De l'annonce presse télévision au street marketing
Définition stricte du médiaplanning…
Pour Pierre
Gaymard, directeur commercial, chez Initiative Paris (ex-InitiativeMedia), le
médiaplanning se définit d'abord comme « le conseil en investissement quant aux
moyens de communication ». Ce qui demande une parfaite connaissance des
supports médias, et en particulier de la presse alors que ce secteur ne cesse
d'évoluer. Cette définition, stricte, s'applique, par exemple, aux annonces
presse des vépécistes. Dans ce cas, l'élément déterminant reste le sacro-saint
GRP (Gross Rating Point), cet indice qui permet de calculer l'impact d'une
annonce en fonction du média utilisé. Le coût au contact justifie alors toute
l'architecture de la campagne. En presse TV, par exemple, on l'estime entre 8
et 10 euros pour mille exemplaires diffusés. Son taux de retour moyen, de 1
pour 1000, la situe dans le peloton de tête des meilleurs rendements. En
période de crise, comme c'est, semble-t-il, le cas aujourd'hui, les annonceurs
se recentrent sur les bons vieux fondamentaux. La presse, en particulier TV,
qui possède une large diffusion, conserve tout son intérêt. « Chaque support de
presse possède sa propre politique tarifaire, contrairement au mailing où l'on
achète des fichiers de manière globale, avec un prix identique pour chaque
adresse. En presse, la logique n'est pas la même. Du coup, on peut avoir un
taux de retour de seulement 0,5 % et le considérer comme excessivement
rentable. Ou, au contraire, 2 % de remontées mais avec un investissement
initial trop lourd pour rentabiliser… », affirme Thierry Waÿ, directeur général
de Tremä. Au-delà, tout ce qui concerne les médias off line (TV, radio,
affichage …) est très prisé. La radio restant, toutefois, envers et contre tout
un média d'expérimentation. Viennent, ensuite, et outre le mailing, les
imprimés sans adresse (ISA), l'asile colis,… Le “on line” (bannières
publicitaires ou e-mailings) n'étant, lui, pas encore valorisé à sa juste
mesure. Même s'il existe, aujourd'hui, des moyens pour mieux vérifier
l'efficacité des campagnes en ligne.
Presse : un risque de saturation
Reste le risque de saturer un marché, somme toute,
assez étroit. A force de passer et repasser les mêmes annonces dans les mêmes
journaux, s'enclenche un phénomène de « cannibalisation », comme se plaît à le
définir Thierry Waÿ, source d'appauvrissement et de ghettoïsation pour le
marketing direct. L'explication ? « La folie des taux », ainsi que le dénonce
Laurent Alexandre, directeur général de MPG Direct. Car le problème, c'est que
trop souvent les médiaplanneurs n'ont d'autre but que de trouver le coût au
contact le plus bas pour leurs annonceurs. « On se retrouve dans le cercle
vicieux de la négociation. L'unique préconisation vis-à-vis des annonceurs,
c'est de leur assurer un prix plancher sur une annonce », ajoute Laurent
Alexandre. Or, selon lui, on arrive aujourd'hui aux limites d'un système
hérité, en bonne partie, des exigences des vépécistes traditionnels. « L'achat
d'espace en presse se mesure toujours par rapport aux autres canaux. On
détermine un coût à l'adresse. Si ce point d'équilibre n'est pas atteint, on
rebascule très vite vers un autre, l'asile-colis par exemple », fait ainsi
valoir Thierry Waÿ. En matière de médias, deux tendances apparaissent. D'abord,
l'intérêt d'un nouveau secteur pour l'annonce MD : les sociétés de
téléchargement de logos et de sonneries téléphoniques envahissent la presse TV
et les magazines jeunes pour se faire connaître. Mais cette nouvelle
thématique, très - voire trop - présente depuis une année environ pourrait
n'être qu'éphémère. C'est, du moins, l'opinion de Pierre Gaymard qui suppute
déjà « un phénomène d'usure sur ce segment, d'autant que les constructeurs de
téléphone mobile, tels Nokia ou Alcatel, commencent à proposer ce service dans
leurs forfaits abonnés ». L'autre tendance, c'est la réapparition du “one
shot”, ces opérations qui tablent sur la vente de produits en direct, sans
passer par l'envoi d'un catalogue, par exemple. « Tant qu'ils y gagnent, ils
jouent », résume à sa façon Thierry Waÿ. Et l'arrivée de nouvelles sociétés,
dans le secteur de l'assurance ou de la banque en ligne, par exemple, a donné
un coup de fouet à une profession qui « ronronnait un peu », dixit Laurent
Alexandre.
Faire de l'audience réactive
Les exigences
de ces nouveaux entrants se traduisent par la recherche de clients sur le long
terme. Il ne s'agit pas, alors, pour eux de rentabilité en termes de
coût/contact, comme auparavant, mais plutôt en termes de volumes réalisés. « Je
crois qu'il faut revenir à plus de vertu. Il faut respecter les gens avec qui
l'on traite, qu'il s'agisse des régies publicitaires ou des supports de presse.
A un moment, cette logique exclusive du coût/contact se retourne contre nous.
