Couplages : l'e-mail prend du galon
Les professionnels du secteur font le même constat : les opérations de couplage d'adresses tardent à décoller. Toutefois, la mécanique pourrait rapidement se développer en raison de la mise à disposition croissante de bases de données enrichies de numéros de téléphone portable ou d'adresses e-mails. L'e-mail, justement, intéresse de plus en plus les annonceurs, qui y voient un excellent canal de recrutement et fidélisation de nouveaux clients.
«Le couplage pur, c'est lorsqu'un seul et unique interlocuteur reçoit, dans
une courte période, une même offre par plusieurs canaux. » Voilà comment le
définit Edouard Simon, directeur associé de Worldlist. A ne pas confondre avec
des opérations multicanal classiques. Y a-t-il un “couple” idéal ? L'adresse
postale et le téléphone fixe ? L'e-mail et le téléphone mobile ? Comme dans la
vie, il n'y a pas de règles établies. On peut même imaginer une association
triple du type adresse postale, SMS et e-mail! Si la majorité des annonceurs
n'ont pas encore le recul nécessaire pour trouver l'association la plus
efficace, il est clair que l'e-mail apparaît déjà comme un partenaire idéal,
tant en B to B qu'en B to C. Malgré l'arrivée de la Loi sur la confiance dans
l'économie numérique (LCEN), qui impose l'agrément du destinataire à toute
communication préalable on line, l'e-mail continue sa progression et les bases
de données offrent de plus en plus d'adresses opt-in. Il faut dire que ses
atouts sont nombreux : statistiques poussées, interactivité, rapidité, coût
plus faible...
E-mail et teléphone
Ce couplage se
développe beaucoup en B to B, l'e-mail remplaçant peu à peu le fax. « En
général, le téléphone sert de relance car c'est un canal qui coûte cher. L'idée
est de cibler les segments à valeur ajoutée et de les contacter », rapporte
Alexandra Papirer, directrice commerciale des Editions Atlas Direct.
Concrètement, l'annonceur envoie une campagne d'e-mailing et isole les
internautes qui ont ouvert le courrier électronique, puis cliqué sur un produit
en particulier. Leur numéro de téléphone est ensuite transmis aux commerciaux.
« Ce couplage est intéressant lors- qu'on travaille sur une petite base. Il
convient d'attendre un ou deux jours après l'envoi de l'e-mail avant
d'appeler», précise Sébastien Lemire, directeur commercial chez E-mailing
Solution. Pour Alain Cornu, Business Data Manager chez Empruntis, «
l'association e-mail puis téléphone est plus efficace que le couplage adresse
postale et téléphone, car seules les personnes qui ont ouvert l'e-mail sont
contactées.» « Ce type de couplage donne des résultats de 20 à 30% supérieurs à
une opération e-mail et téléphone non couplés », précise Alain Cornu.
Postal et e-mail
« Le couplage adresse postale et
e-mail est le plus courant, constate Yan Claeyssen, directeur marketing chez
ETO, et il permet trois combinaisons : e-mail et courrier, courrier puis e-mail
ou bien les deux en même temps.» Avec un couplage de ce type, l'adresse postale
peut servir à déterminer une cible géographique afin d'envoyer un e-mail
personnalisé. Dans ce cas, l'adresse postale est utilisée spécialement pour le
géomarketing. Mais l'opération la plus courante consiste à diffuser une vague
d'e-mailing puis à envoyer un mailing papier à ceux qui ont ouvert et
éventuellement cliqué sur l'e-mail. L'e-mail peut aussi servir à avertir d'un
prochain courrier postal. « Nous l'avons testé pour un acteur de l'humanitaire
et nous avons constaté que ce couplage n'avait pas boosté de façon
significative les retours de mailings », constate Alexandra Papirer. Jérôme
Stioui, P-dg de Directinet, souligne l'importance de l'ordre du couplage : «
L'e-mail de relance donne un canal de réponse et l'e-mail teaser met en avant
le mailing. La relance par e-mail offre par ailleurs la possibilité d'achat en
ligne. » Isabelle Durou, directrice de DPV, constate : « En B to B, le couplage
adresse postale et e-mail représente une vraie valeur. L'envoi d'un courrier
peut être suivi d'une relance e-mail. Le problème de la qualification des
adresses électroniques est relatif en B to B, car quand un collaborateur quitte
l'entreprise, l'e-mail est transféré vers son remplaçant ». Avec la décision de
la Cnil de ne pas exiger d'opt-in pour les e-mails B to B, nul doute que les
couplages e-mail et téléphone ou e-mail et courrier vont se développer. Tout
comme le couplage traditionnel adresse postale et numéro de téléphone fixe.
Dans la plupart des cas, la relance se fait par téléphone.
Et le SMS ?
En B to B, le couplage avec le numéro de téléphone mobile ne
se pratique presque pas, car dans de nombreux cas, c'est le téléphone personnel
qui est utilisé pour les appels professionnels. En B to C, en revanche, le
canal SMS se développe, mais relativement peu en couplage, les bases ne
permettant pas encore de faire des campagnes de masse. « Nous avons une forte
progression depuis le début de l'année 2005 pour du couplage e-mail et SMS afin
de diffuser des offres commerciales », constate Philippe Simonetti, directeur
marketing de Cabestan. Alexandra Papirer s'interroge également : « Si je
collecte 20 000 adresses SMS alors que je dispose de 9 millions d'adresses à
commercialiser, le calcul est rapide. Pour le moment, nous sommes au stade de
la collecte. » Par ailleurs, la LCEN n'est pas très claire concernant le
portable. « Comment stopper l'envoi de SMS commerciaux depuis son téléphone
portable?», s'interroge Philippe Simonetti.
