Catalogue papier et Web : une synergie vitale
Comment articuler les relations entre le catalogue papier et le catalogue sur le Web ? Quelles gammes de produits faut-il mettre en ligne, quelles cibles viser ? Le site internet va-t-il cannibaliser les ventes du catalogue ? La complémentarité est ici le mot-clé. Eléments de réponse.
Peut-on faire ses courses sur le Web... sans Internet ? Feuilleter le catalogue
avant d'aller acheter sur le site ? La synergie entre les canaux est à la mode.
Les vendeurs sur catalogue traditionnel lancent des sites et les
web-entreprises s'initient au papier. Mais les gammes des produits ne seront
pas copiées à l'identique et les consommateurs ne seront pas tous les mêmes.
Des stratégies gagnantes se multiplient. Premier exemple : La Redoute, avec une
approche des ventes fondée sur une expérience déjà conséquente du Web. « Nous
avons fait le pari d'une traduction intelligente de notre catalogue papier vers
un catalogue électronique, affirme Jean-Marie Boucher, directeur du commerce
électronique à la Redoute. Il n'était pas question de faire du copier-coller,
mais de réfléchir aux structures de notre base. » La Redoute, avec ses deux
éditions annuelles d'un catalogue de près de 60 000 codifications (référence -
taille - coloris...) a misé sur le site web pour créer une dynamique
complémentaire propre aux tendances vestimentaires. Le slogan "Un site qui se
renouvelle aussi vite que la mode" a donné le ton pour un positionnement en
plusieurs échelons.
Le catalogue papier est pour Yzea.com un outil de fidélisation et un moyen de toucher les personnes réticentes à l'achat sur le net
A la base le fond de l'offre, ponctué de points repères tout comme dans un
hypermarché classique. Une couche supplémentaire est composée d'animations
commerciales portant sur quelques dizaines, voire quelques milliers de
codifications. La durée de vie de ces promotions varie entre une et trois
semaines. Le merchandising du site touche aussi aux boutiques Homme, Femme,
Enfant, Son Hi-Fi etc., avec trois bonnes affaires par boutique et par jour,
plus un "coup de coeur". Des offres de prix "canon" sont proposées pendant
quelques heures, avec un indicateur permanent des quantités restantes. Le
contrôle des stocks en temps réel joue d'ailleurs pleinement sur le site,
permettant le retrait des produits suivant l'état des stocks. « Nous avons mis
en place un mécanisme d'achats de produits spécialement destinés au Web. En
2001, ils vont représenter près de 5 % des codifications. Nous injectons en
permanence des nouveautés, par exemple, pour la quinzaine de la rentrée
scolaire ou pour la Fête des Mères », explique Jean-Marie Boucher.
Papier et Web désynchronisés
Ces produits ne sont pas
toujours destinés à intégrer le catalogue papier par la suite. Et pour cause,
la durée de vie du catalogue est de six mois et sa préparation demande six mois
de plus. Alors, le dernier Palm Pilot ne sera plus vraiment le dernier à la
sortie du catalogue car un nouveau modèle lui aura déjà raflé la palme,
justement. Le même raisonnement s'applique à certaines gammes de chaussures,
des articles de sport et de la mode féminine où les petites séries sont de
mise. De fait le vépéciste a désynchronisé en partie les catalogues papier et
web privilégiant un positionnement "fraîcheur et tendance" sur Internet. La
mise en ligne des produits du catalogue papier obéit à des règles plus souples.
Par exemple, en août on trouvera sur le site les vêtements de demi-saison. Les
doudounes de ski n'apparaîtront pas avant le milieu de l'automne. A certains
moments de l'année, deux saisons vont se côtoyer sur le site car La Redoute a
pris l'option de garder les invendus du catalogue précédent sur le site tant
que les produits sont disponibles.
Michel Bré (Nouvelles Frontères Online)
: " Sur le web, nous pouvons
ajuster la stratégie plusieurs fois sans gros dégâts ".
Cela permet d'élargir le choix et d'écouler les invendus de façon transparente.
