Est-il possible de personnaliser ses offres commerciales ?
Aujourd'hui, connaître son client est devenu une priorité pour toute entreprise. Entrepôts de données, approche statistique, logiciel de géomarketing, data mining ou encore datawarehouse vont permettre d'affiner les besoins du client, d'anticiper ses demandes. Et permettre ainsi de lui adresser des offres commerciales répondant à ses besoins, de personnaliser les pages HTML d'un site internet... Or, s'il n'existe pas encore, à ce jour, de dispositions spécifiques visant à encadrer les techniques de personnalisation, de nombreuses dispositions, issues tant du droit de la consommation ou de la concurrence que de la loi Informatique, Fichiers et Libertés, s'appliquent.
LE RESPECT DE LA FINALITÉ DES TRAITEMENTS
L'utilisation de telles techniques nécessite de respecter les principes mêmes
de la loi Informatique, Fichiers et Libertés. En effet, le recours à ces
techniques de personnalisation doit se faire conformément à la finalité
précisée lors de la déclaration de la mise en oeuvre auprès de la Cnil.
L'utilisation des informations, à d'autres fins que celles déclarées à la Cnil,
constitue en effet un détournement susceptible d'être pénalement sanctionné
d'une peine d'emprisonnement de 5 ans et d'une amende de 2 millions de francs.
En outre, les données collectées ou résultant du croisement des différents
traitements utilisés ne peuvent être excessives, non pertinentes eu égard au
traitement envisagé. La finalité est en effet un des éléments essentiels de la
déclaration, mais également des modalités pour savoir si des données peuvent
être collectées ou non. Elle s'entend de l'objectif pour lequel l'information a
été collectée. La responsabilité pénale de ce délit incombe, au sens le plus
large, à toute personne physique, ayant détourné un traitement d'informations
nominatives de ces finalités et ce, quels que soient ses liens, hiérarchiques
et fonctionnels, avec le titulaire du fichier ou son éventuel sous-traitant.
D'ores et déjà, en France, les tribunaux ont sanctionné une entreprise pour
avoir utilisé le fichier informatique d'un établissement bancaire, pour l'envoi
de publicités, alors même que la déclaration initiale dudit fichier ne
permettait pas la diffusion de telles publicités. Or, dans le cadre des
opérations de personnalisation, le fait de s'appuyer sur différents fichiers de
l'entreprise, pour affiner les offres et mettre en place des opérations
promotionnelles, est susceptible de heurter ce principe même de finalité.
LES PRISES DE DÉCISION
Une seconde limite à
l'utilisation des méthodes permettant la personnalisation des offres relève de
l'article 2 de la loi du 6 janvier 1978, selon lequel les informations fournies
par un système d'aide à la décision ne doivent pas être les seules à prendre en
compte lors d'une prise de décision. S'agissant des décisions administratives
ou privées, aucune décision permettant de porter une appréciation sur le
comportement humain ne doit avoir pour seul fondement un traitement automatisé
d'informations nominatives. En outre, l'utilisation de ces méthodes de
personnalisation ne doit pas heurter les droits des prospects, tels que
traditionnellement définis dans la loi Informatique, Fichiers et Libertés. De
ce fait, l'utilisation de ces logiciels ne doit pas permettre de faire
apparaître des informations dont la collecte est interdite ou qui seraient
complètement étrangères aux activités de l'entreprise, notamment dans la mesure
où ces informations concerneraient des éléments de la vie privée. Enfin, les
prospects bénéficieraient du droit d'accès puisque les personnes concernées
devraient pouvoir avoir connaissance des mentions relatives aux opérations de
tri et de sélection qui figuraient dans le fichier en cause et en obtenir la
signification, et ce, "sans qu'il y ait lieu de rechercher si des décisions ou
des résultats auraient été apposés sur la base de ces informations".
LES OPÉRATIONS COMMERCIALES
Mais la plus grande
incertitude, liée à la mise en place des opérations de personnalisation,
résulte des principales dispositions issues tant du droit de la consommation
que du droit de la concurrence. En effet, le fait de réser- ver des offres à
certains clients est susceptible de heurter les principes même issues de notre
droit. S'agissant des consommateurs, une différen-ciation qui résulterait
d'éléments concernant la race, la religion ou bien encore le sexe, pourrait
entraîner l'application de sanctions pénales, puisqu'il est interdit de
différencier en fonction de tels critères. De la même manière, la mise en place
de ces opérations devra respecter les dispositions du Code de la consommation
et, plus particulièrement, les dispositions afférentes aux opérations de
réduction, aux offres de cadeaux... (1) Les opérations destinées aux
professionnels, en B to B, doivent faire l'objet d'une atten- tion
particulière. L'ordonnance du 1er décembre 1986 limite en effet la mise en
oeuvre des offres différenciées en fonction des professionnels qui, même si
elle n'interdit plus les offres discriminatoires, encadre strictement les
offres spécifiques. Ce principe, en outre, a pour corollaire le fait que tout
producteur, prestataire de services, grossiste ou importateur est tenu de
communiquer à tout acheteur de produits qui en fait la demande ses barèmes de
prix ou ses conditions de vente. En effet, la communication de ces conditions
générales de vente permet notamment aux professionnels susceptibles d'être
victimes de pratiques commerciales discriminatoires de s'assurer qu'ils ne font
pas l'objet de traitements différents de celui réservé à leur concurrents. Dès
lors, la différenciation entre professionnels effectuée par des techniques de
personnalisation est susceptible de révéler des pratiques contraires au devant
de la concurrence. Or, le simple fait d'offrir un tarif plus intéressant à une
personne acceptant d'acheter un package ou un produit spécifique a révélé des
pratiques anticoncurrentielles. (1) Mémento Guide Alain Bensoussan "Marketing
Direct et le Droit".
En bref
Personnaliser ses offres est une priorité pour toutes les entreprises. Néanmoins, cette priorité ne peut conduire à une méconnaissance du droit. Dès lors, avant toute campagne, encore convient-il d'examiner les modalités selon lesquelles la personnalisation sera menée et la campagne de marketing proposée : - étudier la finalité permettant d'assurer la personnalisation et la finalité en résultant, - effectuer une déclaration auprès de la Cnil ou vérifier ses déclarations, - examiner la faisabilité des offres eu égard à leurs destinataires et eu égard à l'offre elle-même...