Assurance et Internet : le canal électronique fait ses preuves
Parce que l'évaluation du risque est leur coeur de métier, les assureurs ont su résister aux sirènes de l'Internet, dans un premier temps. Désormais bien intégré, le canal électronique apporte une contribution non négligeable au développement de ce secteur : notoriété pour les uns, différenciation par le service pour les autres, compression des coûts et élargissement des parts de marché, quand il ne s'agit pas de modèles économiques tout à fait innovants. Bref, autant d'éléments qui prouvent la pertinence et la cohérence entre Internet et assurance.
Un assureur avisé doit toujours savoir rassurer ses assurés. Autrement dit,
la condition du succès, pour les acteurs de l'assurance, c'est avant tout une
histoire de confiance. Or, sur Internet, la confiance est tout sauf acquise,
notamment en raison des déboires liés au rodage du commerce électronique, dont
le douloureux souvenir tarde encore à se dissiper. Les premiers à en faire les
frais ont été les AGF. Un an à peine après le dithyrambique lancement de son
site OKAssurance (2000), la compagnie a été contrainte de battre en retraite,
faute de résultats probants. Ainsi, "L'assurance qui vit avec son temps", base
line du site internet des AGF, n'aura pas eu le temps de convaincre son marché.
Malgré la pertinence de son offre de couverture auto et habitation pour les
particuliers, et malgré les importants budgets publicitaires (4,2 ME) consacrés
au lancement de la marque, l'assureur n'a jamais réussi à transformer son
audience en contrats. « En ligne ou pas, ce métier ne peut s'adosser à une
stratégie publicitaire pour gagner la confiance. Seul le service après-vente,
c'est-à-dire le dédommagement de l'assuré, peut l'instaurer au fil du temps »,
indique Christian Giraud, directeur des systèmes d'information du marketing et
du pôle internet chez Maaf Assurance. En prime de consolation, les AGF peuvent
au moins se flatter d'avoir contribué à l'évangélisation de ce marché,
aujourd'hui beaucoup plus réceptif à la démarche des assureurs en ligne. Qui
ont, tous, plus ou moins tiré les leçons de la douloureuse expérience
d'OKAssurance.
Stratégie des petits pas
Chez
l'assureur Maaf, la genèse d'Internet débute en 1996, avec un premier site
considéré à l'époque comme simple vecteur de communication. Stratégie initiale
de l'assureur : préserver la cohérence entre l'image de marque traditionnelle
et son extension sur Internet. « Ce canal ne doit pas créer de rupture, mais
compléter et prolonger l'existant pour nous permettre de gagner en notoriété
auprès d'une nouvelle cible de clientèle », explique Christian Giraud. Raison
pour laquelle le groupe n'a jamais envisagé la création d'une marque spécifique
à son offre en ligne. Conscient du fort potentiel du canal internet, la Maaf
entend en poursuivre le développement, mais sans bousculer les habitudes des
clients et sans révolutionner l'organisation de ses process métier. Car la
force de Maaf, c'est avant tout son réseau et ses conseillers clientèle. « Nous
n'avons jamais eu une culture de précurseur sur Internet. Son développement est
à privilégier et doit prendre sa place dans les processus de la relation client
en osmose avec le réseau de Maaf », explique le directeur. En bon observateur,
attentif aux évolutions du marché, Maaf structure progressivement son site en
l'adaptant, pas à pas, aux attentes des utilisateurs. Aujourd'hui, maaf.fr,
c'est de l'information, des outils pour réaliser des devis et, depuis fin
octobre, la possibilité de consulter son dossier et déclarer ses sinistres sur
l'espace client dédié. Actuellement, l'assureur enregistre entre 75 000 et 100
000 visites mensuelles. Elles génèrent, en moyenne, entre 35 000 et 45 000
demandes de devis par mois. En 2001, 9 000 contrats étaient souscrits
directement en ligne par de nouvelles cibles de clientèle. « En prospection, le
média a fait ses preuves, assure Christian Giraud. Il s'agit désormais d'en
accélérer le développement pour maximiser les retours. » A commencer par
l'accroissement de la visibilité du site. Pour remplir cet objectif, Maaf vient
de signer un accord de partenariat avec MSN, qui véhiculera l'offre de
l'assureur auprès de ses 3,7 millions de visiteurs mensuels.
