Au bonheur de ces dames...
Elles ont beau prendre 70 à 80 % des décisions d'achats au sein des foyers français, les femmes figureraient, aujourd'hui encore, au rang des grandes délaissées d'un marketing relationnel véritablement efficace. En la matière, pas grand-chose de neuf à l'horizon à en croire les experts du secteur. Et pour cause. Plus qu'une question de mailing, de couponning ou de carte de fidélité, il s'agirait davantage pour les entreprises de se concentrer sur le développement de services permettant de faciliter la vie de leurs consommatrices "multifacette".
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Faith Popcorn, la grande prêtresse du marketing, l'avait elle-même annoncé
dans son dernier ouvrage EVEolution (1) : les entreprises qui ne prendront pas
en compte les besoins spécifiques des femmes dans un avenir proche risquent de
se retrouver confrontées à de fort probables, mais non moins fort désagréables,
déconvenues. C'est que la gent féminine au sein de la société a évolué.
Faith Popcorn
: " Le marketing qui vise les femmes n'existe tout
simplement pas ".
On est aujourd'hui loin du profil type de la ménagère de moins de 50 ans, mère
au foyer, bloquée entre sa liste de courses, son mari et ses enfants. L'ampleur
du phénomène n'est pas à négliger. Ces dames ont beau ne représenter que la
moitié de la population active, elles n'en demeurent pas moins maîtresses de
près de 70 à 80 % des décisions d'achats au sein des foyers français ! Comble
des paradoxes pourtant, très peu de sociétés prennent aujourd'hui en compte
leurs besoins spécifiques à elles, différents dans de nombreux cas de leurs
besoins bien particuliers à eux. D'après une étude réalisée par Ipsos, en
coopération avec BBDO Corporate, seules 27 % des entreprises interrogées fin
2000 affirmaient s'être déjà adressé de manière spécifique aux femmes, alors
qu'elles étaient pourtant 65 % à admettre la différence de comportement
existant entre les deux genres. L'explication ?
Les femmes, ces terribles inconnues...
Peut-être les entreprises françaises ne
connaissent-elles tout simplement pas si bien que cela cette fameuse cible
féminine. Peut-être même ont-elles aujourd'hui tout à fait conscience du poids
représenté par les femmes dans l'économie française, sans pour autant savoir
comment prendre en compte leurs attentes. Une réalité présente aussi bien ici,
en France, que de l'autre côté de l'Atlantique. « Il est curieux, j'irais même
jusqu'à dire impardonnable, que ce sujet ait été pratiquement laissé de côté
par les auteurs et journalistes financiers », affirme Faith Popcorn dans
EVEolution. C'est simple, selon elle, « le marketing qui vise les femmes
n'existe tout simplement pas. » Il s'agirait même d'une des plus grosses
lacunes de ces dix dernières années. C'est également l'avis de Brigitte Gancel,
spécialiste française des questions de marketing direct auprès des femmes, qui
vient de créer l'agence spécialisée en la matière, "Relation'elles", et pour
qui les marques commettent, encore aujourd'hui, des erreurs classiques dans
leur manière de s'adresser aux femmes. « Les constructeurs automobiles, par
exemple, qui n'ont pas l'habitude de s'adresser à cette cible, tombent souvent
dans la caricature. Prenez Alfa Romeo, qui avait envoyé cette année un mailing
invitant les femmes à venir essayer la dernière Alfa en concession contre la
promesse d'un rouge à lèvres et d'un vernis à ongles de la couleur rouge Alfa !
Quant à ceux qui s'adressent traditionnellement aux femmes, comme les
vépécistes, je dirais qu'ils ont gardé un discours qui reste encore très promo
et très primaire, et qui ne comporte absolument rien d'innovant. On retrouve
toujours les mêmes offres promotionnelles, les mêmes cadeaux... » Même des
acteurs historiquement connus pour la qualité de leur marketing relationnel,
tel Clarins, ne prendraient pas suffisamment en compte les femmes dans leur
globalité, c'est-à-dire dans leur multiplicité. « Ils ne prennent en compte
qu'une des facettes de la femme, c'est-à-dire la femme-femme, la femme
séductrice », résume Brigitte Gancel. Certes, la société a évolué. Reste que
le nombre d'hommes à la direction des entreprises françaises demeure encore
prédominant. Selon la dernière étude réalisée par l'Insee en juin 2001, seuls
16,9 % des postes de P-dg ou de Dg étaient occupés en France par des femmes.
