Christophe Bouguereau Aventis
Au cœur de l'actualité en raison de sa fusion avec Sanofi Synthélabo, le leader de l'industrie pharmaceutique en France, avec près d'un médicament vendu sur sept, est un des précurseurs en matière de marketing relationnel. Initiateur de cette démarche, Christophe Bouguereau, directeur de la relation client d'Aventis Proximité, raconte les étapes de cette démarche.
Je m'abonneQuelle est la génèse de votre fonction ?
Je pense
être le premier directeur de la relation client d'Aventis. Il y a encore
quelque temps, ce poste n'existait pas. Avant, on parlait du prescripteur (le
médecin) et du patient, et en aucun cas du client. Aujourd'hui, avec le pouvoir
de substitution, le pharmacien peut délivrer un générique. L'environnement de
l'industrie pharmaceutique a tellement changé que beaucoup de laboratoires se
sont posés et se posent encore des questions.
Ce changement d'environnement vous a incité à vous orienter vers le marketing relationnel…
Dans ce contexte, Aventis a créé un laboratoire
d'expérience, appelé Aventis Proximité, qui a pour but d'aider le médecin
généraliste. Aventis Proximité propose des services à la fois aux médecins, aux
infirmiers, aux pharmaciens et aux patients. L'idée est née, en 2002, face à ce
constat : une grande quantité de produits, que l'on appelle “matures”, ne font
plus l'objet de visites médicales, qui sont, elles, réservées aux produits
innovants. Donc le médecin finit par les oublier. Le laboratoire Aventis a
regroupé tous ces produits “matures” au sein de l'unité BDO (Business
Développement & Opportunités) afin d'en assurer la promotion en l'absence de
visite médicale. Il s'agit d'un modèle qu'il a fallu complètement inventer. Sa
principale caractéristique est de s'appuyer sur le marketing relationnel, afin
d'entretenir une histoire avec les professionnels de la santé. Mais aussi de
donner aux médecins des éléments pour avoir une réelle valeur ajoutée face au
malade. Ces éléments sont très divers : cela va du poster pour leur salle
d'attente à des guides d'information pour leurs patients en passant par une
bibliographie médicale commentée.
Concrètement, qu'avez-vous mis en place ?
Dans le cadre de cette unité opérationnelle, nous
avons travaillé sur la notion de zone de chalandise. C'est-à-dire que chaque
médecin est considéré comme un client, au sens “noble” du terme. Nous allons
capitaliser sur les informations que l'on peut avoir à son sujet de façon à
être plus performant dans les messages que l'on va lui apporter. Nous avions
des informations un peu disparates sur les médecins généralistes et nous les
avons organisées de façon à faire une segmentation très précise. Sur le marché,
il existe des bases (Logimed, Icomed…) comprenant des informations sur les
médecins, qu'il est possible d'acheter. Nous avons commencé à organiser ces
informations et avons mis en place une approche de marketing prédictif avec la
société Quatrax. A vrai dire, je suis allé chercher des prestataires non issus
de l'univers médical. Et, pour le géomarketing, nous travaillons avec Géocible.
En échangeant, nous avons pu partager nos compétences. Ainsi, d'action en
action, le ciblage s'affine. La méthode mise en place démontre son efficacité
dans les zones géographiques stimulées, en entraînant une augmentation de 7 %
des ventes pour certains produits.
Quel est votre travail sur les données ?
Tous les laboratoires pharmaceutiques ont des
datawarehouses très puissants, jusqu'alors organisés en fonction de la visite
médicale et des produits, ce qui permettait de savoir comment cette visite
était organisée et quels produits avaient été proposés. En 1999, j'ai pris la
responsabilité du datawarehouse lors de la fusion entre Rhône Poulenc et
Hoechst Marion Roussel, sous le nom d'Aventis. A cette époque, le datawarehouse
était géré par le “Système d'Aide à la Décision” au sein des “Ressources
Marketing Ventes”. Dans ce cadre, je n'arrivais pas à développer l'approche
clients du fait de notre “culture pharmaceutique” et de la configuration
“produits” de notre système. Il faut attendre la création, en janvier 2002, de
l'unité Business Développement & Opportunités, qui développe ce laboratoire
d'expérience en dehors de la force de vente. Progressivement, la force de vente
et l'ensemble des autres unités opérationnelles vont faire appel à cette
expertise. La principale caractéristique de ce modèle est d'accumuler de
l'information. Après, nous pouvons l'organiser en fonction des centres
d'intérêt des médecins et de leurs communications préférées. Sachant que le
maître mot de notre démarche est le respect. Notre intérêt est de développer le
marketing prédictif et des actions de marketing relationnel, afin de nous
permettre de faire de la présence produits auprès du corps professionnel par le
biais du service. Je me suis battu pour ne pas appeler cela du marketing
direct. Nous allons développer des actions très percutantes vis-à-vis de nos
interlocuteurs. Pour cela, nous faisons appel à des agences telles que Varibase
et Direct One. Avec Varibase, nous envoyons un grand nombre de courriers de
façon très personnalisée. Il faut trouver un moyen d'attirer le regard du
médecin. Sachant que chaque action marketing concerne en moyenne quinze mille
médecins généralistes.
