«Nous allons lancer une carte de fidélité en 2010»
Le spécialiste du café gourmand est né voilà près de 40 ans aux Etats-Unis. en France , Starbucks vient d'ouvrir son 53e salon et a multiplié par sept son chiffre d'affaires en cinq ans. Le succès de l'enseigne repose sur la qualité de ses produits et l'ambiance conviviale qu'elle a su créer. Le café du coin «made in USA» est en passe de réussir sa percée en Europe.
Je m'abonneMARKETING DIRECT nommé début 2008, votre expérience est essentiellement américaine...
- Je suis Français, mais j'ai vécu presque vingt ans aux Etats-Unis et Starbucks, très implanté outre-Atlantique, fait partie de mon rythme de vie depuis une dizaine d'années. Recruté aux Etats-Unis, je suis depuis un an directeur général de l'activité française.
Quelle est l'histoire de cette marque?
- Torréfacteur à Seattle, notre fondateur est tombé sous le charme des cafés italiens dans les années soixante-dix. Il a alors compris qu'il fallait servir un bon café dans une ambiance conviviale. Le concept a si bien marché que Starbucks fait aujourd'hui partie du quotidien des Américains. C'est devenu un «troisième lieu», entre le bureau et la maison.
Quelle stratégie de fidélisation développez-vous?
- La fidélisation chez Starbucks, c'est avant tout l'expérience dans nos magasins. Il existe certes des techniques et des outils très appropriés, mais, pour nous, c'est secondaire. Vous comme moi, nous choisissons d'entrer dans un Starbucks car le café y est d'excellente qualité, nous y restons car le cadre est sympathique et nous y revenons car l'accueil est chaleureux. A partir du moment où cette connexion est établie, il n'y a plus besoin d'outils. Si l'on arrive à tenir cette promesse, plus besoin de fidéliser. Et c'est là où nous investissons. Dans cette promesse, on trouve la qualité du produit, la qualité du lieu et la connexion avec le barista [garçon de café, en italien, NDLR]. Et cela, que ce soit au Japon, en Allemagne, aux Etats-Unis... partout où nous sommes implantés.
L'offre produit reste-t-elle votre principal atout?
- Nous vendons des cafés 100% arabica, les meilleurs du monde, issus du commerce éthique. Et les clients viennent avant tout pour déguster un produit de haute qualité. La fidélisation avec nos clients commence par là, en respectant des fondamentaux. A partir de mars 2010, tous nos cafés seront certifiés Max Havelaar. De plus, à partir de la fin 2010, tous les magasins qui ouvriront dans le monde seront écoresponsables. Mais, hormis l'espresso, qui représente 25% des ventes en France, nous développons aussi beaucoup les boissons gourmandes. Aux Etats-Unis, par exemple, c'est le café filtre qui remporte un franc succès. Pour faire adhérer nos clients à nos nouveautés, nous avons créé les «Aroma Labs» qui sont des ateliers dégustation en magasin, y compris avec des produits associés. Nous travaillons aussi beaucoup sur le business responsable.
POINTS-CLES
- Janvier 2004: ouverture du premier salon en France, dans le quartier de l'Opéra, à Paris. - En 2009: 53 salons dans l'Hexagone (dont trois à Lyon). - 800 employés. - Plus de 7 millions de consommateurs, dont 70% de femmes, de 35-40 ans. - Près de 10 millions de clients en 2008. - 25% des cafés dégustés sont des espresso. - CA de 36 millions d'euros en 2007; 50 millions d'euros en 2008.
Utilisez-vous des outils de MD?
- Pour moi le meilleur outil ce n'est pas la technique ni la tactique mais l'expérience. J'ai travaillé chez Nike pendant six ans et j'ai rejoint Starbucks pour les mêmes raisons. J'ai la chance de travailler pour une marque qui repose sur une relation passionnelle. Nos consommateurs ont un attachement émotionnel avec la marque et ça vaut de l'or. Et il faut continuer à l'enrichir. Quand on peut recourir à l'émotion, on évolue dans un autre monde.
