Fidéliser en B to B : le concept de l'équipage
Un programme de fidélisation dans le B to B, ce n'est pas si courant. C'est pourtant ce qu'a mis en place le transporteur express international qui, avant de le lancer à l'échelle nationale, en a mesuré la rentabilité. Les explications de Jean-Christophe Damond, marketing manager France, Espagne et Portugal de Federal Express.
Présentez-nous les activités de FedEx...
Federal
Express propose un service de livraison express international en porte-à-porte,
dédouané, avec un délai assuré, assorti d'une garantie si la livraison n'est
pas effectuée dans les délais. L'industrie du transport express est née, en
quelque sorte, avec FedEx en 1973. Aujourd'hui, aux Etats-Unis, l'entreprise
est une institution qui dispose d'une présence significative et assure un
service domestique et international. En Europe, la situation est quelque peu
différente : le service est uniquement international. Par exemple, en France,
FedEx peut réaliser une livraison Biarritz-Moscou mais pas Biarritz-Lille...
Autre caractéristique : l'entreprise est un intégrateur car tous les éléments
de la chaîne sont contrôlés par FedEx. Nous avons nos propres avions, nos
propres coursiers... Au départ de la France, il s'agit essentiellement d'un
service destiné aux entreprises qui sont en contact avec l'international. Elles
représentent notre cible principale et notre communication ne s'adresse qu'à
elles. La part des clients particuliers reste très marginale, contrairement aux
Etats-Unis, où ils représentent un gros marché.
Quelle stratégie de communication avez-vous adopté ?
En Europe, nous communiquons
essentiellement par marketing direct. Cette méthode nous a paru la plus
pertinente, tant du point de vue des messages que de la forme... Car, dans le
domaine du transport international, les entreprises ont toujours besoin d'une
explication (passage en douane...), nous avons donc un devoir d'éducation... Et
il se trouve que le marketing direct répond parfaitement à ce souci de
proximité et de contact. Le budget de communication se répartit dans trois
domaines : le marketing direct, les relations publiques et le sponsoring
sportif avec Ferrari. Tout ce qui est "above the line" n'est pas aussi
développé. Nous avons lancé une campagne d'affichage en France, en octobre
dernier. Mais chez FedEx, la campagne de publicité vient en soutien du
marketing direct et non l'inverse.
Comment s'articulent vos actions de marketing direct ?
Nous menons différentes actions : faxing,
newsletter, mailings toujours ciblés par rapport à une offre FedEx. Sinon, le
coeur de notre communication est constitué par notre programme de fidélisation,
appelé "Programme plus", qui fonctionne sur le même principe qu'un programme de
mileage.
Pouvez-vous nous décrire son fonctionnement ?
Les expéditions réalisées par nos clients valent un certain nombre de points.
Plus ils font d'expéditions, plus ils ont de points, qui leur donnent accès à
différents niveaux de cadeaux. Parmi lesquels il n'y a pas de billets d'avions
!
Quels sont vos objectifs avec ce programme de fidélisation ?
Nous en avons plusieurs. Tout d'abord, un objectif purement
financier. Il s'agit de générer plus de trafic, grâce à une plus grande
fidélité de nos clients. Chez FedEx, tout programme de marketing direct est
mesuré avec un objectif de rentabilité de trois pour un. C'est-à-dire que, pour
un dollar investi, l'objectif est de générer trois dollars additionnels. Si une
croissance de 10 % est prévue, le programme doit générer 113 et non 110... Le
deuxième objectif est de connaître nos clients. Dans une entreprise, n'importe
quel collaborateur peut expédier un colis à l'international. Il y a une
multitude de contacts possibles qu'il est difficile d'identifier. A cela, il
faut ajouter une rotation des contacts : 20 % d'entre eux changent tous les
quatre mois... Chaque société a sa propre organisation : il y a autant
d'organisations que de contacts. De plus, nous avons besoin de qualifier le
potentiel de nos clients pour donner une information à nos commerciaux.
L'objectif est alors de venir en appui de notre force de vente. En fait, il
s'agit d'un outil à la fois de fidélisation et de conquête. Il a les deux
vocations, même s'il est utilisé différemment.
Quelles cibles voulez-vous toucher ?
Nous nous adressons à tout client FedEx,
sachant que ceux qui ont une "faible" pression commerciale constituent notre
cible principale. Seule restriction : il ne faut pas collecter des paquets pour
des tiers. Nous avons donc exclu du programme les intermédiaires, de même que
les compagnies aériennes et certains grands comptes européens, qui ont leur
force commerciale spécifique. Pour entrer dans le programme, il suffit d'avoir
un numéro de compte FedEx et de s'inscrire en remplissant un questionnaire très
simple : le Passeport plus. Ce programme n'est disponible qu'en France ; il
s'adresse à toute entreprise française qui fait au minimum une expédition par
an à l'international. Ce programme n'est pas adapté des Etats-Unis, car les
actions marketing direct disposent d'une assez grande autonomie dans chaque
pays. Cela dit, tous les programmes de marketing direct sont en "apprentissage
partagé" sur notre réseau Intranet.
Alors, qui va en bénéficier au sein de l'entreprise ?