La taille du catalogue électronique change tous les jours, dans une fourchette
entre 30 000 et 90 000 codifications. « Le site web nous a permis de toucher
une cible plus large et plus masculine », témoigne Jean-Marie Boucher. Les
hommes représentent près de 40 % des consommateurs sur le site, contre 5 % pour
le catalogue sur papier. Globalement, les internautes clients sont plus
Parisiens, plus jeunes, avec une CSP plus élevée que la cible traditionnelle.
Ce canal génère entre 10 % et 15 % des clients nouveaux pour l'entreprise. Pour
le reste, il s'agit essentiellement du transfert de la clientèle qui passait
commande par téléphone ou par Minitel. Le trafic sur ces deux canaux affiche
une décroissance à deux chiffres.
Une analyse des performances plus rapide grâce au Web
Le site internet a permis au vépéciste de
mettre en place une personnalisation du service et des prix, client par client.
Pour le prix, il s'agit de prendre en compte le degré de fidélité du client.
Quant aux services, ce sont des conseils en matière de style, personnalisés,
tenant compte de l'historique d'achats du client ainsi que des éditoriaux
explicatifs sur les tendances de la mode. Cette personnalisation avec un
assortiment plus fluide et une cible nouvelle sont les trois principaux
avantages que La Redoute a trouvé dans la synergie Web - papier. Les
généralistes ne sont pas les seuls à rechercher une synergie entre les canaux
de vente habituels et Internet. Nouvelles Frontières a ajouté le Web à sa
panoplie de canaux traditionnels - agences, catalogue, téléphone et Minitel. Le
voyagiste est présent sur Internet depuis six ans. « Cela nous a permis d'avoir
du recul, d'analyser l'expérience accumulée, commente Michel Bré, Directeur
général de Nouvelles Frontières Online. Notre approche a évolué. Internet rend
les "marketers" plus intelligents car ils sont plus à l'écoute. Avec le
catalogue papier, il fallait un an pour pouvoir analyser les résultats d'un
nouveau produit. Quand vous diffusez deux livraisons de catalogue avec 2 000
pages, à raison de 3-4 millions d'exemplaires dans l'année, il est difficile
d'expérimenter. Quand on prend une page pour un produit, on prend un risque.
Et, même avec l'étude préalable, le risque demeure. Avec le Web, l'analyse des
performances est plus rapide, on se rend compte immédiatement si le produit
accroche le public. Cela permet d'ajuster la stratégie plusieurs fois sans gros
dégâts. » Nouvelles Frontières a commencé en mettant en ligne les produits du
catalogue papier. En 1998, la stratégie a changé, le voyagiste s'était mis à
élaborer des produits plus adaptés à l'achat d'impulsion. De cette époque date
l'apparition des enchères en ligne. On renchérit mardi pour acheter un vol,
avec le départ prévu dimanche. Ce concept est aujourd'hui jugé viable. Il
serait impossible à mettre en oeuvre en l'absence de site web. « On ne peut
même pas imaginer imprimer les brochures lundi pour que mardi elles soient déjà
parvenues jusqu'aux agences », remarque Michel Bré.
Des "repackages spécifiques" web
Dans le choix des produits, le voyagiste pratique
aujourd'hui le concept de "repackage" spécifique. « Avant, nous proposions
systématiquement dans le catalogue des packages comprenant le transport, le
séjour etc., explique Michel Bré. Nous nous sommes aperçus que nos clients
demandaient la possibilité de démonter les packages et de les recomposer à leur
guise. Nous l'avons réalisé avec un catalogue à la carte, soit 600 pages
papier. Mais ce concept est impossible à reproduire sur le Web car, avec la
complexité des commandes à la carte - une chambre pour une nuit ici, une autre
là-bas -, la réservation immédiate qu'attendent les internautes serait ici trop
compliquée à mettre en oeuvre. » C'est la spécificité des commandes en ligne :
on ne peut proposer que des produits avec une disponibilité garantie. Alors le
voyagiste a réassemblé les éléments séparés - week-ends, courts séjours, petits
circuits. Ces produits "repackagés" portent l'appellation "Best-off". Ce sont,
en principe, les mêmes produits que ceux proposés en agences, mais relookés et
ouverts à la réservation en ligne. Internet a créé un mouvement de recrutement
fort puisque 90 % des clients en ligne sont nouveaux pour Nouvelles Frontières.