Citez-nous quelques exemples d'actions ?
Avec Varibase, pour un produit concernant la protection des
veines, nous mettons la photo de la ville du médecin dans le courrier. Le
marketing prédictif permet d'identifier la cible intéressée. De plus, nous
donnons au médecin la possibilité de répondre par le biais d'un
coupon-réponse.
Justement, quels sont les canaux de contacts privilégiés ?
A chaque fois que nous rentrons en communication
avec un médecin généraliste, nous multiplions les canaux de contacts à sa
disposition (courrier, téléphone, e-mail, etc.). Nous avons mis en place un
centre de contacts, basé à Poitiers chez Laser, qui a en charge les courriers
et les appels entrants. Au départ, six attachés de clientèle était dédiés à
cette mission. Aujourd'hui, on tourne à vingt/vingt-cinq attachés de clientèle.
En outre, les autres unités opérationnelles se sont dits qu'elles pouvaient
elles aussi utiliser ce centre d'appels. Par exemple, on a créé des services
pour la gestion de la sclérose en plaques ou du diabète. Pour la sclérose en
plaques, nous proposons aux patients de recevoir une cassette vidéo sur la
maladie, de commander des sacs isothermes et des containeurs pour les seringues
usagées. En ce qui concerne le diabète, les chargés de clientèle sont tout à
fait capables d'assister les médecins, ou les patients, à faire fonctionner
leur stylo d'injection d'insuline. On assure ce service pour aider les
patients, qui y accèdent par le biais d'un Numéro Vert. Ce centre de contacts
nous permet d'être à côté du médecin pour l'aider dans sa relation avec le
patient. La signature d'Aventis Proximité, c'est un Numéro Vert et une adresse
e-mail, servicemedecin@avantis.com.
Quelle est votre pratique de l'e-mailing ?
Les médecins ne sont pas tous des e-mailers, mais
c'est un canal que nous ne devons pas négliger. Nous envoyons une newsletter,
medecingeneraliste.com, aux médecins qui ont demandé à la recevoir. Je ne crois
pas à l'e-mail en Push.
Envisagez-vous d'utiliser le SMS ?
Je n'y crois pas du tout. D'autant qu'un laboratoire comme le
nôtre ne peut pas prendre le risque de se fâcher avec un médecin, ce qui
pourrait aussi contrarier la force de vente. Ce que nous devons faire, c'est
construire une relation dans le temps et que le médecin sente qu'il est
respecté. La fidélité ne se décrète pas, elle se mérite. La notion d'approche
client devient capitale chez Aventis. Mais attention : dans tout ce que nous
faisons, nous ne devons pas déranger le médecin, ni perturber la force de
vente, qui se compose de deux mille deux cents visiteurs médicaux.
Aventis Proximité s'adresse-t-il aux médecins spécialistes ?
Nous avons travaillé d'abord la cible des cinquante six mille
médecins généralistes. Je préfère bâtir un programme sur un périmètre bien
identifié, mais les choses vont évoluer…
Et les infirmiers, est-ce une cible que vous visez ?
Les médecins généralistes et
les spécialistes constituent notre priorité, les professionnels de la santé
comme les infirmiers viendront dans une seconde étape.
Comment se positionne la concurrence en matière de marketing relationnel ?
Tous les laboratoires pharmaceutiques développent ce type d'approche, mais nous
n'en sommes qu'aux prémices. Dans cette profondeur de réflexion, je pense
qu'Aventis fait partie des plus avancés dans ce domaine.
Et Sanofi ?
A ma connaissance, le laboratoire Sanofi Synthélabo
considère cette approche comme faisant partie de sa stratégie et doit avoir
développé des actions dans ce domaine.
L'entreprise
Une des six premières entreprises pharmaceutiques mondiales. Siège mondial à Strasbourg. Effectif : 69 000 personnes. CA 2003 : 16,79 milliards d'euros. Budget de R&D : 2,863 milliards d'euros, soit 17 % du chiffre d'affaires. En France Numéro 1 de l'industrie pharmaceutique. 13 000 collaborateurs. CA 2003 : 4,759 milliards d'euros. 2 200 visiteurs médicaux.
Biographie
Né en 1964, Christophe Bouguereau est ingénieur agronome spécialisé en gestion de la qualité. En 1989, il entre chez Auchan comme chef de rayon à Strasbourg pour la mise en place de la cinquième gamme, puis rejoint Roussel Uclaf en 1990 au poste d'ingénieur développement en protection des végétaux. Par la suite il devient auditeur qualité dans un laboratoire de recherche et développement. Parallèlement, il suit un DESS-MBA d'aministration des entreprises à l'IAE Paris en cours du soir, option marketing. Il intègre en 1997 le laboratoire Cassenne (Roussel Uclaf), en tant que chargé d'études. Il est nommé ensuite responsable des prévisions de ventes au sein d'HMR (Hoechst Marion Roussel). Lors de la fusion d'HMR et de Rhône-Poulenc, il devient responsable du pôle stratégie client (Direction des Ressources Marketing Ventes). Depuis janvier 2002, il occupe le poste de directeur de la relation client d'Aventis Proximité.