Cela peut encore être valable si vous travaillez dans la masse. Mais
aujourd'hui, avec les techniques de segmentation et de ciblage, cela n'a plus
autant de raisons d'être », estime Laurent Alexandre. Sa réponse ? Ce qu'il
appelle « l'audience réactive ». Pour le directeur général de MPG Direct, pour
des campagnes qui, de plus en plus, ont pour double - et parfois contradictoire
- objectif de renforcer la notoriété de l'annonceur en même temps que de
recruter des prospects, s'acharner à obtenir les plus bas tarifs ne peut
suffire. « Je préfère juger de l'atteignabilité du résultat plutôt que de
réaliser des prévisions sur les taux de retour. » Mais le MD - ou plus
exactement certains secteurs de VPC - souffre encore d'une mauvaise image de
marque. Ce qui explique pourquoi certains supports soit refusent toute parution
d'annonces MD, soit leur réservent seulement certains de leurs emplacements.
Thierry Waÿ est même persuadé que la presse cantonne les annonces VPC à une
niche, de peur de perdre, en leur ouvrant ses portes, son image auprès des
autres grands annonceurs : « Je suis intimement persuadé que chaque support de
presse est en soi un véhicule possible pour le marketing direct. Pourtant,
certains magazines ferment leurs portes aux annonces VPC. “Une opération VPC
dans mes pages ? Quelle horreur ! Ça risque de faire fuir d'autres annonceurs
qui ne voudront pas s'y retrouver associés.” Du coup, ils pratiquent des prix
exorbitants, interdisant toute rentabilité aux opérations de marketing direct.
» Sous couvert d'anonymat, un autre spécialiste du médiaplanning avoue
comprendre les régies publicitaires. « Vous imaginez une pub L'Oréal, avec
Laetitia Casta en ambassadrice de la marque, et, à côté, une annonce pour un
“panty” révolutionnaire avec impulsions électriques pour retrouver un ventre
plat et ferme ? Cela le ne fait pas vraiment… »
Des médias alternatifs difficiles à appréhender
S'il est au moins une chose
sur laquelle tout le monde s'accorde, c'est l'explosion des supports possibles.
Les médias alternatifs ont toujours existé. Mais ils n'étaient, en fait,
utilisés que par des marques de moindre importance, dont souvent les budgets
publicitaires ne leur permettaient pas de jouer la carte des grands médias,
télévision en tête. Aujourd'hui, ce sont des entreprises comme Orange, Nike ou
Renault qui les intègrent dans leur plan en tant que vecteurs de proximité.
Bien sûr, il ne s'agit pas d'assurer une campagne par ces seuls intermédiaires.
Tout se joue sur la complémentarité. Même une présence renforcée dans les
grands médias, n'a, à elle seule, aucun sens. L'idée alors, c'est de tenter de
se singulariser grâce à la création d'un message original produit depuis un
“lieu” inattendu. « On est encore dans une phase d'expérimentation. Mais les
marques savent au moins que la puissance n'est plus le seul élément d'une
campagne », fait valoir Pierre Désangles, directeur général de l'agence Rapp
Collins. Du coup, se pose la question de la performance de ces nouveaux
supports comme le “street marketing”. Et ce, avec d'autant plus d'acuité qu'il
n'existe pas, pour beaucoup d'entre eux, de coût/contact valable. « La
quantification des performances des médias alternatifs est encore en chantier.
On connaît très bien les mécanismes de rationalisation sur les médias
traditionnels ; mais on a peu d'éléments, en revanche, sur les médias
alternatifs », reprend Pierre Désangles. Pour lui, la puissance des médias
classiques s'associe à merveille avec la notion d'affinité et de sélection au
cœur de ces supports à l'audience restreinte. Pas d'opposition. Plutôt une
vision globale. « Arroser large avec un grand média ? Pourquoi pas. Mais, en
même temps, quelle est la cible ? Parce que, plus l'audience d'un média est
importante, moins on sait, avec précision, à quel profil de consommateurs on
s'adresse. Envisager une communication sur une chaîne satellite ? Non
seulement, le prix est nettement moins prohibitif mais, en plus, l'audience est
plus ciblée, moins susceptible d'être sollicitée en permanence. Il y a, dans ce
cas, une plus forte affinité possible », avance Thierry Brûlé, directeur
associé de l'agence Publicis Dialog.
De nouvelles attentes
La mise en œuvre du plan médias gagne en profondeur. Et,
sans doute, du même coup, en difficulté. Force est de constater la saturation
de l'espace publicitaire disponible. Ce problème est flagrant en ce qui
concerne l'achat d'espaces en télévision. Traditionnellement réservés à la
diffusion de spots de marketing direct, les emplacements de fin de matinée ou
de l'après-midi s'achètent quasiment trois mois à l'avance. « Les annonceurs
marketing direct préfèrent, aujourd'hui, payer plus cher mais être sûrs
d'obtenir le créneau horaire souhaité pour diffuser leurs spots », avance
Guillaume Astruc, directeur commercial et marketing chez Francetélévisions
Publicité. Crise pour les uns, saturation du marché pour les autres, les enjeux
du médiaplanning s'inscrivent dans un contexte de tension. Une tension qui
traduit vraisemblablement aussi de nouvelles attentes de la part des
annonceurs. Ces derniers souhaitant, de plus en plus, voir associées à leurs
campagnes de notoriété et d'image, des opérations de recrutement.