Cela demande d'élaborer de nouvelles stratégies et approches pour capter la
clientèle. « Nous avons remarqué qu'une partie des visiteurs du site ont besoin
de voir du papier sur le Net, de pouvoir feuilleter les pages une fois
déconnectés d'Internet. Il est vrai que la brochure est toujours plus détaillée
qu'une page web habituelle, pour des raisons de visibilité du format et de la
mise en page », poursuit Michel Bré. Le voyagiste va répondre à cette demande
en mettant sur le site des pages du catalogue au format Pdf (NDLR : format
Acrobat, permettant la restitution à l'identique des pages papier, utilisé
notamment pour la diffusion sur le Web des documents légaux). Les internautes
pourront télécharger et imprimer les pages de leur choix. Ce qui permet à
Nouvelles Frontières de diffuser des parties du catalogue en faisant des
économies de papier. Autre avantage de cette diffusion, la possibilité pour les
clients de recevoir les pages du catalogue tout en restant anonymes, sans
donner leur adresse postale.
Deux canaux complémentaires
Avec les ventes sur le Web, la durée de vie de
certaines offres a sensiblement changé. Elle est de quatre semaines pour des
promotions affichées sur le site, et de vingt-quatre heures pour des produits
vendus aux enchères ou ceux offerts en prix dans les jeux du casino virtuel sur
le site. Aujourd'hui, Nouvelles Frontières a complètement intégré la double
casquette, celle du voyagiste sur le Net et en agences.
Tristan de Terves (CD and Co)
: " Nous recrutons sur catalogue et
essayons de diriger le flux des commandes vers Internet ".
Le taux de cannibalisation entre les canaux est faible, il ne doit pas dépasser
les 10 %. Et encore, ce chiffre est en partie imputable à la migration des
clients auparavant habitués au Minitel, dont la part diminue. Sur une
croissance totale de 10 % par an, le Web rapporte pas loin de la moitié. Cette
estimation est en rapport avec l'analyse de la typologie de clientèle du site.
« Les gens qui partent avec Nouvelles Frontières, parce qu'ils ont acheté aux
enchères un voyage pour un prix de 50 % inférieur à celui pratiqué
habituellement, ne seraient peut-être pas venus acheter dans nos agences car ce
n'est pas dans leurs moyens. Et, comme cette politique de déstockage n'aurait
pas pu exister en dehors du Web, nous avons favorisé l'accès aux voyages pour
ceux qui autrement n'auraient pas pu voyager », analyse Michel Bré. Il
s'agirait donc d'une situation de complémentarité, pas de concurrence. C'est
d'ailleurs le message de l'entreprise en direction de ses forces de vente : les
activités sur le Web améliorent les marges mais ne remettent nullement en cause
les agences "physiques". Un circuit de trois semaines au Népal ou un voyage en
Russie, des produits qui font la force du voyagiste, ne seront jamais vendus
sur Internet car leur client a besoin d'un conseil humain, d'être rassuré. A
l'opposé, le Web est un service automatisé d'achat pour des produits banalisés.
Pour humaniser un peu ce côté banalisé, Nouvelles Frontières compte mettre à
profit les nouvelles techniques de diffusion dites "streaming", pour offrir une
visite virtuelle des lieux avant le voyage. Mais cette démarche est aujourd'hui
limitée par les capacités de transmission des modems. Le voyagiste a déjà
essayé d'intégrer le bouton d'appel dans les pages web. Sans trop de succès,
car une bonne partie de la clientèle le contacte depuis le bureau - or les
ordinateurs dans les entreprises ne sont pas tous équipés avec des cartes son.