Peut-être s'agit-il d'un premier facteur explicatif à ce manque de proposition
adaptée. Autre élément pouvant venir alimenter la discussion : la peur des
directions générales de se voir taxées de discrimination sexuelle en
s'adressant de manière spécifique aux femmes, ceci après des générations et des
générations de discours féministes. Si bien qu'aujourd'hui, pour ces sociétés,
« il n'est pas politiquement correct de mentionner ces différences... encore
moins d'en tirer des avantages financiers », écrit Faith Popcorn.
La naissance de la femme "multifacette"
Mais que
veulent donc véritablement les femmes ? Une question qui, encore aujourd'hui,
semble avoir bien du mal à trouver son chemin. « On sent bien que les
dirigeants de sociétés sont mal à l'aise avec cette question », confie Brigitte
Gancel. Car le comportement de consommation des femmes a non seulement évolué,
mais s'est, de plus, particulièrement complexifié. Et pour cause ! « Les femmes
consomment de tout », observe Marie-Pierre Benita, responsable commerciale chez
CLM/BBDO, et dans tous les secteurs, qu'il s'agisse de produits alimentaires,
de produits de mode ou de beauté, de produits automobiles, de produits de
bricolage ou financiers. C'est que le nombre de célibataires au sein de la
société a considérablement augmenté, parallèlement au nombre de divorces,
conduisant ainsi nombre de femmes à investir des territoires jusqu'alors
majoritairement réservés aux hommes. « Parce qu'une femme qui se retrouve seule
a aussi besoin de produits financiers, de produits d'assurances, d'une voiture,
d'outils de bricolage... », illustre Elisabeth Tissier-Desbordes, professeur de
marketing à l'ESC-EAP. La vente par correspondance y aura également été pour
beaucoup. « Je dirais que les vépécistes ont bien accompagné l'évolution des
femmes, et je dirais même qu'ils l'ont favorisée », poursuit Elisabeth
Tissier-Desbordes.
Brigitte Gancel (Agence Relation'elles)
: " On sent bien que les
dirigeants de sociétés sont mal à l'aise avec cette question : mais que veulent
véritablement les femmes ?"
Car il ne faut pas oublier qu'« il y avait à l'époque toute une catégorie de
femmes qui n'osaient pas rentrer dans certaines boutiques. Parce que, lorsque
vous ne vous êtes jamais maquillée de votre vie, ce qui était le cas de
beaucoup de femmes il y a 30 ans, rentrer en parfumerie, demander une vendeuse,
c'est très délicat. En amenant la beauté à domicile, certaines sociétés de VPC
ont permis à ces femmes d'acheter des produits beaucoup plus facilement. Sans
compter qu'elles avaient encore à l'époque des budgets bien moindres. Elles
s'achetaient un rouge à lèvres et un peu de poudre et voilà. Alors que, par la
suite, ces marchés-là ont connu des taux de croissance à deux chiffres pendant
toutes les années 80 ! » Ce qu'il en résulte : des femmes aujourd'hui devenues
multiples, de la femme d'affaires à la femme sportive en passant par la femme
bricoleuse ou encore la femme-femme. En résumé, la femme polyvalente,
"multifacette", engagée dans une "multivie". Ces dames ont beau travailler,
elles n'en restent pas moins des mères, des épouses, des femmes qui continuent
par ailleurs de prendre soin de leur foyer, ceci tout en investissant de
nouveaux terrains de vie, et donc de consommation. « Et elles veulent assurer
sur tous les plans ! », relève Marie-Pierre Benita. En conséquence, de nombreux
annonceurs se sont mis, à partir des années 80, à faire la louange de cette
femme "multiple", tels les 3 Suisses ou Yves Rocher. Mais depuis ? Depuis, il
faut bien le reconnaître, rien de véritablement innovant n'a été tenté, tout du
moins pas en matière de marketing relationnel. Alors qu'il faudrait pourtant,
selon Elisabeth Tissier-Desbordes, trouver de nouvelles manières de fidéliser
ces dames, au-delà des traditionnels mailings ou sempiternelles cartes de
fidélité. Ce qui passerait donc davantage par une réflexion sur la manière de
faciliter la vie de ces femmes au quotidien, en leur apportant de nouveaux
services ou de nouveaux produits, plus adaptés aux multiples facettes de leur
"multivie".
