“Monter en gamme pour se différencier”
Le Club Med, c'est désormais du luxe. Clairement revendiquée par le créateur des vacances “tout compris”, la nouvelle promesse client se décline sur le Web, mais aussi à travers un tout nouveau programme de fidélisation, bientôt finalisé. Plus que jamais, le client est traité en VIP.
Marketing direct : Vous promettez « Tous les bonheurs du monde » à vos clients... N'est-ce pas un contrat un peu ambitieux ?
Anne-Sylvie Vaconnet : C'est notre promesse de marque, mais c'est avant tout une promesse produit, le «tout compris» haut de gamme, basé sur une prise en charge offrant une liberté d'esprit totale où chacun peut y trouver son compte. On ne promet pas «le Bonheur» mais la somme de tous les petits bonheurs individuels, à vivre en famille, en couple ou entre amis. Ceci dit, le bonheur est depuis toujours dans l'ADN de la marque Club Med, depuis sa création en 1950, et décliné au travers de campagnes célèbres. L'idée de départ était de libérer l'homme de ses contraintes et de revenir au bonheur originel... Nous sommes l'un des rares voyagistes mondiaux à proposer des vacances multiculturelles dans 30 pays différents, dans l'esprit club. Et cette promesse de marque est déclinée dans tous les pays.
Quelle est l'image du Club Med ?
Nous avons réalisé des tests dès le lancement de notre nouvelle campagne de communication, en janvier 2008. Un prétest quantitatif, mené en France, confirme la puissance de la campagne avec un excellent score d'impact, d'attribution, d'agrément et d'intention d'achat. Par ailleurs, notons que l'image et les visuels jouent parfaitement leur rôle sur le nouveau positionnement haut de gamme avec des scores significatifs sur les items raffinement, fierté et bonheur. Enfin, nous enregistrons de belles performances post-campagne (deux fois supérieures aux objectifs) et nous avons gagné 8 points en juin sur l'intention de partir en vacances avec le Club Med.
Quand avez-vous abordé ce nouveau repositionnement «haut de gamme» ?
Ce virage à 180° a été abordé en 2004. Une batterie de tests clients nous a permis de mieux cerner notre image de marque et les attentes de nos clients. Il fallait monter en gamme, sans perdre l'esprit du Club et relancer le produit. Par ailleurs, nous étions dans un contexte de bipolarisation de marché avec d'un côté une demande sur des voyages pas chers et de l'autre une demande croissante sur les services. Nous avons pris le parti de monter en gamme afin de nous différencier avec un nouveau business model. Ce dernier est basé sur le recrutement de nouveaux clients à hauts revenus (70 000 e nets par an) avec un cœur de cible pays par pays. Nous visons les clients TOP 12 (12 % des plus hauts revenus en France). Le panier moyen est de 1 300 e par personne. Pour la partie publicité, l'agence Publicis et Nous, spécialisée dans le luxe, nous a accompagnés dans ce changement.
« Notre stratégie web est aujourd'hui mondiale. »
@ © Marc Bertrand
Concrètement, qu est-ce que cela signifie en termes d'organisation ?
Nous avons rénové plus de 70 villages dans le monde. Aujourd'hui, plus de la moitié sont positionnés 4 et 5 tridents alors que nous comptions 65 % de 3 tridents en 2004. Dorénavant, tous les nouveaux villages seront positionnés 4 ou 5 tridents. Nous proposons des suites, des Spa, cobrandés avec des marques de référence pour s'approcher de prestations hôtelières de luxe, même si nous restons des villages de vacances. De plus, nous allons continuer à innover sur les services. Un projet interne, baptisé “Magellan” et impliquant toute l'entreprise, permet d'innover dans la personnalisation du service à apporter : durant le voyage, dans les villages et toujours sur le concept de la surprise. Nos clients viennent aussi au Club pour cela.
La famille est-elle un de vos axes stratégiques ?