Ou encore, des drivers et des logiciels adéquats manquent à l'appel.
L'internaute clique sur le bouton et rien ne sort. Criez plus fort, on ne vous
entend pas ! Les options technologiques sont trop en avance sur le temps.
Jacques Maillot, P-dg de Nouvelles Frontières, et Michel Bré sont parmi les
signataires de la "Lettre à nos dirigeants politiques". Adressée au président
de la République, au Premier ministre et aux ministres concernés, cette
pétition demande la mise en place de "l'interconnexion forfaitaire illimitée" à
Internet pour permettre à l'ensemble des Français de bénéficier d'offres
forfaitaires illimitées à un tarif situé aux alentours de 100 francs par mois.
Cette démarche des deux dirigeants de la société témoigne de l'importance que
Nouvelles Frontières accorde au Web, un outil de vente puissant pour une
palette de produits "banalisés" et à forte rotation ainsi que pour les
invendus, et donc un canal pour recruter des populations nouvelles.
Alimentation mutuelle
L'entreprise CD and Co, vendeur
de logiciels et d'équipement informatique par correspondance, a aussi choisi de
transférer une bonne partie de ses ventes vers le Web tout en gardant le
catalogue papier comme outil de mise en confiance. « Nous avons commencé avec
un catalogue papier et nous sommes sur Internet depuis trois ans. Aujourd'hui,
les ventes sur catalogue représentent près de 70 % de notre chiffre d'affaires
», admet Tristan de Terves, chef du marché catalogue chez CD and Co. L'ambition
de l'entreprise est de faire basculer une grande partie des ventes sur
Internet. Dans cette optique, le catalogue sur le Web a été prévu plus étoffé
que sa version imprimée : 7 000 références contre 1 000 pour le document
papier. « De toutes façons, nous n'aurions pas pu intégrer toutes ces
références sur le papier, pour des raisons purement techniques. Avec quatre à
cinq produits par page, et avec un contenu rédactionnel et technique que nous
ne voulons pas réduire car il donne une dimension guide d'achats, cela nous
aurait fait un catalogue de 500 à 1 000 pages. Impossible ! », analyse Tristan
de Terves. Le catalogue papier est aujourd'hui limité à deux éditions annuelles
de 200 pages chacune - un million d'exemplaires en octobre et 500 000 au
printemps. Sur Internet en revanche, il n'y a aucune restriction de pagination.
Les produits destinés à alimenter le catalogue sont sélectionnés autant sur
leurs performances que sur la notoriété. « Nous mettons sur papier des produits
médiatisés, ceux qui jouissent d'une forte notoriété de l'éditeur, mais aussi
des jeux appartenant à une lignée connue, de bons utilitaires, suivant
l'historique des ventes des gammes similaires », poursuit-il. Ici, le site web
sert de plate-forme de tests des ventes pour des produits immédiatement après
leur sortie. Ceux qui affichent les meilleures performances et une espérance de
vie suffisante, intégreront la prochaine édition du catalogue papier. La durée
de vie du catalogue sur Internet varie au gré de l'actualité des produits. Pour
une encyclopédie sur CD-Rom, elle sera de douze mois, jusqu'à la sortie de la
prochaine édition. Entre les gammes destinées à Internet et au catalogue
papier, la différence se fait aussi sur le profil du client. « Notre acheteur
sur Internet est plus branché jeux et équipement informatique », témoigne
Tristan de Terves. L'acheteur "papier" est plus intéressé par des produits des
gammes vie pratique, culturels et éducatifs. Il a un profil plus classique VPC,
moins urbain, avec un comportement d'achat de chef de famille et de dix ans
plus âgé que l'acheteur sur le Web, jeune célibataire branché. Il n'y aura donc
aucun phénomène de cannibalisation entre les deux canaux de distribution. Au
contraire, il s'agirait d'une alimentation mutuelle, selon Tristan de Terves :