Dopage par Internet
Dix ans ont été nécessaires à
Direct Assurance pour imposer son modèle de vente directe par téléphone et
récolter les premiers bénéfices de cette stratégie de longue haleine. Le
greffon du canal internet aux systèmes informatiques de la société date de
1999, en France. Mais en Allemagne, pays laboratoire pour toutes les
innovations du groupe, l'intérêt du Net a été validé dès fin 1998. Depuis, le
site de l'assureur ne cesse de s'améliorer et de s'enrichir de fonctionnalités
innovantes en réponse aux attentes du marché. Les dossiers papier sont
progressivement remplacés par des courriers électroniques, les tarifications
les plus complexes, telles que celle de l'assurance auto, se font désormais en
ligne en temps réel et le nombre de contrats souscrits à partir du site double
chaque année. De 3 000 souscriptions en 2000, le site est passé à 20 000
contrats en 2002. De quoi valider l'apport du média au métier de l'assurance
traditionnelle. D'autant que, de l'aveu même de Guy Stouls, P-dg de Direct
Assurance, ce supplément de contrats correspond à une source de revenus
additionnelle à celle issue du canal téléphonique. « Internet est un formidable
accélérateur de développement, un canal de distribution supplémentaire qui nous
permet de toucher de nouvelles cibles de clientèles », se réjouit le P-dg. Une
success story d'autant plus fulgurante qu'elle s'est inscrite dans une logique
de vente directe facilement déclinable sur Internet. Mais, si Guy Stouls est
prêt à parier sur la montée en puissance de ce canal dans les années à venir,
il reste néanmoins convaincu de sa nécessaire complémentarité avec les autres
canaux : « La relation en ligne ne remplacera pas le conseil téléphonique et
l'assurance ne se dématérialisera jamais complètement car, dans ce métier, le
contact humain reste nécessaire. »
L'audacieux pari du tout Internet
Pour Stéphane Favaretto, responsable marketing France
d'Ineas, les utilisateurs réclament le contact humain dans la mesure où on le
leur propose. « Chez Ineas, c'est le site lui-même qui amène l'internaute à se
satisfaire de l'e-mail », assure-t-il. Cet assureur européen lancé en 1998 (4
pays) mise sur la dématérialisation totale des produits de l'assurance. L'idée
force de la compagnie : adapter la chaîne des process de l'assurance au média
internet et non l'inverse. L'objectif étant de réaliser des économies d'échelle
sur les coûts de structure et de gestion, à répercuter sur la tarification des
polices et le développement des services. « Dans le domaine de l'assurance, 80
% des économies se font là où cela ne se voit pas, en back-office », indique
Stéphane Favaretto. D'où l'intérêt, pour Ineas, de se doter d'une structure 100
% en ligne, avec un back-office identique pour l'ensemble de ses quatre sites.
Toute la communication interne, externe et les relations avec les clients se
font par voie de courrier électronique, au même titre que les souscriptions de
contrats de couverture et le suivi en temps réel des sinistres. Seule
l'assistance, en cas de dommage, passe par le téléphone. Bref, bien plus qu'un
canal de distribution supplémentaire, Internet est la colonne portante de cette
compagnie entièrement virtuelle qui compte bien révolutionner l'assurance
traditionnelle. « Nous sommes convaincus de la validité de ce modèle, à
condition d'apporter, en termes de transparence, plus de confort et de services
que ce que proposent les assureurs traditionnels », indique Stéphane Favaretto.
Bien que les résultats de l'assureur soient, pour l'heure, anecdotiques (10 000
contrats depuis 2001), l'objectif 2003 table sur la souscription de 25 000
polices pour l'ensemble des quatre pays. Difficile, à ce stade, de parier sur
un concept aussi innovant qui ne pourra s'affirmer qu'avec la caution des
assurés, après dédommagement.
Elargir l'offre
Avec 25
000 polices souscrites en 2002 pour une marge brute de 2,5 millions d'euros,
Assurland se flatte d'avoir atteint la rentabilité de ses activités en à peine
deux ans d'exercice. Plus qu'un comparateur de tarifs, ce site est un
appréciable apporteur de trafic et de revenus pour l'ensemble de ses
partenaires et affiliés : les assureurs, en ligne ou pas. L'idée fondatrice de
ce site ? Elle a trait à la nature même de l'assurance dommages. « Les écarts
de prix des polices sont fonction du type de produit et du profil de l'assuré
si bien qu'il n'est pas inutile de demander l'avis d'un moteur de comparaison
avant de s'engager avec tel ou tel autre acteur », explique Stanislas Di
Vittorio, fondateur et gérant du site. Premier intermédiaire des assureurs en
France, Assurland revendique 20 % de taux de transformation de ses visites en
souscriptions de contrats d'assurance, ventilées auprès d'une vingtaine de
compagnies référencées par le moteur. Les sources de revenus du site sont
multiples : les commissions à la vente génèrent l'essentiel des recettes, mais
la commercialisation de la base de données de 600 000 membres ultra qualifiés
représente un complément de revenus non négligeable. En 2003, le site compte
poursuivre sa croissance, notamment en élargissant son offre à d'autres types
de produits (prévoyance, assurance emprunteur...).
secteur : Le poids de l'assurance en France (chiffres 2001)
Dommages de particuliers : 30 MdE de CA. Automobile : plus de 15 MdE (pour un parc de 29 millions de véhicules). Habitation : plus de 5 milliards d'euros. Source : FFSA
repères
Maaf
Lancement en 1996 et refonte en 1999. Audience : entre 75 000 et 100 000 VU/mois. 35 000 à 45 000 demandes de devis/mois. 9 000 souscriptions de contrats en 2001.
Direct Assurance
Lancement en 1999 (France). Audience 60 000 VU/mois en moyenne. 15 000 demandes de tarifs/mois. 20 000 souscriptions en 2002.
Ineas
Lancement du site français en 2000. Audience : n.c. 10 000 souscriptions sur les 4 pays depuis 2001. 25 000 contrats attendus en 2003.
Assurland
Lancement en 2000. Audience : 600 000 VU en 2001. 25 000 contrats générés en 2002.