A la recherche du temps perdu
Selon une
enquête publiée fin 1999 par l'Insee, les femmes, aussi multiples soient-elles,
continuaient d'assumer près de 80 % des tâches ménagères au sein des foyers, un
chiffre qui n'a pratiquement pas évolué depuis 1986 ! La femme-ménagère a la
peau dure. Le temps moyen consacré à ces "corvées" dans une journée n'aurait
diminué que de sept minutes pour les femmes actives, d'une demi-heure pour les
femmes au foyer, s'établissant à 3 h 37 min en moyenne par jour en 1999,
courses comprises ! D'après une autre enquête, réalisée dans le cadre de
"L'Observatoire du temps" de La Redoute (aujourd'hui en stand-by), 76 % des
femmes actives de 20 à 60 ans interrogées en 1998 aspiraient à pouvoir gagner
une journée par semaine, tandis qu'elles étaient 58 % à estimer ne pas
bénéficier de suffisamment de temps afin de se consacrer à elles-mêmes.
Principal credo en conséquence des marques désirant fidéliser la gent féminine
: développer des services autour de leur coeur de métier permettant de faire
gagner à leurs consommatrices un peu de ce temps si précieusement convoité, en
réduisant ce temps "corvée" à la portion congrue. L'un des premiers secteurs
concernés se trouve être celui de la livraison à domicile, plébiscité par 75 %
des femmes interrogées par "L'Observatoire du temps". A titre d'illustration,
les achats en ligne effectués par les internautes d'aufeminin.com, le leader
français des portails féminins, ont progressé de 281 % entre 2000 et 2001 ! Un
chiffre impressionnant, appuyé par ceux de l'Association pour le commerce et
les services en ligne, selon lesquels les onze principaux sites de e-commerce
français auraient enregistré une croissance de 109 % de leur activité en un an.
Le mouvement a également touché les vépécistes, dont les taux de couverture
sont passés de 2,3 % à 6,7 % des surfeurs français entre juillet 2000 et
juillet 2001 (source NetValue). Principal besoin recherché par ces clientes
connectées : réduire bien évidemment le temps consacré aux inévitables et
récurrentes courses familiales. Car, contrairement à certaines idées reçues,
les femmes n'aimeraient pas davantage que les hommes passer leur vie à courir
d'une allée à l'autre des grandes surfaces. La plupart des enseignes de
distribution se sont donc déclinées sur le Net dès 1999, avec un outil
essentiel et désormais devenu presque classique : la liste de courses
informatiquement mémorisée, permettant d'approvisionner l'ensemble du foyer en
quelques clics de souris. Au total, la manoeuvre ne prendrait qu'une vingtaine
de minutes ! L'enjeu s'avère de taille : ooshop.com, le magasin virtuel du
leader français de la distribution Carrefour, table tout simplement sur un
doublement de son chiffre d'affaires d'ici la fin de l'année, avec un panier
d'achats qui se situerait entre 122 et 152 euros, soit un montant bien
supérieur à celui dépensé en magasins traditionnels. En "dur", de premières
tentatives innovantes ont également été réalisées du côté d'Auchan, avec
l'inauguration en juin 2000 d'un tout nouveau service : la borne interactive
"Auchan Express". Testé dans le Nord de la France, cette sorte de "drive-in"
permet aux femmes, tout en restant au volant de leur voiture, de passer
commande d'articles réputés lourds ou encombrants, donc difficiles à
transporter : des bouteilles d'eau aux packs de lait en passant par les paquets
d'essuie-tout ou de papier toilette. Le tout est ensuite directement livré
jusqu'à la voiture, garée sur le parking de l'hypermarché, pendant que la
cliente aura effectué le reste de ses courses à l'intérieur du magasin. Un
concept donc tout particulièrement adapté aux attentes féminines, encore
aujourd'hui en phase expérimentale. « Pour une femme enceinte par exemple, ne
pas avoir à porter ces choses-là peut s'avérer très intéressant », relève
Catherine Dupuis, Planner stratégique chez Marketing Intelligence. Mieux, au
Royaume-Uni, le distributeur Safeway est allé jusqu'à équiper ses
consommatrices d'un petit balayeur électronique leur permettant, une fois de
retour chez elles, d'enregistrer au fur et à mesure les références des
différents produits sortant de leur réfrigérateur ou de leurs placards, se
constituant ainsi progressivement une nouvelle liste de courses, qu'elles
n'auront plus ensuite qu'à transférer par Internet au supermarché le plus
proche. Seul hic : encore faut-il avoir les moyens de développer de tels
procédés technologiques !
