EcoFolio : quelles incidences pour l'ISA ?
L'éco-organisme de la filière papier est enfin né, obligeant les habitués de l'ISA à prévoir dès maintenant une optimisation de leur futur budget marketing. Parallèlement, il serait déjà question d'augmenter le montant de la contribution et d'assujettir le mailing adressé.
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La présentation d'EcoFolio, nouvel éco-organisme de la filière papier, a
permis de cadrer ce qui se préparait depuis plus d'un an. Calqué sur celui
d'Eco-Emballages, son fonctionnement est décrit par la loi L541-10-1 du code de
l'environnement, révisée en mars et en décembre 2006. EcoFolio est une société
privée, détenue par un actionnariat industriel (33 associés fondateurs) et
gérée par un conseil d'administration représentatif des entreprises qui
choisiront d'adhérer volontairement à l'organisme. Agréée depuis le 23 janvier
dernier par trois ministères (Environnement, Industrie et Collectivités
locales), EcoFolio a deux missions : collecter les contributions auprès de ses
adhérents, puis redistribuer les fonds auprès des communes, en favorisant
celles qui recyclent leurs déchets papier. Les entreprises concernées par ce
dispositif sont les donneurs d'ordres de campagnes non adressées (grande
consommation et distributeurs), les éditeurs de presse gratuite et d'annuaires.
Ces assujettis peuvent soit adhérer à EcoFolio, soit se soumettre à la TGAP
(taxe générale sur les activités polluantes), d'un montant de 900 € par tonne.
« Celle-ci doit inciter les assujettis à adhérer volontairement », explique
Frédéric Aurand, président de la Comareg Paru- Vendu et président du conseil
d'administration d'EcoFolio. La contribution volontaire s'élève à 35 €/tonne,
un coût raisonnable et cohérent, selon la grande majorité. Conforme aux besoins
des collectivités, elle pourrait toutefois varier sans pour autant atteindre le
prix de la TGAP. Des rumeurs insistent déjà sur sa forte revalorisation. « Une
explosion du montant de l'éco-contribution correspondrait alors à une taxation
pure et simple de l'émission de prospectus et n'aurait aucune signification
économique », estime Laurent Francony, responsable qualité à la centrale
nationale de Système U. Au-delà de l'aspect financier, le grand combat
d'EcoFolio sera de communiquer sur la “responsabilité élargie du producteur” en
incitant les segments de la filière papier non concernés à participer. Car, sur
les 3,6 millions de tonnes de déchets papier générés en France en 2006 (étude
Ademe), seulement 28 % sont concernés par ce dispositif (pour un potentiel de
contribution volontaire de 35 M€). Les 72 % restants (adressé, bureautique,
presse d'information, livres) sont exonérés, même si des discussions seraient
en cours sur l'élargissement de l'éco-contribution, notamment pour les
émetteurs de courriers adressés.
Pourquoi un élargissement ?
Les partisans avancent plusieurs arguments. D'abord, le développement du nombre d'adhérents éviterait l'augmentation de la contribution. D'autre part, certains contributeurs seraient victimes d'une concurrence déséquilibrée (comme les VADistes et les distributeurs, la presse gratuite d'annonces et la presse payante). « L'élargissement serait une marque de bon sens. Il est important que l'ensemble de la filière papier se sente responsable », soutient Benoît Vermesch, directeur marketing chez Boulanger, actionnaire fondateur d'EcoFolio. Les professionnels de l'adressé considèrent, quant à eux, qu'une taxe supplémentaire accélérerait l'abandon du papier en faveur de l'e-mailing. Les 3 Suisses produisent plusieurs dizaines de milliers de tonnes de papier par an (catalogues et mailings adressés). « Si l'élargissement a lieu, cela amènera le groupe à déplacer quelques curseurs », confirme Remy Souchon, chargé de mission développement durable chez le VADiste. Spectatrices non objectives de ce bras de fer, les collectivités locales ne seraient pas désintéressées par un élargissement des reversements, tandis que les pouvoirs publics, actuellement sensibilisés par les problématiques écologiques, pourraient accélérer l'adoption de cet élargissement. Pour 2007, les budgets publicitaires des annonceurs et distributeurs sont bouclés et la contribution 2006, payable à la rentrée prochaine, ne concernera que trois mois d'activité. Donc, aucun indicateur n'est encore disponible sur l'impact potentiel de la mise en place de l'éco-contribution sur le marché des ISA. Ces professionnels estiment également que le prix de la contribution, rapporté à un prospectus, n'est pas significatif : le poids moyen d'un ISA atteint 40 g, soit un montant additionnel unitaire de 0,0014 €. Un coût noyé par deux autres facteurs sûrement plus importants, selon Christophe Watel, Dga de l'agence Feedback : « L'ouverture des espaces publicitaires télévisés à la grande distribution et la mise en place en 2006 de la convention collective des distributeurs de prospectus ». L'éco-taxe serait donc le moindre mal.