A quand le couplage à trois ?
« On peut imaginer l'association d'un courrier, d'un
premier e-mail puis d'un second de relance », souligne Yan Claeyssen. Hi-Media
Direct a testé cette formule, avec un premier mail annonçant le courrier à
venir, puis un mailing “révélation postale”, et enfin un e-mail pour les
personnes ayant ouvert le premier e-mail. Et pourquoi pas un couplage à trois,
du type adresse postale, e-mailing et téléphone. « Mais, pour envisager de
vraies opérations de couplage en masse, il faut avoir des fichiers très
importants», précise Marianne Bellamy, directrice commerciale chez Hi-Media
Direct.
Avis d'expert.« Adresse : les nouveaux couplages (postal, e-mail, téléphone, fax) ». Par Eric Munz, président de KDP Groupe et vice-président de la commission E-marketing du SNCD.
Les mutations qui s'opèrent actuellement dans l'offre de fichiers sont dues, d'une part, à l'explosion des nouveaux canaux de communication directe (e-mailing, téléphone portable - audio, SMS, MMS), et d'autre part, à l'évolution des comportements qui en découle. Etant donné le développement du taux d'équipement en modems informatiques et en téléphones portables, il est évident que pour des raisons, à la fois de coût (pour le mail), d'accessibilité permanente au consommateur (téléphone nomade), et de possibilité de tracking, dans les deux cas, les annonceurs ont une tendance “naturelle” à s'intéresser de plus en plus à ces modes de communication. Cependant, ces canaux ne peuvent en aucun cas se substituer à leurs “pendants fixes”, à savoir l'adresse postale et le téléphone fixe. Ils permettent simplement, par un ciblage plus précis, soit de conquérir de nouveaux consommateurs ou de toucher, avec un message plus personnalisé, des clients existants. Ainsi, la déclinaison “traditionnelle” d'une campagne en pub TV, mailing postal et relance téléphonique pourra se transformer efficacement en une déclinaison pub internet, e-mailing et relance SMS sur un certain segment de la cible…, mais pas nécessairement ! Selon le type de produits ou de services proposés, la cible visée, le message ou le mécanisme de promotion envisagé, on privilégiera une déclinaison ou un couplage particulier, et on pourra, par exemple, prospecter par mail, transformer avec une promotion par SMS, et fidéliser par l'envoi d'une brochure qualitative par La Poste… ou l'inverse. Ce qui change fondamentalement, c'est tout simplement la multitude des canaux mis à la disposition des annonceurs et leur réactivité (l'inter-réactivité ?). Au final, c'est donc le choix des canaux et leur poids dans le mix qui peut paraître un peu plus complexe pour les annonceurs. Une fois le premier pas franchi, il suffit d'intégrer ces données dans la réflexion marketing “classique” : “quels objectifs, quel budget, quelle(s) cible(s), et en conséquence, quel couplage, ou plutôt quel “mix-canal” (couplage étant aujourd'hui très réducteur) privilégier pour amener le consommateur de la façon la plus naturelle (et bien entendu la plus efficace, rentable et rapide) de la découverte à l'achat, puis à la fidélité ?” Nous n'en sommes qu'aux débuts de cette ®évolution. L'efficacité redoutable de l'e-mailing et du SMS est aujourd'hui reconnue et de plus en plus sollicitée par les annonceurs. Cette efficacité ne va faire que s'accroître au fur et à mesure que la technologie (en support de la création) et l'accessibilité (ADSL, MMS, etc) vont s'améliorer, et que les consommateurs vont s'en emparer pour former des bases de plus en plus riches et qualifiées augmentant ainsi les possibilités de “mix-couplages”. Plus que jamais, il s'agit de répondre à la formule: “être au bon endroit, au bon moment, avec le bon message et la bonne offre”.
Le Crédit Lyonnais teste différents couplages
E-mailing et relance mailing, teasing et mailing, mailing et téléphone, e-mailing et relance téléphone. Le Crédit Lyonnais teste différents couplages depuis près d'un an. « En prospection, le coût de l'adresse e-mail est trop élevé pour une fraîcheur qui n'est pas encore optimale. Et, par rapport à la loi LCEN, nous préférons adopter en prospection une politique d'attentisme pour l'e-mailing », explique Jean-Philippe Noiville, responsable marketing opérationnel du Crédit Lyonnais. Pour pouvoir réaliser de telles opérations, la banque enrichit sa base clients (6 millions de personnes) en collectant les adresses e-mails via des opérations spéciales type jeux-concours avec insertion dans les relevés de compte, mais également par le call center, les agences et les sites Internet (creditlyonnais.com, e.creditlyonnais.fr…). Aujourd'hui, la banque compte 300 000 adresses e-mails dans sa base et souhaiterait idéalement doubler ce chiffre. Quant au numéro de téléphone mobile, les clients le transmettent directement à leurs conseillers en agence. En avril dernier, le Lyonnais a mené une opération de couplage pour un produit d'assurance qui s'articulait de la manière suivante : un e-mailing suivi d'un “web call back” proposant un rendez-vous en ligne avec la possibilité de se faire rappeler par un conseiller. « Le couplage n'est pas une règle en général. Nous le pratiquons lorsqu'il s'agit d'un produit à forte valeur ajoutée », précise Jean-Philippe Noiville.