Abacus arrive en France
Filiale de l'américain DoubleClick, Abacus Direct, base de données mutualisées de cataloguistes, s'implante dans l'Hexagone. Accueillie par un concert de louanges, son arrivée constitue l'événement de cette rentrée 2004.
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“L'arrivée en France d'Abacus n'est pas une menace, mais plutôt une
opportunité qui va bousculer les habitudes de la profession.” “Abacus prouve
que le modèle anglo-saxon basé sur la mutualisation des données est viable.
Cela ne peut que dynamiser le marché.” C'est ainsi que la profession du
marketing direct accueille la venue dans l'Hexagone d'Abacus, filiale de
DoubleClick. Dans sa version américaine, Abacus est un club privé. Dénommé
“l'Alliance”, il regroupe les bases de données de plus de 1 800 sociétés
américaines de vente à distance, soit 90 millions de foyers. Abacus Direct a
été rachetée en 1999 par le spécialiste des solutions marketing on line,
Doubleclick. Auparavant filiale du groupe VNU, qui possédait également à
l'époque la mégabase de données comportementales Claritas, Abacus est une base
de données mutualisées. Une pratique courante dans les pays anglo-saxons, mais
relativement originale en France, si l'on excepte le secteur caritatif, qui a
été pionnier en ce domaine, ainsi qu'Apollinis, filiale du groupe Wegener,
lancée il y a deux ans, et Concordeo, mise sur le marché dernièrement par
Mediaprisme et Wanadoo Data. Lors du rachat d'Abacus Direct, un groupe de
défense des consommateurs avait accusé DoubleClick d'espionner les internautes
en croisant les données d'Abacus avec celles qu'il avait constituées en
traçant les internautes sur les 13 000 sites web portant une bannière
publicitaire DoubleClick. La firme américaine avait alors réagi en s'engageant
à ne travailler qu'avec des entreprises disposant de chartes claires concernant
la protection des données personnelles, en nommant une entreprise extérieure
- PriceWaterhouseCoopers - pour mener des audits publics et réguliers et enfin
en nommant un “responsable en chef de la vie privée” dépendant directement du
comité de direction. Reste qu'aux Etats-Unis, la base de données Abacus et
celle de DoubleClick ne font plus qu'une.
Adresses de qualité
« Abacus s'est implantée en 1999 en Angleterre avec, à sa tête
Chris Morris, un ancien de Claritas. A cette époque, la société comptait déjà
s'installer en France, dans les locaux de Claritas, mais cela ne s'est pas
fait », raconte Jean-Michel Moulié, directeur général d'Apollinis, qui était à
l'époque un des dirigeants de la mégabase de données comportementales Claritas
France. A la tête de la plus ancienne base de données mutualisées française,
celui-ci envisage l'arrivée d'Abacus en France avec sérénité. « Elle prouve
qu'il existe un marché des bases de données mutualisées et légitime le
travail d'Apollinis. » Même son de cloche chez Frédérique Agnès, P-dg de
Mediaprisme, qui, avec Concordeo, commercialise une autre base de données
mutualisées. « Cela va dans le sens du marché, confirme-t-elle. Il est
demandeur d'adresses de qualité. Nous ne sommes pas concurrents, mais
confrères. Et, plus il y aura de fichiers, mieux le marché se portera. »
Quant à Thierry Asmar, P-dg d'Acxiom France - société commercialisant la
première base de données comportementales, issue de la fusion de Claritas et de
Consodata -, il réagit pareillement : « J'en pense beaucoup de bien. Nous avons
déjà une activité de gestion pour compte de tiers avec eux. Ce n'est pas une
menace, mais une opportunité qui va bousculer les habitudes du marché. Nous
sommes en fait des “concurralliés” ! »
Données RFM
Après l'Angleterre en 1999, le Japon en 2003, l'Australie et l'Allemagne en
2004, c'est à l'occasion des Rendez-Vous Européens de la VAD et du Marketing
Direct, qui se déroulent mi-octobre à Lille, que doit être annoncée la création
de la filiale française. A sa tête, Didier Farge, un spécialiste du marketing
direct, qu'il a appris chez Wunderman Cato Johnson, sous la férule de Lester
Wunderman, puis chez Message Media Europe et EmailVision. Un spécialiste qui
siège au SNCD (Syndicat national de la communication directe), en tant que
président de la section Europe. « Abacus France sera une base de données
mutualisées pour la vente à distance, explique-t-il. Son principe est le même
qu'aux Etats-Unis : une alliance de cataloguistes dont l'anonymat est préservé.
