auprès de la
Cnil, mais ne les dispensera pas, bien sûr, de lister les traitements réalisés.
« On pourra ainsi faire sa petite Cnil interne », a lancé, lors de la
conférence Denton Wilde Sapte, Jean Frayssinet, professeur à l'Université Paul
Cézanne d'Aix-Marseille. Le décret d'application concernant le CIL doit sortir
sous un mois, et c'est à partir de ce moment-là que les entreprises pourront
notifier à la Cnil leur éventuel correspondant. Mais déjà les acteurs concernés
s'organisent. L'AFCDP, Association française des correspondants à
la protection des données à caractère personnel, a vu le jour sous l'impulsion
d'Experian, du cabinet Alain Bensoussan et de Cecurity.com. Le 21 avril
prochain, elle organise ses premières assises, afin de faire un point
sur le futur métier de CIL.
Qui va jouer le rôle de Correspondant ? Dans le cas d'un salarié - la Cnil
souhaite que les grandes entreprises dispose d'un Correspondant interne -, quel
va être son statut, en sachant qu'il est protégé par la loi d'éventuelles
sanctions de son employeur pour l'exercice de cette tâche ? Dans le cas d'un
CIL externalisé, sera-t-il avocat - l'Ordre a été saisi
de la question -, expert-comptable ou cabinet conseil ? L'AFCDP, de son côté, a
déjà été contactée par une école d'ingénieurs parisienne, l'Isep, pour intégrer
un module de formation sur la protection des données à la rentrée prochaine.
Protecteur des données : mode d'emploi
« Le Correspondant a besoin d'avoir des compétences juridiques, sur la LIL ou la LCEN, mais pas uniquement. Il doit également avoir des compétences informatiques et des aptitudes relationnelles », explique Xavier Leclerc, délégué général de l'AFCDP, lui-même délégué à la protection des données, au sein d'Experian, depuis 2001. « Je travaille au quotidien avec les différentes directions de l'entreprise. Car je ne fais pas que rédiger les déclarations ! Je sensibilise et forme les cadres à la loi et à la protection des données en général. Je travaille aussi avec les clients d'Experian et j'échange bien sûr régulièrement avec la Cnil. »
La Cnil demande plus de moyens
La nouvelle loi donne plus de pouvoirs à la Cnil, mais a-t-elle les moyens de se faire gendarme ? La Commission a réalisé 46 contrôles en 2004 et a pour objectif d'en réaliser 500 annuels.
« Notre président a transmis un rapport au Premier ministre pour demander une croissance radicale de notre budget, a indiqué Christophe Pallez, secrétaire général de la Cnil. Nous souhaitons doubler nos effectifs, pour passer de 85 à 170 agents ; et voir notre budget de fonctionnement croître de 134 %. »