« Nous recrutons sur catalogue et ensuite nous essayons de diriger le flux des
commandes du catalogue vers Internet. Le coeur de notre cible est un acheteur
prudent, il a l'habitude de signer des bons de commande et de remplir le
chèque. Les premiers achats avec le catalogue papier le mettent en confiance à
notre égard. Ensuite, c'est un travail de pédagogie pour le diriger vers les
achats sur Internet où les coûts de gestion sont inférieurs. » En guise de
pédagogie, l'entreprise rétrocède à l'internaute une partie des économies
réalisées sous forme de programmes de fidélisation et d'offres spéciales
destinées uniquement au canal web. L'objectif est de parvenir à une proportion
de moitié-moitié des ventes catalogue et Internet. Aujourd'hui, 1,5 million
d'exemplaires du catalogue papier génèrent quelque 140 000 colis. Le panier
moyen d'un consommateur "papier" est de 750 - 800 francs, tandis que le panier
moyen d'un consommateur internaute ne dépasse pas les 650 francs. Le média
papier garde son rôle d'élément de réassurance. Un catalogue papier est inséré
dans chaque colis, quel que soit le mode de commande. « Les médias papier et
Internet n'ont pas le même fonctionnement, estime Tristan de Terves. Sur
Internet, il faut savoir ce que l'on cherche. Le catalogue papier se laisse
feuilleter comme un magazine. Il peut donner de nouvelles idées de commandes. »
Le coût de cette diffusion supplémentaire du catalogue est faible, réduit au
coût marginal de l'impression, de quatre à six francs. Le coût de
l'affranchissement pour l'entreprise est nul car le forfait livraison autorise
ce supplément de poids.
En B to B aussi
De fait, les
coûts sont répartis entre tous les clients. Et l'entreprise essaie d'étendre
cette démarche économiquement intéressante - choix sur le Web ou sur le
catalogue, mais achat sur le Web - à un maximum de clients. Sur le secteur des
professionnels, la synergie Web - papier fait ses premiers pas timides. Raja,
spécialiste des emballages, s'est doté d'un site web en plus de son catalogue
papier. « Notre catalogue en ligne génère aujourd'hui peu de business, remarque
Vincent Terradot, directeur du projet Internet chez Raja. Pour nous, c'est
surtout l'essai d'un nouveau canal et d'une autre façon de vendre, pour se
forger une expérience. Nous n'attendons pas de bénéfices immédiats de
l'Internet, mais sommes présents pour l'avenir. » De fait, il n'y a pas de
service particulier attaché au Web. Les commandes enregistrées en ligne 24
heures sur 24, y compris le week-end, seront servies aux heures de bureau à
partir du lundi suivant. Au départ, Raja a mis une partie de son catalogue en
ligne : une offre basique, soit 2 000 références, sur un total de 6 000 du
catalogue papier avec ses trois éditions annuelles. D'ici peu de temps le reste
du catalogue devrait suivre. Ce sera alors l'occasion pour l'entreprise
d'essayer de tirer des profits du nouveau média. Raja va notamment tester de
nouveaux produits avant de les intégrer dans le catalogue papier. « Nous
mettrons en place des promotions avec une durée de vie plus courte, des
animations spécifiques pour le Web, des promotions, des cadeaux etc., poursuit
Vincent Terradot. Le but est de donner au site une dynamique et une vie
différentes de celles du catalogue papier. A terme, nous allons pouvoir créer
des interfaces personnalisées pour nos clients. Le site en plus du catalogue
représente pour nous un gain de productivité et une possibilité d'avoir plus de
contacts, y compris par des moyens de marketing direct sur Internet. »
L'animation, le marketing direct et la personnalisation sont ici les trois
avantages du Web pour les entreprises de ventes à distance aux professionnels.
Jusque là, c'étaient les entreprises de vente à distance traditionnelles qui
s'intéressaient aux vertus du Web.