Dans une logique B to B, FedEx a mis en
place le "concept d'équipage", c'est-à-dire que tous les collaborateurs qui
utilisent les services de Federal Express peuvent participer en s'inscrivant au
programme. Dans beaucoup de cas, c'est l'individu qui joue et il n'y a pas de
complémentarité entre les collaborateurs. Chez nous, tous ceux qui participent
au programme partagent les points cumulés. Ces points varient en fonction du
poids des envois et non en fonction des destinations. En théorie, ils
appartiennent à la société. Nous envoyons donc d'abord un premier mailing
auprès de la direction générale ou administrative pour les informer que FedEx
met en place un programme de fidélisation. Elles doivent alors nous signifier
leur refus. Ensuite, nous essayons de dégager le concept d'équipage. Nous
sommes très souples dans notre fonctionnement, nous ne voulons rien imposer.
Puis, les points sont attribués à ce collectif. Dans notre catalogue, nous
avons essayé d'avoir des cadeaux "collectifs" dans nos différentes sections
(tonus, confort, vie active, loisirs). Nous proposons toujours des cadeaux
collectifs ainsi que des cadeaux individuels. Autre caractéristique : il n'y a
jamais d'argent à ajouter pour l'obtention des cadeaux, sauf dans le cas de
grands voyages. Dans cette optique B to B, FedEx livre les cadeaux uniquement à
l'adresse de l'entreprise. Car c'est l'entreprise qui en bénéficie... Nous
avons également souhaité que ce soit le commercial ou le coursier FedEx qui
livre les cadeaux.
Depuis quand FedEx a-t-il mis en place ce programme ?
La phase test a démarré en France, en octobre 1998.
Pendant un an, nous avons mesuré son impact par rapport à nos objectifs.
L'objectif financier a été atteint, de même que celui de qualification de
contacts. En effet, nous avons trois fois plus de contacts identifiés dans les
sociétés inscrites que dans les non-inscrites. Le fait d'avoir créé cet
équipage nous permet de mieux connaître nos clients. Nous avons constaté aussi
qu'il vaut mieux proposer le programme à des sociétés qui sont déjà
familiarisées avec FedEx. D'octobre 1998 à juin 1999, nous avons mesuré la
rentabilité de ce programme. De juin à octobre 1999, nous avons affiné les
différents points de procédure. Et, depuis le 1er décembre 1999, le programme
est disponible pour nos clients éligibles. Nous le rodons d'abord en France. Et
il pourrait être implanté ensuite en Espagne et au Portugal. En termes de
résultats plus concrets : lors de la phase test, 20 % de la cible s'est
inscrite à ce programme.
Comment mesurez-vous sa rentabilité ?
Nous avons mis en place deux populations : "un groupe test" qui
reçoit les mailings proposant l'adhésion et qui adhère au programme, et un
"groupe de contrôle" qui, pour l'instant, ne reçoit rien. Nous pouvons donc
mesurer le nombre de colis expédiés par ceux qui sont dans le groupe test et
par ceux qui sont dans le groupe de contrôle. Mais, surtout, nous mesurons le
différentiel de croissance entre ces deux groupes. C'est surtout cela qui est
important. Cela nous permet de mesurer ensuite le revenu additionnel, en
multipliant le nombre de colis par le revenu moyen par colis. Après, nous
regardons quel est le résultat généré par rapport au groupe de contrôle. Nous
réalisons également des mappings, qui permettent de faire une cartographie de
nos clients. Par exemple : telle entreprise fait peu avec nous mais a beaucoup
de potentiel ou alors telle autre fait beaucoup mais son potentiel maximum est
atteint. Par rapport au coût du programme, nous regardons si FedEx va générer
ses 3 francs (ou dollars...) additionnels par franc investi. Nous sommes tout à
fait conscients des échecs possibles d'un programme de fidélisation, c'est
pourquoi notre phase de test a été un peu longue, afin de bien nous roder...
Avez-vous des partenaires pour la gestion de ce programme ?
FedEx gère le programme en interne - ce qui nous permet d'avoir
la partie connaissance du client -, avec l'aide de l'agence de communication et
de marketing direct RMP ainsi qu'avec AID, qui est notre prestataire de base de
données depuis avril-mai 1996. La base de données est chez AID ; tandis que
chez FedEx, il n'y a qu'une base miroir. RMP, qui a conçu tous les documents de
communication (catalogues, brochures...) et qui gère la hot-line, possède aussi
une base miroir. Cette externalisation de la hot-line est très importante pour
nous, car nous avons souhaité que le programme de fidélisation soit un outil
pour les commerciaux mais, en aucun cas, nous ne voulons qu'ils en aient les
problèmes à gérer... Tous les collaborateurs de FedEx connaissent le numéro de
téléphone de la hot-line et ils renvoient systématiquement les clients sur ce
numéro.
Comment avez-vous impliqué l'interne ?
Nous
avons mené une très grande campagne de sensibilisation en interne. C'est la clé
du succès du programme de fidélisation. S'il n'est pas relayé en interne, il ne
peut réussir...
Biographie
Agé de 34 ans, Jean-Christophe Damond est ingénieur agronome. Il débute en 1989 en tant que responsable des ventes Etats-Unis de plusieurs PME dans le secteur du machinisme agricole, puis rejoint Saint-Gobain en 1990 comme chef de produits dans la branche matériaux de construction. En 1994, il reprend ses études pour effectuer un MBA à l'ISA (Institut supérieur des affaires). Début 1996, il intègre FedEx comme spécialiste marketing pour la France et l'Espagne. Depuis le début de l'année 1998, il est marketing manager pour la France, l'Espagne et le Portugal.
FedEx dans le monde
150 000 collaborateurs CA : 14 milliards de dollars pour l'exercice fiscal s'achevant au 31 mai 1999. Plus de 3 millions de colis expédiés chaque jour vers 210 pays. Flotte de 648 avions, 42 500 véhicules. 46 centres d'appels qui traitent 500 000 appels par jour.