Indispensable prospectus
L'avis est unanime : personne ne s'attend, avant 2008, à un réel abandon de la PNA. « Le document publicitaire est notre principal média de communication, nous en avons distribué 390 millions d'exemplaires en France en 2006. Les coûts liés à leur recyclage ne sont pas à négliger dans l'équilibre de notre budget marketing », confie Olivier Rigaudy, directeur financier de Conforama, qui diffuse chaque année 20 000 tonnes de papier. Certains distributeurs absorberont cette contribution de différentes manières : optimisation de la fabrication, meilleur ciblage, diminution du grammage ou baisse du nombre de campagnes. Indispensable, l'ISA n'est pourtant pas à l'abri d'une défection si l'augmentation de la contribution est trop forte. « A 35 € la tonne, l'impact atteint déjà plusieurs centaines de milliers d'euros à absorber. Au-delà d'un certain seuil, il sera nécessaire d'arbitrer », conclut le directeur marketing de Boulanger.
Réactions
Françoise Renaud, directrice du marketing relationnel et des nouvelles technologies à l'UDA
L'entrée en vigueur de l'écocontribution va avoir un impact certain sur la stratégie de PNA des distributeurs, car le coût intrinsèque de l'ISA va augmenter. Cependant, l'imprimé sans adresse a encore de beaux jours devant lui. La distribution n'est pas prête à se passer d'un média aussi précieux. Il n'y aura donc selon moi pas vraiment de gros bouleversements mais plutôt des réallocations. Il se peut que certains distributeurs choisissent de réduire la fréquence de leurs campagnes d'ISA ou de faire des prospectus plus légers voire encore de retravailler leurs zones de chalandises pour les réduire et mieux les cibler. Il n'est pas exclu non plus qu'un certain nombre d'entre eux envisagent également de se mettre à faire du mailing adressé et de jouer également la complémentarité des canaux notamment grâce à l'essor des catalogues en ligne notamment. Propos recueillis par Isabelle Sallard
Yan Claeyssen, directeur général de l'agence ETO
Au niveau des agences, nous commençons à sensibiliser nos clients à l'éco-contribution et aux différentes problématiques liées au développement durable. Aujourd'hui, les effets sur la stratégie “prospectus” des entreprises ne sont pas encore visibles car la mise en place d'EcoFolio est encore très récente. Certains annonceurs s'interrogent bien sûr quant à une éventuelle répartition de leur budget de communication. Deux réactions sont envisagées. D'abord, ceux pour qui le prospectus est indispensable à leur visibilité locale tendront, dans un premier temps, vers une optimisation des campagnes, à l'aide notamment du géomarketing. Pour les autres, un transfert entre le non-adressé et l'adressé est à l'étude, sauf si le courrier nominatif est lui aussi assujetti. Toutefois, l'ISA est ancré dans les habitudes des consommateurs français. Changer prendra du temps. Propos recueillis par Samir Azzemou