Du Web au papier
Mais parfois le courant s'inverse et les entreprises du Web s'initient aux
joies de l'édition d'un catalogue papier. C'est le cas de Yzea.com, un site de
vente de lingerie ouvert depuis mai 2000. A la fin de la même année, ses
dirigeants lançaient un catalogue papier. Ils expliquent aujourd'hui que le
papier est pour eux un outil de fidélisation et un moyen de toucher les
personnes réticentes. Parmi celles-ci, deux catégories distinctes : les
internautes qui n'ont pas l'habitude de la vente par correspondance et les
consommateurs de la VPC traditionnelle qui n'ont pas confiance dans l'achat sur
le Net.
Jean Marie Boucher (La Redoute)
: " Le web nous a permis de toucher une
cible plus large et plus masculine ".
Le catalogue est notamment envoyé aux internautes abonnés à la lettre
d'information d'Yzea et qui ne sont pas encore acheteurs sur le site.
L'entreprise va aussi mener une opération de recrutement sur un fichier de
vépéciste traditionnel. « Compte tenu du profil de ce fichier, il est fortement
possible que ces clientes soient connectées à Internet », estime Stephan
Morgan, fondateur d'Yzea. Le catalogue est composé avec dix marques
sélectionnées sur les trente présentes sur le site. « Nous avons choisi les
produits avec les meilleures ventes, ceux qui ont un bon aspect visuel et qui
seront bien restitués sur l'écran de l'ordinateur, enfin les meilleurs prix »,
explique Stephan Morgan. Les nouveautés se retrouvent sur le site avant
d'intégrer le catalogue papier, sans grand décalage car les fabricants
présentent à l'avance leurs collections de la prochaine saison. Le délai de
préparation du catalogue - deux mois environ - n'est pas un obstacle à la
présentation des dernières tendances. Les produits du catalogue peuvent être
achetés avec le bon de commande classique, en passant par le centre d'appels ou
bien sur le site internet. Le lancement d'un catalogue papier : constat de
carence pour les ventes sur Internet ? « Non, car il s'agit de la
complémentarité des canaux, répond Stephan Morgan. Les formules qui ont eu le
plus de succès ailleurs, aux Etats-Unis, ce sont des formules qui mélangent le
site internet et le catalogue papier. C'est en même temps un encouragement
d'aller voir le site et une possibilité de ne pas passer la commande sur
Internet, grâce au bon de commande papier. Et, quand on a déjà mis en place la
base de données, le centre d'appels et la logistique de livraison, le surcoût
du catalogue est relativement faible. D'autant plus que, dans notre cas, les
marques ont participé au financement de l'édition papier. » Trente mille
catalogues ont été envoyés, en bonne partie aux abonnés non-consommateurs qui
ont exprimé le désir de recevoir l'édition papier. La campagne d'envois a
permis de débloquer le réflexe d'achat chez quelques-uns. « Nous allons
maintenant analyser les résultats pour voir si une deuxième édition du
catalogue se justifie », conclut Stephan Morgan. Pour cet acteur originaire du
Web, le catalogue papier est donc un élément de recrutement visant surtout la
clientèle déjà habituée à acheter à distance. Certains cataloguistes
traditionnels n'iront pas affronter seuls les ventes sur le Web.
Quid des sites multienseignes ?
Ils pourraient le faire
avec l'aide d'un prestataire offrant toutes les structures, un peu à l'image
d'un centre commercial. Tel est le raisonnement de la société Altura qui leur
ouvre les pages de son site CatalogueCity. « Nous nous occupons de la
production et de la gestion des sites multivendeurs, en partenariat avec des
vépécistes et des cataloguistes, explique John Pincott, gérant d'Altura. Nous
les aidons à trouver de nouveaux clients, en dehors de l'univers de leurs
acheteurs traditionnels. » CatalogueCity propose aux marchands des espaces sur
le serveur avec des programmes communs d'affiliation, de e-mailing et de
marketing direct traditionnel pour l'ensemble des adhérents. L'internaute
bénéficiera d'un panier d'achats unique pour tout le site. Le prestataire va
"se greffer" sur le système d'information du marchand, ou bien procédera à
partir d'une copie du catalogue. « Aux Etats-Unis, en Grande- Bretagne ou en
France, le problème est souvent le même, poursuit John Pincott. Les marchands
disposent de bases de données sans images ni descriptifs. Alors, nous passons
le catalogue au scanner et nous faisons ressaisir les pages par de jeunes
personnes en Inde. » L'appel aux "jeunes personnes" du Tiers Monde, payées
d'habitude une poignée de dollars par mois, permet à Altura de proposer des
conditions financières intéressantes : « pas de ticket d'entrée, pas de frais
au départ mais uniquement un paiement aux résultats », confirme John Pincott.