De la femme-mère à la femme d'affaires
Nombreux sont les efforts déployés afin de faciliter la
vie de la femme-ménagère, qui s'avère aussi, dans bien des cas, être une
femme-mère. Des enseignes telles qu'Ikea, avec leurs maintenant traditionnels
espaces de jeux pour enfants, l'avaient compris bien avant les autres, avant
que des acteurs, tels que Leroy Merlin, ne se lancent dans la danse en France.
Le distributeur spécialisé a ainsi récemment inauguré ses premiers ateliers de
bricolage destinés à occuper les plus petits, permettant ainsi à leurs mamans
de s'adonner pendant ce temps aux joies de la pose de Velux ou de tuiles pour
le toit. Seul problème : l'organisation de ces ateliers a un coût élevé, en
particulier en matière de personnel qualifié. Le projet, en test depuis un an
au magasin de Rosny-sous-Bois, attend donc quelques adaptations, avant de se
voir éventuellement étendu à d'autres points de vente. De la vie de maman à
celle de femme d'affaires, il n'y a parfois qu'un pas. Le tout étant pour ces
business-women de plus en plus nombreuses de pouvoir concilier ces deux
facettes de leur "multivie". Aux Etats-Unis, 24 000 enfants se seraient ainsi
retrouvés en 1996 à accompagner leur maman au cours de leurs voyages
d'affaires, un chiffre qui ne se serait élevé qu'à 9 100 six ans plus tôt (1).
Certaines chaînes d'hôtels américaines se sont donc mis à développer de
nouvelles propositions adressant cette nouvelle cible. Comme Travel Lodge, avec
leurs "Sleepy Bear's Den", sorte de chambres à taille familiale, contenant tout
ce dont une mère en voyage avec son ou ses enfants peut rêver, du petit frigo
au magnétoscope, agrémenté de cassettes pour enfants, en passant par la
décoration parsemée d'ours jusqu'à la fourniture de l'indispensable animal en
peluche, le "Sleepy bear" ! Autre exemple, dans l'Etat de Californie, celui du
Phoenix, qui remet systématiquement une liste de souhaits à chacune de ses
clientes, dès son arrivée à l'hôtel, devançant ainsi ses moindres désirs tout
au long de son séjour, qu'il s'agisse de lui fournir un exemplaire de ses
magazines préférés, de la provisionner avec quelques fournitures de bureau ou
de produits pour ses enfants.
Ces petits détails qui font toute la différence
Car, et c'est un fait, ce sont ces petites attentions
qui permettront aux sociétés désirant fidéliser leur clientèle féminine de
faire toute la différence. Il n'y a qu'à voir la sensibilité de certaines
consommatrices aux matraquages intempestifs. Par exemple, les femmes avec
enfants présenteraient littéralement un encéphalogramme plat face au média
télévisé, à en croire les données recueillies par Consodata, tout en s'avérant
être, dans le même temps, celles qui réagissent le mieux aux actions de
marketing relationnel. Mais attention, pas n'importe lesquelles. Tout n'est en
effet qu'une question de subtilité. L'exemple du Cercle Angel, créé en 1992
afin de relier les passionnées du parfum le plus porté par les femmes
françaises entre elles, s'avère particulièrement instructif en la matière.
Première règle d'or : continuer de faire rêver les clientes en ne leur envoyant
jamais de mailing de nature purement commerciale. Du côté des parfums Thierry
Mugler, on cultive l'art du "booklet" artistique, mettant en scène les
différentes fragrances autour de thèmes évocateurs, tels les "Rêves de lumière"
entourant les séries limitées 2001. En d'autres termes, rien à voir avec un
catalogue ! « Il ne faut surtout pas que nos consommatrices aient l'impression
qu'il s'agit d'une publicité », insiste Nadège Villeneuve, responsable
marketing relationnel. Concernant ces petits détails qui font toute la
différence ? Pour commencer, l'entreprise ne se contente pas d'envoyer de
simples cadeaux parmi d'autres. Par exemple, la bougie exclusive Angel, qui fut
envoyée en fin d'année aux clientes du Cercle, répondait à un désir qui avait
été préalablement exprimé par les clientes elles-mêmes. « C'était une attente
des consommatrices qui était ressortie deux ans de suite au niveau de nos
questionnaires, confie Nadège Villeneuve. Elles voulaient des parfums
d'ambiance, aromatisés avec leur parfum. Nous avons donc simplement répondu à
leurs attentes. » Un geste qui pourrait sembler aller de soi. Rares sont
pourtant les sociétés fonctionnant en ce sens. La stratégie de fidélisation ne
s'arrête pas là. Afin d'accroître le lien avec les clientes du Cercle, la firme
va même jusqu'à les impliquer directement dans sa politique de développement
produits. Comme ce fut le cas pour la réalisation du nouveau flacon pour le
parfum Innocent. « Nous ne prenons que des clientes du Cercle pour nos réunions
consommateurs », précise d'ailleurs Nadège Villeneuve. De l'importance de
montrer aux clientes à quel point leur avis compte, un détail qui pourrait
paraître anodin, mais qui revêt pourtant toute son importance.
