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Fidélisation & rentabilité : quels clients faut-il recruter ?

La question de la rentabilité des programmes de fidélité est posée. Trop souvent, ces derniers sont lancés sans que cet aspect soit suffisamment abordé. Pourtant, des méthodes de mesure existent.

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“Marionnaud sommé de provisionner le coût réel de la fidélisation”. Ce titre, paru sur trois colonnes dans Le Nouvel Economiste du 2 décembre 2004, sonne comme un coup de tonnerre. Pour la première fois, une société est obligée de reporter la publication de ses résultats, en partie à cause de l'impact de son programme de fidélité sur ses comptes. Mis en cause : les bons de réduction et les avantages clients de son programme. La question est désormais posée : à quel moment doit-on prendre en compte, d'un point de vue comptable, les avantages et les réductions ? Au moment où l'ensemble des points acquis par le client donne lieu à une dépense par le commerçant ? Ou alors, au moment où le client acquiert ses points, au prorata de la dépense future ? Reste que, pour le Conseil national de la comptabilité, les points de fidélité accumulés doivent désormais être provisionnés comme une charge et non plus, comme autrefois, traités comme du “hors-bilan”. Le problème ne date pas d'hier, et l'on sait, par exemple, que si tous les miles accumulés dans les programmes de fidélisation des compagnies aériennes américaines étaient utilisés, leurs avions voleraient gratuitement pendant une année.

Les consommateurs attendent


La question de la rentabilité des programmes de fidélité est posée, même si, en grande distribution notamment, aucune enseigne ne peut se passer d'un programme de fidélité, certaines ayant même dépassé le taux de 50 % de leur chiffre d'affaires réalisé avec des clients fidélisés. Pour Jacques Ehny, directeur du pôle conseil de Cartaix, « les programmes de fidélisation sont une réalité incontournable. Les consommateurs les attendent, mais on doit se poser la question de leur positionnement par rapport au mix marketing. La grande distribution, par exemple, recrute trop souvent en dehors de sa zone de chalandise. Est-ce sain ? » Thierry Vallaud, directeur Etudes & Analyses d'arvato business intelligence, a conçu il y a une dizaine d'années un modèle, Objectif Fidélisation, destiné à déterminer la rentabilité des programmes de fidélisation. Ce modèle part du principe que le but d'un programme est de se concentrer sur les clients les plus rentables et de les développer. En grande distribution, il est reconnu, notamment par des études TNS Secodip, que 36 % des clients d'un hypermarché génèrent 78 % du chiffre d'affaires. La méthode propose de segmenter les clients du programme en Petits, Moyens et Gros clients (PMG). L'étude a prouvé que, par adhésion volontaire, on peut capter 30 % des Gros clients d'une marque dans un programme de fidélisation et que ce taux peut atteindre 50 % si l'annonceur possède son propre réseau de distribution. Il est très difficile d'aller au-delà de 30 % sans impacter gravement les coûts de recrutement, car le 1 % suivant sort de la cible. C'est à partir de ce taux que la fidélisation devient plus chère et moins efficace. 30 % est donc un seuil maximal. Et Thierry Vallaud de préciser : « 30 %, c'est aussi le pourcentage maximal de personnes qui, dans les marchés de masse, permet d'avoir un effet suffisant sur les ventes incrémentales pour amortir le programme. »

50 % de gros clients Le modèle a également déterminé


qu'il faut que la base de données soit composée de 50 % de Gros clients cible pour atteindre la rentabilité. Paradoxalement, on s'aperçoit que les clients les plus rentables sont aussi les plus élastiques à l'achat. En effet, on a pu vérifier que les meilleurs clients d'une marque, tant en volume qu'en chiffre d'affaires, réalisent en moyenne plus de 50 % de leurs achats à la concurrence. Pour obtenir ce taux, il faut appliquer des règles de gestion, se concentrer sur les sources permettant de recruter des Gros clients. De plus, il est difficile de supprimer, dès le lancement du programme, les clients hors-cible, qui ont cependant manifesté leur intérêt par adhésion volontaire, car cela risquerait d'engendrer un sentiment de frustration. Rien n'est simple ! En revanche, en-deçà de ce minimum de 50 % d'individus dans la cible, le programme n'aura pas suffisamment d'actifs. La seule solution pour atteindre ce taux : éliminer les inactifs, qui en général ne sont pas de Gros clients. Le taux de Gros clients est directement corrélé à l'achat, c'est un objectif indispensable pour atteindre la rentabilité. En définitive, selon Thierry Vallaud, certains programmes de fidélisation ne sont pas rentables pour cinq raisons : ils ne touchent pas leur cible ; ils ne la touchent pas en nombre suffisant ; trop peu de gens inscrits dans le programme réagissent ; les coûts comparés aux gains escomptés sont mal définis ou mal pilotés ; la durée de captation et de retour sur investissement est sous-estimée. On oublie trop souvent ce simple constat : la fidélisation n'est rentable que si l'investissement sur le client est rentabilisé par sa surconsommation.

La Carte U, un programme rentabilisé en trois ans


Lancée en 1996 et généralisée en 1997 aux 798 magasins Hyper, Super et Marché U, la Carte U est maintenant possédée par 4 millions de clients de l'enseigne, ceux-ci générant 70 % de son chiffre d'affaires. Le principe de fonctionnement de cette carte, gratuite et valable deux ans, repose sur des points ; un point étant accordé par tranche de trois euros. Le programme est animé par des mailings mensuels contenant des carnets de coupons. La base de données marketing repose sur une segmentation RFM classique et la communication avec les porteurs se fait en fonction de l'activité de la carte. Les fournisseurs payent les points accordés, d'une part parce que la carte impacte fortement les ventes, mais aussi parce que Système U leur transmet la typologie des acheteurs : CSP, âge, nombre de personnes au foyer, etc. Ces informations, cependant, ne sont pas nominatives et Système U ne loue pas son fichier. Résultat, le programme a été rentabilisé en trois ans. Marc Tolani, responsable fidélisation de l'enseigne, souligne que les points peuvent être convertis, dans n'importe quel magasin de l'enseigne, en bons d'achats, cadeaux ou chèques cadeaux. « Ce que recherche le groupement, c'est une fidélité à l'enseigne, pas au magasin », indique-t-il. Une démarche plutôt originale pour un groupement d'indépendants.

Olivier brusset

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