Comment le mobile a-t-il tué le «Web à papa»?
Je me souviens de ce dimanche soir, après le journal de 20 heures. Ca sentait bon le western spaghetti autour de la TV familiale trônant dans le salon. Clint Eastwood était déjà le Bon, TF1 avait 40 % de part de marché, PPDA son journal et la France un PAF monolithique autour de ses trois chaînes nationales. Il suffisait alors d'un «30 secondes» juste avec le film pour asseoir ses convictions et sa marque sur un Gross Rating Point suffisamment important pour réconforter les directions marketing.
Tout ça c'était avant. Avant l'invention du GSM, l'apparition des URLs et des trois w. Même après la naissance d'Internet, il y eu un temps où notre vie digitale était simple, elle aussi. Nous vécûmes heureux, surfant sur Internet via notre guide à tous, Google.
Et puis, il y eu 2008 et son big bang sous la forme anodine d'une pomme, qui fit doucement basculer notre monde digital dans le chaos. En inventant un terminal nomade, Apple, allait projeter médias, marques et commerçants sur un nouvel écran, au moment même où le Web lui-même semblait se lézarder! Fini le temps du navigateur! Les consommateurs accèdent à nos services aussi via des applications, dont le langage diffère selon le terminal! Exit l'écran unique 4/ 3 à l'italienne avec la souris ou le pad! Les services se consomment désormais aussi à la française et avec les doigts! Oublié le sacro-saint nom de domaine! Les marques doivent désormais aller là où sont les consommateurs - oui, oui, sur Facebook - avec, si possible, un vrai contenu et sans trop parler de leurs produits.
Le transfert de l'audience sur mobile et réseaux sociaux est en train de bouleverser notre vie digitale: 35 % des membres de Facebook utilisent déjà la version mobile... Au milieu de cette profusion d'interfaces, de réseaux, d'OS, l'enjeu pour les entreprises est d'accompagner la mutation du Web pour aller chercher les consommateurs là où ils sont.
Il s'agit aujourd'hui, pour le digital, de mettre en place l'infrastructure logistique qui va permettre d'approvisionner de manière quasi instantanée des dizaines de e-points de ventes, de m-shop-inshop, de e-franchises... Cela passe, comme pour le commerce traditionnel, par des entrepôts et des plateformes d'échanges. Dans le monde - anglosaxon - des données digitales on appelle cela des Web services.
C'est à ce prix, ou plutôt à cet acronyme, appelé «Connect», que les entreprises pourront exister simplement, rapidement et à moindre coût sur un PC, un smartphone, une tablette ou une TV connectée ; qu'elles pourront étendre leur présence sur Facebook, sur Twitter ou sur les blogs et toucher des centaines de fans prêts à relayer leurs messages, si tant est qu'ils les jugent pertinents.
Une fois l'infrastructure en place, les entreprises devront offrir à leurs consommateurs des interfaces personnalisées, totalement adaptées à l'écran, au terminal de consultation et à son contexte d'usage: smartphones, tablettes, navigateurs, PC portables, PC fixes, lecteur MP3, TV connectés... Qu'importe l'écran pourvu que l'on offre une expérience optimisée et «sans couture».
Adieu Web monolithique, donc! Fini la monotonie PC - navigateur - Google - www! En pensant globalement leur vie digitale, mais en agissant localement, interface par interface, point de contact par point de contact, les entreprises s'affranchiront ainsi du «Web à papa» et devront repenser leur organisation digitale au-delà du simple diptyque Web/ mobile devenu par la même obsolète.
RENAUD MENERAT
préside UserADgents, qu'il a cofondé en 2008. Spécialisée dans la conception et la promotion d'applications et de sites pour smartphones, cette agence conseil en marketing mobile est financée par HighCo, filiale française du groupe britannique WPP. Renaud Ménerat fut directeur marketing de Hands-on Mobile (éditeur de jeux pour mobile) jusqu'en 2002, puis de Netsize, leader européen du paiement sur mobile, aujourd'hui filiale de Gemalto.