Un nouvel équilibre des pouvoirs
« Hier, les marques imposaient leur
pouvoir aux consommatrices. Nous étions dans un archétype de projection,
explique Catherine Dupuis. Aujourd'hui, nous sommes passés à un archétype
d'adhésion, c'est-à-dire que la marque et les clientes se situent désormais à
un même niveau d'échange. » Un fait qu'une entreprise précurseur telle que Mars
avait intégré dès 1995, lorsqu'elle demanda à ses consommateurs de choisir une
nouvelle couleur pour les bonbons chocolatés M&M's. L'initiative remporta un
succès considérable : dix millions d'Américains participèrent au vote. Les
options proposées étaient le rose, le violet et le bleu. "Bleu" l'emporta à 54
% des voix. Chez Marketing Intelligence, de ce nouvel équilibre des pouvoirs
découle une toute nouvelle manière d'envisager la relation à la consommatrice.
« Les entreprises ne peuvent plus se permettre d'attendre que leurs clientes
viennent sur le point de vente. Il leur faut aller à leur rencontre », explique
Catherine Dupuis, c'est-à-dire là où elles se trouvent au jour le jour, à leur
domicile bien évidemment en passant par leur bureau, sans oublier des lieux
plus inédits, tels que les allées d'aéroports, les salons de coiffures ou même
les salles de gym. Objectif : réfléchir à chaque fois aux différentes manières
de leur rendre service en ces diverses situations. En leur livrant directement
sur un de ces lieux de vies les produits dont elles pourraient avoir besoin de
manière urgente, comme une nouvelle robe de cocktail, noire, taillée sur
mesure, pour le soir même, tel que peut le faire Kenzo, par exemple, pour ses
clientes les plus fidèles. Autre point clé d'une stratégie relationnelle
différentiante : procéder à des échanges de savoirs d'égal à égal avec ses
consommatrices. Ce qui consiste, non seulement à solliciter de manière beaucoup
plus active leur avis et leurs connaissances produits afin de construire son
offre, mais également, en retour, à leur expliquer absolument tout, de la
manière dont les produits sont fabriqués à la façon dont l'entreprise est
gérée. L'ère de la transparence est, aujourd'hui plus que jamais, omniprésente.
C'est que les femmes ont de plus en plus besoin d'entretenir une relation de
confiance avec les sociétés auprès desquelles elles achètent. Elles veulent à
la fois des entreprises "respectables" et "éthiques". Des dimensions que
devront de toute façon intégrer l'ensemble des entreprises françaises cotées en
Bourse à partir de mars 2002, période à partir de laquelle il deviendra
obligatoire pour la totalité d'entre elles de présenter à leurs actionnaires un
plan spécifique d'action en matière de développement durable. (1) EVEolution,
de Faith Popcorn et Lys Marigold. Editions de l'Homme.