Une base de données d'acheteurs multiples comportant l'historique de leurs
achats. » Le fonctionnement est simple : la base de données est hébergée
gratuitement, l'annonceur ne paye qu'à l'extraction. Elle comporte les
éléments de récence-fréquence et montant (RFM) sur douze à trente-six mois.
Dans un premier temps, un rapport de qualité sur le contenu de la base de
données est envoyé à son propriétaire. Puis Abacus effectue des requêtes.
L'annonceur comparera la liste des clients inactifs depuis douze à trente-six
mois avec la base de données. Il verra s'ils sont actifs dans un autre secteur
et dans quelle catégorie, et pourra élaborer une stratégie pour les réveiller.
Abacus se charge de délivrer des segmentations et d'affecter des indices
d'affinité. Afin de ne pas être accusée d'ingérence, Abacus France n'hébergera
pas les données, mais aura recours à un prestataire extérieur. Celui-ci
affectera un code aux adresses pour sauvegarder leur anonymat. Selon Didier
Farge, l'ambition d'Abacus France est d'être le référent incontournable pour la
vente à distance. Il insiste sur l'étanchéité totale entre DoubleClick et
Abacus, précisant qu'il ne sera question que d'adresses physiques et non
d'adresses e-mails.
Sur-exploitation ?
Le concert de
louanges qui accompagne la venue d'Abacus en France cache cependant des
non-dits. Beaucoup d'observateurs estiment que l'avenir des mégabases
comportementales appartient à celles qui seront mutualisées et que le modèle
des mégabases déclaratives du type Claritas et Consodata devient obsolète.
Toutefois, le risque, lorsqu'on dispose d'une base de données d'acheteurs de
VPC, c'est la consanguinité. Comme on peut le constater dans le domaine du
caritatif, l'échange d'adresses sur le même créneau peut tuer la poule aux œufs
d'or. A force de faire tourner des adresses, on en arrive à une saturation des
consommateurs par surexploitation. Reste que, dans le secteur de la vente à
distance, le coût d'acquisition des clients s'élève de façon régulière et qu'il
est difficile de sortir de cette spirale infernale. Le marché demande des
adresses qualifiées et l'échange d'adresses est un moyen pour abaisser les
coûts de recrutement. Mais est-ce vraiment la bonne réponse à un vrai problème
?
Parcours
Dider Farge 1982 à 1988: Chef de produit et chargé d'études chez Unilever. 1988 à 1997: Directeur associé de WCJ Paris. 1997 à 1999: Directeur général de WCJ Bruxelles. 1999 à 2001: Directeur Europe de Message Media. 2001 à 2002: Directeur général d'Email Vision. 2003 à 2004: Directeur de FDC Marketing. 2004: Directeur général d'Abacus France.
Les forces en présence
Acxiom : base de données comportementales, issue du rachat de Claritas et de Consodata, comportant 6 millions d'adresses. Apollinis : base de données mutualisées comportant les adresses de 10 millions de foyers français. Concordeo : base de données mutualisées comportant 4,5 millions d'adresses de particuliers multiactifs en VPC.
Carte de visite Abacus US
1 600 membres. 90 millions de foyers. 59 millions de foyers actifs. 20 millions d'adresses B to B. 7 millions d'adresses e-mails.