Oui, c'est un axe prioritaire. Nous avons mis en place une nouvelle politique famille, depuis un an. Ainsi, nous avons étendu la gratuité du séjour à tous les enfants de moins de 4 ans.
Vos clients ont-ils changé ?
Nous savions que nous allions perdre des clients avec notre repositionnement. L'inversion de tendance a commencé en 2006. Dès lors, la demande sur les 4 et 5 tridents a progressé plus vite que la capacité d'accueil de ces villages. D'ailleurs, à l'ouverture de saison, ce sont les villages haut de gamme que nous vendons en premier. Parmi notre clientèle fidèle, la France est plutôt bien placée avec un panier moyen élevé, derrière la Suisse et la Grande-Bretagne.
Quelles actions de marketing direct ont accompagné ce repositionnement ?
Aujourd'hui, nous pensons qu'il est plus facile de parler à nos clients via Internet. Pour autant, nous envoyons régulièrement des mailings papier à nos 2,5 millions de clients actifs (ceux qui ont voyagé avec nous depuis trois ans) et de même à certains clients inactifs en 2005 et 2006. Nous avons l'historique de nos clients depuis 1995 et une équipe en interne est dédiée au data mining. Notre base de données comporte 21,9 millions de contacts et 1,9 million de prospects. Elle n'est jamais sollicitée dans son ensemble puisque nous segmentons toujours nos envois. Chaque action de MD est ciblée. Quand nous avons changé de positionnement, notre objectif était d'expliquer, à travers nos supports, les nouveautés proposées et de convaincre sur la montée en gamme de notre produit. Et bien sûr, nous envoyons une newsletter à nos 700 000 membres inscrits dont 300 000 abonnés en France (environ une fois par mois), en relais des offres commerciales classiques. Des campagnes d'e-mailing sont menées également auprès de notre BDD opt-in, soit 770 000 clients et 800 000 prospects à travers le monde.
Choisir de monter en gamme, c'est choisir de choyer un peu plus les VIP ?
Les VIP sont traités directement par le département RP, par l'intermédiaire d'un programme baptisé «Very Club». Pour nos meilleurs clients, plus que des programmes de fidélité (à points par exemple), nous proposons des programmes de reconnaissance «Proche» (à partir de 8 000 e dépensés) et «Intime» (à partir de 32 000 e), avec des attentions avant (informations exclusives sur les produits ou des «Exclusives», des offres complémentaires), pendant (cocktails, réductions sur les produits de nos boutiques...) et après le séjour sur le mode de la surprise. Nous avons un noyau dur de clients très fidèles.
« Nous visons la clientèle ayant les plus hauts revenus en France. »
Quelle est votre stratégie multicanal ?
Il convient de distinguer les canaux directs (call center, site web et agences) des canaux indirects (agences partenaires payées à la commission). Le Club Med va très loin dans l'intégration multicanal des réseaux directs puisque, outre le système de réservation et la BDD uniques, nous avons mis en place un système de débordement des appels du call center vers les 50 agences en propre en Europe (dont 45 en France) pour améliorer la satisfaction des clients et le taux de décrochés. Et sur Internet, «l'espace client», lancé il y a un an, est multicanal: il permet au client de suivre ou compléter en ligne son dossier, de créer un devis sur un séjour et de le payer ensuite en agence. Aujourd'hui, en France, les agences restent notre principal canal de vente à 70 %, suivi du Web (16 %) et enfin le call center. D'autres pays où le Net est plus mature connaissent de meilleurs résultats sur la Toile (30 %) comme la Grande-Bretagne.
Quelle est votre stratégie en termes d'acquisition et de fidélisation clients ?