En revanche, l'expérience internet est décevante. Votre site français n'est pas une très belle vitrine...
- En effet, nous devons y travailler. Mais, en France nous sommes une petite société qui n'a que six ans d'existence. Nous organisons nos priorités en bon ordre et travaillons d'abord sur les fondamentaux. Nous avons réalisé 7 ME de CA en 2004 12 ME en 2005 et 50 ME en 2008. Nous sommes surtout présents en région parisienne. Nous venons également d'ouvrir notre 53e salon français à Lyon.
Comment votre site web peut-il être amélioré? Quelles sont vos priorités?
- Il est en cours de modification. Nous allons mettre l'accent sur l'ergonomie afin de le rendre plus facile d'utilisation. Cela s'accompagnera bien entendu d'une évolution du graphisme. L'arborescence va être modifiée, avec un contenu qui sera plus étoffé sur certains thèmes. Par exemple, nous allons développer davantage le contenu relatif à notre programme Starbucks Shared Planet, lancé en 2008, qui est notre programme d'engagements et d'actions concrètes en tant qu'entreprise responsable.
Les Mccafé sont-ils des concurrents?
- Bien évidemment, non. Je suis moi-même un client de McDo, mais à certaines heures de la journée. Je n'y vais pas pour boire un café. Le matin, je pousse la porte d'un Starbucks. Notre concept est unique. Même si, en France, le marché est très mûr en ce qui concerne à la fois la connaissance et la consommation du café, la façon que nous proposons de le consommer n'a pas d'équivalent.
Quelles nouveautés préparez-vous?
- Nous avons beaucoup investi en 2009 sur la restauration, y compris avec des chefs pâtissiers. Et nous allons poursuivre dans cette voie. Nos menus du matin et du midi complètent notre offre café, toujours en respectant les goûts des consommateurs français, bien sûr. Pour autant, nous avons des produits phares qui sont d'inspiration américaine. Les consommations du café évoluent, le concept de vente à emporter aussi. Starbucks est là pour répondre à ces nouvelles attentes. A notre lancement, la vente à emporter représentait 20% des ventes, cinq ans après cette proportion atteint 70%. C'est sans doute pour cette raison que notre croissance est si rapide. Nous avons aussi une offre pour la consommation de café sur le lieu de travail, le «coffee Travel», pour les réunions.
Dans cet environnement, une carte de fidélité serait la bienvenue. D'autant qu'elle existe déjà aux Etats-Unis...
Nous allons en effet proposer une carte de fidélité en 2010 en France. Aux Etats-Unis nous en avons lancé une il y a une dizaine d'années mais une nouvelle version en carte de paiement, la «Starbucks Card Mobile», vient tout juste d'être mise en place. Assez sophistiquée, elle permet de consommer du café partout dans le monde. On essaie d'y attacher des petites attentions pour nos clients fidèles. Ce projet demande un peu de temps avant d'être implanté, car cela revient en fait à créer une banque. Mais nous allons adopter cet outil pour mieux connaître nos clients, mesurer, analyser et comprendre leurs attentes. Mais tout cela est vraiment nouveau pour une enseigne comme la nôtre. Notre culture fondatrice est celle des retailers. Nous n'avons pas la culture Microsoft, dont les produits sont très markétés.
A quand une application iPhone comme aux Etats-Unis?
- Très bientôt. Il existe un partenariat étroit entre Apple et Starbucks. Deux applications iPhone viennent d'être lancées aux Etats-Unis. La première, baptisée «MyStarbucks», propose une fonctionnalité de géolocalisation des magasins les plus proches et un service de partage des recettes de café. Plus originale, la seconde, «Starbucks Card Mobile», est expérimentée dans plusieurs villes de la Silicon Valley. Elle intègre un code-barres et propose un système de crédits permettant aux possesseurs d'un iPhone d'acheter leur café sans espèces. Aussi, lorsque vous entrez dans un café aux Etats- Unis, l'application Starbucks, via Safari, se met en route et peut, par exemple, vous indiquer la musique qui se joue dans le café. D'autres nouveautés vont voir le jour dans les salons, comme le wi-fi gratuit. Ce n'est pas autorisé en Amérique, mais c'est possible en France.
