« Nous avons recentré l'information pour avoir une gestion unique du client »
Refonte de la carte de paiement, de la base de données, construction d'une politique relationnelle avec les clients. Ces dernières années, les Galeries Lafayette n'ont pas chômé ! Bruno Bourel, directeur fidélisation et études marketing, retrace ces trois grandes étapes.
Je m'abonneQuel est l'historique de la politique de fidélisation des Galeries Lafayette ?
En fait, la politique de fidélisation a
démarré il y a un peu plus de trente ans à travers une carte de paiement, gérée
à l'époque par Cetelem. A l'issue du rachat, en 1991, des Nouvelles Galeries
par les Galeries Lafayette, la gestion de la carte est passée chez Cofinoga, en
1994. L'objectif majeur de la carte est de donner un statut de "privilégié" à
certains clients et de cibler des communications auprès de clients identifiés.
En trente ans, le contenu "programme" de la carte a changé. De même, la base de
données a sensiblement évolué au cours de ces années. Mais on ne pouvait
toujours pas faire de marketing ciblé !
Qu'avez-vous donc décidé de mettre en place ?
Ces dernières années, trois grands chantiers ont
été mis en route. Tout d'abord, nous avons pris la décision de modifier en
profondeur le "contenu commercial" de la carte. Puis de reconstruire la base de
données pour qu'elle soit plus précise, réactive et évolutive. Enfin, de
construire une véritable politique relationnelle avec les clients. Aujourd'hui,
notre objectif est de bâtir une politique fondée sur l'établissement d'une
relation personnalisée, cohérente, durable et rentable avec les clients, à
partir de la connaissance de leurs comportements, besoins et attentes.
Concrètement, quels changements ont été apportés à la carte ?
Nous avons reconstruit la carte de paiement, qui contient un
certain nombre d'axes. Ces axes sont engageants de la part à la fois des
Galeries Lafayette et des clients. Il s'agit aussi de démarrer une politique
basée sur la reconnaissance et la récompense. Première nouveauté : la carte qui
était gratuite est devenue payante (7 euros) depuis février 2001. Pour quelles
raisons avons-nous choisi de la rendre payante ? En contrepartie du paiement de
la carte, les Galeries Lafayette proposent un certain nombre d'avantages.
Lorsque le porteur de carte en bénéficie, le coût de la carte s'amortit. Le
fait que celle-ci ait une valeur permet aussi de faire la différence entre un
client qui a envie d'avancer avec nous et un client plus "opportuniste". Nous
voulons associer à cette nouvelle carte les notions de choix et de liberté.
Notre carte est la première carte grand magasin à avoir un code secret au choix
du client. Et, sur un plan technologique, il est possible de la distribuer
immédiatement en magasin.
En matière de paiement, avez-vous fait des modifications ?
Auparavant, la carte était une carte de crédit
avec possibilité de payer comptant. Avec un relevé envoyé à une fréquence
mensuelle. Soit les achats étaient débités d'un montant minimum, soit le
porteur de la carte pouvait compléter ce montant par un chèque. La nouvelle
carte, que nous avons appelée la carte Désir, propose l'inverse. Le choix du
paiement peut se faire à la caisse. Soit le prélèvement est effectué
immédiatement sur le compte bancaire, soit le choix du mode de paiement
s'effectue à la réception du relevé. Ce choix se fait lors de chaque achat, à
chaque ticket de caisse. Cette nouvelle possibilité correspond à la demande des
clients.
Quels types d'avantages propose la carte ?
Le
principal avantage consiste en une Journée Privilège, qui permet d'obtenir une
journée avec un escompte de 10 % après cinq journées d'achat. Au lieu de donner
de l'escompte à tous les clients, on donne un bonus à ceux qui le méritent.
C'est le client qui fait le choix de sa Journée Privilège.
