Communication : développement durable des budgets, une illusion
Les dernières décennies ont été marquées par une augmentation continuelle des budgets de communication des annonceurs, tant et si bien que nombre d'entre nous tiennent pour acquise la poursuite de ce phénomène dans les années qui viennent. Il n'en est rien… Sous peine de la subir, les agences vont devoir organiser la décroissance.
Dans nos économies occidentales,
on assiste à une baisse de rendement prodigieusement brutale des principales disciplines de la communication. En publicité, la corrélation entre la Share Of Voice et les ventes est de plus en plus difficile à établir ; le marketing direct de recrutement plafonne à 1 % ; les actions de promotion des ventes conduites par les marques ont considérablement perdu de leur efficacité ; le caractère intrusif des call centers provoque des réactions de rejet… et la fidélité des consommateurs n'a jamais été aussi basse, en dépit de l'utilisation croissante du CRM et de la multiplication des programmes de fidélisation ! La tristement notoire étude* conduite par la Deutsche Bank aux Etats-Unis enfonce le clou : la publicité TV ne génère un retour sur investissement positif que dans 18 % des cas à court terme, et 45 % à long terme. Les directeurs financiers confirment** : seule une très courte majorité pense que les investissements en communication sont générateurs de croissance à long terme.
Les optimistes béats se rassurent avec les disciplines à la mode,
oubliant qu'elles existent depuis des lustres, sous des appellations vieillottes : c'est ainsi que le street marketing remplace avantageusement l'échantillonnage dans les channel planning forums. Quant aux canaux réellement nouveaux, toute analyse sur le long terme conduit à des conclusions peu ou prou similaires : ils suivent un même cycle en quatre étapes (apparition, développement, maturité, saturation) dont la période est de plus en plus courte.
Les faits sont têtus :
dans nos économies dont les taux de croissance annuelle oscillent entre 0 et 3 %, certaines entreprises font dix fois mieux ; elles s'appellent Zara, Starbucks, Ryannair ou Makeup Artist Cosmétics. Ce sont les “best in class” et elles ont un point commun : la sagesse de n'investir que sur un nombre limité de canaux et d'accomplir ainsi leur bonheur à moindre frais... ou plutôt aux frais de leur concurrents qui poursuivent depuis plusieurs décennies une irréversible augmentation des budgets. Leurs récents succès sont davantage construits sur des innovations liées au produit, à la distribution ou au service, saupoudrés d'une pincée de communication - relations presse, par exemple - que sur la traditionnelle technique du “carpet bombing publicitaire” et son cortège d'actions commandos hors-médias déployées tour à tour face à un consommateur de plus en plus indifférent.
Pour nous, agences de communication,
il va falloir se préparer à organiser la décroissance des budgets, sous peine que d'autres ne s'en chargent… et se chargent de nous. Ils sont consultants en stratégie, directeurs des achats, investisseurs en Private Equity ou analystes financiers et se feront payer très cher par nos clients pour décider à notre place des branches qu'il faut couper, sans même n'avoir jamais rien su faire pousser.
Encore faut-il renoncer une bonne fois pour toutes à l'absurdité de se faire rémunérer au pourcentage de ce que l'on dépense,
développer nos compétences de conseil en s'appuyant davantage sur le “re-use” (développement de méthodologies et d'expertises sans cesse enrichies des conclusions des missions précédentes) et former nos équipes pour faire évoluer nos organisations et nos mentalités. Pour préserver notre croissance, il est urgent, lorsque l'analyse objective nous y conduit - c'est-à-dire de moins en moins rarement - d'envisager la décroissance des budgets qui nous sont confiés. Conseiller plutôt que vendre à tout prix ! n * “Commercial Noise” ; Deutsche Bank ; Andrew Shore ; 2004 ** “Share holder value creation” ; Brand Stategy ; A Mardsen ; 2003