Créer de la valeur pour fidéliser vraiment
«Pourquoi tant de clients nous quittent-ils sous prétexte qu'ils sont insatisfaits?» Cette question, qui revient régulièrement dans la bouche de certains dirigeants, traduit une étonnante naïveté et peut même, parfois, donner envie de sourire... Les marques considèrent encore qu'un client est acquis pour la vie, comme si la seule qualité des produits suffisait à les fidéliser à jamais. Malgré les avancées culturelles importantes sur les thématiques «client» des 20 dernières années, on entend encore quelques aberrations de ce genre. L'exemple des télécoms mobiles, marché qui, par sa rapidité, a toujours été un bon révélateur, voire un accélérateur de tendances, devrait faire réfléchir. Pendant 10 ans, les opérateurs ont, d'abord et à juste titre, donné la priorité à la conquête et à la distribution, avant de se focaliser sur les clients, puis sur les clients à valeur. Ensuite, et jusqu'à l'arrivée des smartphones, ce fut la chasse au revenu maximum par client avec une vision dominante: le service était «le» relais de croissance. Les opérateurs ont donc développé leurs gammes de services, souvent incompatibles avec celles proposées par leurs homologues. Avec les applications, Apple a révolutionné la donne, reprenant au passage le lien client grâce à la facturation directe sur iTunes. Aujourd'hui, l'arrivée prochaine de Free sur ce marché réduit la marge de manoeuvre. La priorité va, à coup sûr, devenir la fidélisation. On peut même parler de «sécurisation» des clients. Comment interpréter autrement les récentes campagnes de pub de Bouygues Telecom et de SFR, construites sur des concepts créatifs similaires qui mettent en avant les personnels en charge du service client, pour montrer que «c'est chez nous, Monsieur le client, que vous êtes le mieux traité». Les mêmes analyses ont conduit au même résultat. Il n'y a plus qu'une chose à faire: réinventer la fidélisation, produire de l'attachement à la marque, générer le maximum de fans!
Comment réussir ce virage quand on sort de 15 ans de politique relativement cynique, cherchant à la fois le profit à court terme et la «volonté» d'engager les clients? La perception des consommateurs face à ces politiques est sans concession. La solution passe par une rupture avec le raisonnement qui a prévalu jusqu'ici: ce n'est pas parce que le client est là qu'il est fidèle, mais le contraire. Il va falloir recréer de la valeur pour le client final. Certes, on peut être fidèle par inertie ou par contrainte. Cependant, la vraie fidélité, celle qui génère du bouche-à-oreille positif, n'est possible que si la marque apporte suffisamment de valeur sans contrepartie. C'est ce qu'on appelle la bienveillance. Augmenter les prix sans apporter de valeur additionnelle ne peut être durablement accepté par le client. A l'inverse, améliorer le niveau du service, l'ergonomie ou l'expérience client au sens large permet de justifier le prix à court terme et de créer un attachement réel à la marque à long terme. Prenons l'exemple de Canal +. C'est l'offre de télévision payante la plus chère du marché. Pourtant, ses résultats n'ont jamais été aussi bons, notamment en matière de fidélisation. C'est certainement dû à une politique de création de valeur exigeante au niveau des programmes, d'une part, mais aussi grâce à des évolutions très positives concernant l'usage des programmes, d'autre part: un vrai bouquet de chaînes, la possibilité de regarder les programmes quand on le souhaite grâce à Canal + à la demande, ou un prolongement possible sur Canalplus.fr, le tout soutenu par une amélioration significative de ses services clients. Si la création de valeur est réelle, il n'est plus besoin de vendre son offre à outrance. Le marketing direct classique peut alors se muer en marketing relationnel de valorisation de l'offre et des services proposés. A contrario, en l'absence de valeur perçue, le consommateur continuera à monnayer de plus en plus sa fidélité. Ainsi, il n'y a pas de succès durable pour l'entreprise sans apport de valeur permanent pour le client. Sans doute une piste à travailler par tous ceux qui veulent regagner des points de satisfaction, d'intention de fidélité, et encore mieux de recommandation. Il n'est pas trop tard...
@ Guillaume Murat
XAVIER DUCURTIL
est directeur associé chez Vertone, cabinet de conseil en stratégie marketing et relation client. Créé en 1999, Vertone possède trois domaines de compétences: le conseil en stratégie marketing, l'exploitation du mix marketing et d'opérations.