En modifiant la
carte, l'objectif des Galeries Lafayette est de se rapprocher de l'intérêt des
clients et de leurs attentes. Les autres privilèges : au minimum quatre
journées avec 15 %. Plus différents services : livraison gratuite, quel que
soit le montant de la commande dans un périmètre donné, les retouches simples
gratuites, les complexes à 50 % de réduction, ainsi que des attentions
particulière... Le porteur de la carte Galeries peut éga-lement bénéficier de
S'Miles, qui est le programme de fidélité du réseau, qui regroupe 50 enseignes
partenaires (BHV, Monoprix, Casino...). A chaque achat dans ces enseignes
partenaires, il cumule des points de fidélité. Ces points peuvent ensuite être
convertis en cadeaux plutôt orientés vers les loisirs et les voyages... La
carte procure ainsi des avantages dans le magasin et en dehors du magasin.
Comment s'est passé le transfert de l'ancienne carte vers la nouvelle ?
Différents modes de communication ont été utilisés pour
annoncer l'arrivée de cette nouvelle carte. Pour tous les clients déjà
porteurs, la carte est gratuite pendant un an. A ce sujet, nous avons constaté
que peu de clients ont contesté le fait qu'elle soit devenue payante. Le
changement de carte s'effectuant en magasin, il faut signer un nouveau contrat
dans des espaces spécialisés. Notre meilleur levier, c'est le personnel de
vente. Nous avons donc mis au point toute une batterie de stimulation à son
intention. Nous voulions faire en sorte qu'à la fin 2002, entre 60 et 80 % de
bons clients aient transféré leur carte. Aujourd'hui, on est un peu en dessous
de ces prévisions, mais ceux qui transfèrent leur carte sont des bons clients.
Nous pourrons atteindre nos objectifs grâce au programme de stimulation. Dans
une phase suivante, nous allons expliquer aux clients et aux inactifs leur
intérêt à changer de carte.
Quel est le nombre de porteurs de carte ?
Nous avons 900 000 porteurs actifs. Ce chiffre comprend les
porteurs de l'ancienne et de la nouvelle carte.
Existe-t-il d'autres nouveautés ?
Dans le cadre de cette stratégie carte, nous
en avons mis en place deux nouveautés. Tout d'abord une carte jeunes :
Lafayette Mod'Pass. Conçue après la nouvelle carte de paiement, elle est
cependant sortie avant. Il s'agit d'une carte de fidélité, ce qui est plus
simple à gérer qu'une carte de paiement. Délivrée, pour l'instant, uniquement
au magasin Haussmann, elle offre aux jeunes de 15-25 ans, - en fait, nous nous
sommes aperçus que ce sont surtout les 18-22 ans, qui la prennent -, toute une
série d'avantages sur les marques, les bons plans... Grâce à un système de
fidélité, elle permet de donner une journée avec un escompte, au bout de 5
journées d'achat. Mais elle ne procure pas tous les avantages de la carte
Désir. Le programme associé à cette carte est différent ; en revanche, il peut
y avoir des passerelles entre les cartes. Lancée en août 1999, la carte
Mod'Pass possède 25 000 porteurs actifs. Elle doit être généralisée, dans les
magasins où il existe une offre jeunes conséquente. Autre nouveauté : le
lancement, depuis mai 2002, de la carte Lafayette Prestige, qui est le haut de
gamme de la carte Désir. Payante, elle coûte 7 euros par mois. Mais nos
meilleurs clients, les "Gold", l'obtiennent gratuitement. Les porteurs de cette
carte bénéficient d'un escompte de 15 % lors de la journée Privilège, les
retouches et les livraisons sont totalement gratuites... Par ailleurs, les
points S'Miles cumulés valent 50 % de plus que les points de base. Toujours
pour les clients Lafayette Prestige, nous avons ouvert dans le magasin
Haussmann un "salon" à leur intention. Aux Galeries Lafayette, avoir un espace
sans marque dédié aux clients constitue une véritable révolution culturelle. A
titre d'information, pour tous les clients qui le souhaitent et pour les
porteurs de la carte Lafayette Prestige, nous avons monté un partenariat avec
e-Rotschild, pour proposer un produit d'épargne très haut de gamme. Nous avons
aussi d'autres projets dans l'univers de la carte, sachant que cette activité
doit toujours s'adapter aux conditions du marché.