Les cataloguistes, n'envisageant pas d'investir dans un site web propre,
développent généralement une activité de niche pour clientèle spécifique ; il
n'est donc pas acquis que la présence sur un site multienseigne puisse
augmenter leur clientèle. En revanche, le passage d'une partie des clients vers
le site internet risque de modifier le modèle économique car, rappelons-le, le
prestataire CatalogueCity se rémunère uniquement sur les ventes réalisées avec
son concours. La marge serait alors transférée de l'entreprise productrice vers
l'entreprise gérant le site web. Le bien-fondé de cette option reste à
démontrer. Néanmoins, le bilan des synergies papier - Web dans l'univers de la
vente à distance est suffisamment positif. Près de 10 à 15 % de clients
nouveaux pour La Redoute, 5 % de croissance supplémentaire pour Nouvelles
Frontières, 6 000 nouveaux clients pour Eveil & jeux, tels sont les résultats
palpables du fait de compléter un catalogue papier avec un site de ventes sur
Internet. Dans le sens inverse, un catalogue papier appuie la force de
persuasion d'un site web avec des éléments "matériels" véhiculant la
réassurance pour les internautes mais aussi pour les habitués des ventes à
distance traditionnelles. Pour certains clients, ce sera aussi un élément
déclencheur du premier achat. On peut en déduire que la synergie Web et papier
est, dans la plupart des cas, très profitable aux entreprises de vente à
distance. Surtout dans le secteur des ventes au grand public.
Eveil & jeux : une nouvelle dimension grâce au Web
Le groupe Eveil & jeux (marques Graine d'éveil, Eveil & jeux et Bien joué) a choisi pour son site web le même rythme de renouvellement que celui du catalogue papier, soit cinq éditions par an avec 25 % de nouveautés à chaque fois. En tout pas loin de 20 millions de catalogues sont diffusés chaque année. « Mais le Web a apporté une nouvelle dimension à l'enseigne, car ici nous pouvons laisser sur le site l'historique avec les produits des catalogues précédents toujours disponibles à la vente. Sur le Web du groupe, il y a en moyenne deux fois plus de produits que dans les catalogues car le coût du maintien de l'affichage est ici nul », témoigne Guillaume Motte, directeur du développement de la société Eveil & jeux. La cible sur Internet est-elle différente de celle du catalogue ? « Oui et non, répond Guillaume Motte. Internet est pour nous un mode de communication comme le Minitel et le téléphone. Nos clients internautes utilisent aussi le catalogue papier. Mais en plus, nous utilisons le Web et les opérations de e-mailing pour contacter les gens que l'on n'arrive pas à toucher par le marketing direct classique, soit environ 20 % des clients. Et nous comptons sur Internet pour approcher la population des expatriés, sachant que les coûts de prospection papier à l'étranger sont très élevés. » Pour Eveil & jeux, Internet est peut-être un mode de communication comme les autres mais c'est un canal privilégié pour réceptionner les commandes. Une commande passée sur le Web coûte moins chère que le téléphone. De plus, elle est directement intégrée dans le système d'information de l'entreprise. Il y a aussi un effet de recrutement : l'an dernier, l'entreprise a enregistré près de 13,5 MF de ventes sur Internet reparties en 33 000 commandes. Quelque 6 000 commandes sur ce total correspondaient à de nouveaux clients utilisant uniquement Internet. Le Web apparaît donc ici à la fois comme un service supplémentaire aux clients, une opportunité de baisser les coûts, un moyen de recrutement et peut-être un média de relance.