Nous travaillons sur un programme de fidélisation mondial, avec le même niveau de service et de qualité quel que soit le pays, qui sera relayé sur notre site web dans l'espace client. Aujourd'hui, certains pays disposent de programmes de fidélité qui donnent droit à des avantages. Dans l'esprit, ce sont plus des programmes de reconnaissance que d'incitation à consommer plus. Les clients entrent dans un Club fermé et on ne les poussera jamais à consommer plus. Ce qui compte, c'est qu'ils se sentent privilégiés. Et puis, nous mettons un point d'honneur à ce qu'ils se sentent impliqués en leur demandant, après leur séjour, de remplir un questionnaire de satisfaction, lequel a un taux de retour de 40 % !
Internet a joué un rôle capital dans votre repositionnement. Quelle est votre stratégie web ?
Nous souhaitons mettre en place sur Internet un système de distribution sélective et directe. Notre produit de luxe est assez cher donc il doit être expliqué et contextualisé. Aujourd'hui, la plupart des voyagistes ou acteurs de l'e-tourisme proposent une entrée dans l'offre par le prisme du prix. Ce qui est pour nous antinomique avec la façon dont on peut vendre notre produit. Nous réfléchissons à une logique de «Shop in the shop» en créant un univers Club Med au sein d'un site de voyages. Notre nouveau site, lancé en septembre 2006, en partenariat avec l'agence FullSIX, est à la fois un site vitrine et un site de contenus. Il reprend en partie les codes du luxe et la charte de marque, même s'il garde la praticité d'un site marchand. Sur le Web, nous allons réaliser plus de 200 MEuros dans le monde sur un chiffre d'affaires de 1,7 MdE et en France, 100 MEuros sur le Web sur un CA de 637 MEuros en 2007. Notre stratégie est aujourd'hui mondiale. Le site est décliné dans 23 pays dans 10 langues. Le Net est notre tête de pont pour une présence internationale.
Votre catalogue reste-t-il très déterminant dans l'acte d'achat ?
Nos clients y sont très attachés et l'appellent par son nom «Le Trident». Comme avec un magazine, c'est avec lui que nos clients commencent à rêver de leurs vacances. Deux brochures (été et hiver) sont envoyées par an à 400 000 exemplaires chacun. C'est un vrai levier de recrutement. Mais il est à noter qu'Internet est un relais-clé : plus de 80 % de nos clients sont passés sur le Web.
Comment les nouveaux clients viennent-ils à vous ?
Internet est le canal qui représente le plus fort taux de recrutement. C'est un fort levier de croissance pour le Club. Quel que soit le pays, on observe un différentiel de 10 points par rapport aux autres canaux et ce, même si Internet reste le canal auquel les clients sont le moins fidèles. Beaucoup de clients basculent en agences ou en call center, ce qui est plutôt positif, pour proposer d'autres options en face-à-face et faire augmenter le panier moyen. Depuis deux ou trois ans en France, le chiffre d'affaires web est en augmentation de 30 à 40 % par an. Et, en parallèle, les agences progressent aussi. Il n'y a donc pas d'effet de cannibalisation.
Quel est le taux de fréquentation de votre site ?
10 millions de visiteurs se sont connectés sur le site cet hiver. Nous comptons plus de deux millions de visiteurs par mois dans le monde et un peu plus d'un million en France. Cette activité est stratégique pour le groupe.
PARCOURS
Anne-Sylvie Vaconnet est diplômée de l'ESCP (1998). Elle entre au Club Med en 2006 en tant que responsable coordination marketing internet, avant de devenir directrice Internet et CRM en juillet 2007. Auparavant, elle a été responsable marketing internet France chez Mercedes-Benz (2002 à 2005) et responsable international du site Aufeminin.com (2000-2002).
POINTS-CLÉS
Le Club Med en 2007 :
- CA monde : 1,7 milliard d'euros
- CA France : 637 millions d'euros
- Date création : 1950
- 1 324 000 clients dans le monde
- 80 villages implantés dans 40 pays dont un bateau de croisières, Club Med 2
- 24 villages en France
- 18 000 Go dans le monde