PARCOURS
Philippe Sanchez a été nommé dg de Starbucks Coffee France sas en janvier 2008. expert du marketing et des marques, il a mis en place des stratégies de développement et de repositionnement au sein de groupes internationaux tels que Nike, Disney et Getty images. de 2001 à 2003, Philippe Sanchez a été vice-président senior du département marketing de Getty images à Seattle, aux Etats-Unis. chez Nike, de 1995 à 2001, il a occupé la fonction de directeur de l'activité chaussures pour l'Amérique du Sud et le Canada. de 1993 à 1995, chez Disney, Philippe Sanchez a contribué au développement des licences pour les produits grand public de Disney Europe et Moyen-Orient, depuis le siège social européen à Paris. Philippe Sanchez est titulaire d'un MBA de l'insead.
Où êtes-vous présents en Europe?
- Starbucks est installé dans 22 pays européens. Les gros marchés stratégiques sont le Royaume-Uni, l'Allemagne et la France. Nous sommes également implantés en Suisse, en Autriche, en Espagne, au Portugal...
Et en Italie?
- Nous n'existons pas en Italie. La culture café y est très forte, c'est un marché difficile à pénétrer, très sophistiqué.
Vos salons sont-ils implantés sous forme de franchises?
- En France, aucun des salons de café Starbucks n'est implanté sous cette forme, à l'exception des cafés en gare et aéroport. C'est une volonté de notre part, car cela nous permet de garder une réelle cohérence, avec des baristas et des managers engagés, passionnés et à même de partager les valeurs de la marque avec nos clients. Cet état d'esprit, qui fait l'une des forces de Starbucks, est plus facile à créer et à maintenir en gérant nos boutiques en propre.
Comment veillez-vous à la cohérence de vos messages?
- Pour chacune des campagnes de marketing que nous menons, nous veillons à créer la cohérence entre tous nos salons de café, afin que nos clients puissent bénéficier de la même expérience dans nos 53 boutiques. Ce point est très important pour nous. Dans cette optique, nous commençons par organiser une réunion avec les managers de chacune de nos boutiques pour leur transmettre toutes les informations pratiques sur la nouvelle campagne marketing: les produits concernés, la période, les outils de communication à leur disposition, les actions qu'ils peuvent mettre en place auprès des clients pour faire découvrir ce produit. Au cours de cette réunion, nous leur remettons le book de campagne, qui récapitule toutes ces informations et leur servira de guide pour déployer la campagne dans leur salon. Les managers organisent à leur tour une réunion interne avec les baristas rattachés à leur boutique afin de lancer concrètement la campagne marketing.
Comment s'organise le benchmark marketing entre les différents pays?
- Nous organisons des réunions et des conférences téléphoniques régulières entre les directions marketing des pays de la zone EMEA qui nous permettent de partager nos expériences marketing. Cela nous permet de nous inspirer des bonnes pratiques des autres pays lorsque c'est pertinent, en fonction des spécificités de chaque marché.
Avez-vous une plateforme de relation client externalisée?
- Notre plateforme en France est totalement internalisée. Nous avons une personne dédiée qui gère les différentes demandes et remarques que nous recevons. Il peut s'agir de demandes d'aficionados de Starbucks qui souhaitent l'ouverture de salons de café dans leur ville, ou encore des questions sur des produits, des remarques aussi bien positives que négatives, auxquelles nous nous efforçons de répondre rapidement et de façon personnalisée.
PHILIPPE SANCHEZ, DIRECTEUR GENERAL DE STARBUCKS COFFEE FRANCE
«la fidélisation chez Starbucks repose avant tout sur l'expérience client.»