L'assurance au féminin
Depuis septembre 1996, la Compagnie des femmes ne se consacre qu'aux produits d'assurances spécifiquement dédiés à la gent féminine. En prenant donc en compte leurs particularités. En matière d'assurance-auto, par exemple, avec des contrats jusqu'à 50 % moins chers que les contrats traditionnels ; les femmes ayant statistiquement moins d'accidents de la route que les hommes. Et, afin de sensibiliser cette précieuse cible, Nicola Rosa, courtière de métier et fondatrice de la société, a décidé d'opter pour une méthode de distribution tout à fait particulière : celle des réunions sur le mode Tupperware. L'entreprise dispose ainsi d'une cinquantaine de représentantes, spécialistes de l'assurance, sillonnant toute la France à longueur d'année afin de venir au contact direct des clientes potentielles. Objectif : optimiser leurs relations avec les consommatrices en leur apportant en direct des conseils "au féminin" concernant des sujets qui ne leur sont pas toujours familiers, des problèmes de retraite aux questions de santé ou de pension de reversion... Côté fidélisation, plutôt que d'user de techniques éculées de marketing direct, la compagnie a préféré miser sur le relationnel en lançant un service de soutien. Chaque nouvelle cliente reçoit ainsi, dès son adhésion, une carte dotée d'un numéro d'appel personnel vers la ligne "Fil femme". A l'autre bout du combiné, tout un ensemble de professionnelles se tiennent à sa disposition afin de répondre à toutes ses interrogations, aussi bien juridiques que médicales ou plus générales. Et la demande s'avère au rendez-vous. La Compagnie des femmes comptabilise aujourd'hui quelque 3 000 clientes, avec un chiffre d'affaires tournant aux alentours de 28 millions d'euros.
Un cercle très VIP chez Sonia Rykiel
La qualité de service rendue par les marques de luxe françaises serait perçue comme globalement médiocre par les consommatrices. C'est tout du moins ce qui est ressorti du baromètre orchestré par l'agence Nouveau Siècle en 1999, en partenariat avec le MBA Luxury Brand Management de l'Essec. Afin de remédier à cela, Sonia Rykiel a donc décidé de renforcer sa stratégie de fidélisation en lançant, début 2000, le "Cercle VIP", destiné aux 20 % de ses meilleures clientes. Objectif : récompenser les consommatrices les plus fidèles en mettant à leur disposition toute une gamme de services privilégiés. Tel que, par exemple, la présélection et la réservation d'articles par téléphone, ceci grâce à une puissante base de données, incluant notamment la taille de vêtements portée par les clientes et leur historique avec la marque. Il sera ainsi possible de leur suggérer, en fonction de leurs achats passés, de nouvelles idées d'habillage tout à fait personnalisées au moment des nouvelles collections. Sont également disponibles la livraison à domicile desdits articles, ainsi que l'envoi d'invitations à des soirées événementielles tout à fait sélectes. Dans le même ordre d'idées, l'entreprise a également instauré le concept de "personal shopper" dans ses magasins, afin de faciliter l'expérience d'achat à ses clientes. Soit un vendeur personnel qui accompagnera la consommatrice à travers l'ensemble des rayons lors de son passage en boutique. Objectif : retenir des femmes qui consomment pour un montant estimé de 20 jusqu'à 50 % supérieur à la moyenne des clientes du secteur.
Audi fait dans le service "premium"
Il n'y a pas à en douter. L'automobile n'est pas encore l'apanage des femmes. Quand bien même Monsieur se consumerait aujourd'hui de désir pour la Peugeot 106 de sa femme, cette dernière n'en demeure pas moins une "niche" marketing que nombre d'acteurs français du secteur se refusent encore à approcher de manière spécifique. Ce qui n'a pas empêché un constructeur tel qu'Audi de tenter tout de même l'aventure, avec son modèle A2, particulièrement plébiscité par les femmes. C'est que la voiture comporte en elle même toute une série de caractéristiques répondant plus spécifiquement aux attentes féminines, des séries intérieur en cuir beige clair ou rouge flamboyant à la trappe d'entretien externe et isolée pour l'huile de moteur et le liquide lave-glace. Les conductrices n'ont plus ainsi à se soucier de savoir où verser ces fluides. Afin d'attirer l'attention de son coeur de cible, les femmes CSP+, sur le lancement de la nouvelle Audi A2 Pack plus en janvier 2002, la marque a initié un service événementiel "premium" à Paris, rue du Faubourg Saint-Honoré et place Vendôme, du 15 au 24 décembre 2001. Objectif : permettre aux clientes potentielles de se faire raccompagner gratuitement en Audi A2 chez elles, après avoir effectué leurs courses de Noël. Une quinzaine de véhicules ont été mobilisés pour l'opération, ainsi que tout un ensemble d'hôtesses et de voituriers habillés aux couleurs d'Audi, postés à la sortie des plus prestigieuses boutiques. L'événement a par ailleurs été annoncé via un mailing ciblé, envoyé à environ 2 000 femmes habitant aux alentours des lieux de l'opération. Tout ceci pour un coût total estimé à moins de 23 000 euros. Une expérience que le constructeur compte bien réitérer dans le courant de l'année, à l'occasion cette fois-ci des grands défilés de haute couture parisiens.