Votre deuxième étape concerne la base de données. Quelles ont été les grandes lignes de ce chantier ?
Nous l'avons complètement refaite ! Nous avons effectué
un travail de recentrage de l'information, afin d'avoir une gestion unique du
client. La base, qui est constituée par la remontée des tickets de caisse, est
gérée en interne, administrée par e-Laser. Nous travaillons beaucoup en
synergie avec les sociétés du groupe. Nous avons travaillé aussi avec IBM. Nous
utilisons le logiciel de sélection de clients (CRM) de Chordiant, Microstrategy
pour le reporting et Intelligent Miner pour le data mining. Au total, figurent
dans la base 1,4 million de clients dont les inactifs. Il est prévu d'y ajouter
d'autres fichiers, tels que ceux de la carte Mod'Pass, Lafayette Mariag... Nous
pouvons également y intégrer tous les clients des Galeries Lafayette, qui sans
être spécifiquement des porteurs de carte souhaitent néanmoins recevoir de
l'information... Par ailleurs, des partenariats pourront être noués avec les
marques, et nous pourrons conduire des opérations spécifiques avec elles. Cette
refonte de la base de données va nous permettre de passer à la troisième phase
: la politique de relation client.
Alors, plus précisément, que comptez-vous faire en matière de marketing relationnel ?
Jusqu'alors, les Galeries Lafayette pratiquaient un marketing direct de masse.
Nous souhaitons avoir maintenant une communication plus personnalisée, pouvoir
écrire à un client de façon plus proche. Pouvoir aussi envoyer une information
concernant un segment de clientèle : les femmes avec enfant ou autres... Par
exemple, pour les 3 J, il faut que l'on score nos clients afin d'écrire à ceux
qui ont la plus forte chance de venir. Avec la base, nous devons pouvoir faire
un traitement différencié des clients : comment traiter de manière différente
les clients Gold ou les VIP, qui achètent des produits très haut de gamme.
Mais, pour l'instant, le comportement des clients Lafayette Prestige est encore
peu connu. La nouvelle base de données va nous permettre également d'identifier
nos clients potentiellement rentables. Car, sur 100 clients, 5 assurent 50 % de
la rentabilité ! Il faut donc les connaître, les suivre. Dès que l'on constate
une rupture forte, il faut s'y intéresser de près.
Comment est organisée l'équipe marketing ?
Nous nous sommes donné les moyens
d'agir. Au total, l'équipe comprend douze personnes dont des marketers, des
analystes, des statisticiens... Sachant que la communication dépend de la
direction de la communication. Toute la communication directe est conçue par
Nouveau Siècle, la publicité étant réalisée par Publicis. Pour gérer chaque
opération, une équipe de trois personnes (marketing, publicité et routage) se
constitue.
Et la prospection dans tout cela ?
La
prospection constitue un axe de développement. Pour fidéliser, il faut avoir
prospecté. La séparation conquête/fidélisation a moins de sens, c'est du
marketing client avant tout !
Biographie
46 ans, ISC (Institut supérieur de commerce) et CPA (Centre de perfectionnement aux affaires), Bruno Bourel entre aux Galeries Lafayette en 1982 au contrôle de gestion, puis prend la responsabilité des services financiers en 1986. Il revient en 1989 au contrôle budgétaire comme responsable. Il devient ensuite adjoint au directeur du magasin Haussmann. En 1997, il reprend le département marketing client devenu fidélisation. Il est directeur fidélisation et études marketing des Galeries Lafayette depuis deux ans.
L'entreprise
2,3 milliards d'euros de chiffre d'affaires. 60 magasins. 483 000 m2 de surface de vente. Effectif : 13 000 salariés (+ 5 000 démonstratrices). Magasin Haussmann : 0,7 milliard d'euros de chiffre d'affaires ; 56 000 m2 de surface de vente.