« Le service clients est inhérent à notre métier »
Filiale de la Deutsche Post, DHL est un spécialiste du transport express à l'international. Disposant de deux centres d'appels organisés pour apporter un service ciblé en fonction d'une clientèle segmentée, ce transporteur utilise également les nouvelles technologies pour mieux entretenir sa stratégie CRM. Une stratégie dont Anne-Céline Martel, directrice marketing, décrit les grands axes.
Je m'abonneQuelle est l'origine de DHL ?
C'est une société
d'origine américaine, créée par des étudiants. Voyant partir des bateaux de San
Francisco vers Honolulu, ils ont pensé qu'en faisant parvenir les
connaissements maritimes par avion afin qu'ils arrivent avant le bateau, il
était possible de faire gagner beaucoup de temps aux entreprises pour le
dédouanement des produits. C'est sur ce concept qu'a été créé DHL en 1969. Nous
travaillons aujourd'hui majoritairement en B to B. Ce qui caractérise nos
clients, plutôt que la taille de leur entreprise, c'est que celles-ci ont une
dimension export. De la PME à la multinationale.
Et aujourd'hui, quelle est la spécificité de DHL ?
DHL est un spécialiste du
transport express international. Avec deux particularités. La première est que
nous livrons le plus vite possible. Dans les deux heures, dans la journée, ou
le lendemain en Europe, et en deux ou trois jours pour le reste du monde. Le
seconde est que nous travaillons presque exclusivement à l'international. Nous
réalisons moins de 3 % de notre chiffre d'affaires sur le marché domestique.
Cette dimension internationale se traduit par des implantations dans 228 pays
dans le monde. Les deux seuls où nous ne sommes pas présents sont l'Irak et
l'Afghanistan.
Comment gérez-vous la relation avec vos clients ?
Chez DHL, nous n'avons pas décidé un beau matin de faire du CRM.
En fait, le service clients est inhérent à notre métier. Nous transportons des
colis ou des documents qui ont une valeur importante pour nos clients. Je pense
à un appel d'offres, par exemple, qui doit arriver à temps pour être pris en
compte. Nous faisons aussi des livraisons en "Juste à temps" logistique, telles
que livrer une pièce pour réparer une chaîne de production automobile... Dans
ce cas-là, le coût du transport a peu d'importance. Et les clients sont très
sensibles au fait que l'on puisse les conseiller ou les informer
quotidiennement de l'état d'avancement de leurs colis. Depuis très longtemps,
nous avons développé des outils permettant de localiser en permanence nos
colis, afin de pouvoir dire au client où ils se trouvent, et le jour et l'heure
auxquels ils seront livrés. Nous avons donc une relation importante au niveau
du conseil. Quand on travaille à l'international, on est amené à livrer des
produits qui répondent à des réglementations douanières très variées : des
pièces d'avion, des microprocesseurs... Nous avons développé, il y a une
dizaine d'années, des outils permettant à nos commerciaux de suivre au plus
près l'historique des relations avec leurs clients. Cette relation passe par
l'intermédiaire du call center, mais pas uniquement. La relation physique avec
le client s'établit d'abord par le coursier. Notre client ne se déplace pas,
c'est nous qui allons vers lui. Notre prestation est "Door to Door".
Segmentez-vous votre offre ?
Il y a trois ans, nous
avons décidé de mieux structurer notre offre en entrant dans une logique de
segmentation. Grâce à notre base de données marketing, nous avons pu détecter
trois types de clients. Les occasionnels, tout d'abord. Ce sont des clients qui
vont nous contacter dans une situation d'extrême urgence. Ils ont souvent peu
d'expertise en matière de transport international. L'exemple type, c'est
l'assistante à qui on demande d'envoyer une maquette afin qu'elle arrive le
lendemain matin. Ces clients ont besoin d'accéder très vite au service clients,
qu'on les écoute et qu'on comprenne vite leur problème. Deuxième profil : les
clients réguliers. Ils utilisent fréquemment des transporteurs internationaux
et bénéficient d'une certaine expertise. Ils ont les moyens de planifier leurs
envois et mettent souvent en concurrence leurs prestataires.
En général, une
personne de l'entreprise est dédiée au transport. Leur demande porte plus sur
le contrôle du transport et sur la performance des prestations. Dernière
catégorie : les grands comptes. Des entreprises qui cherchent à réfléchir à
l'intégralité de leur problématique logistique. Elles ont besoin de trouver un
interlocuteur capable de leur fournir des solutions pour transporter les colis
entre filiales ou gérer les pièces détachées entre entrepôts. Et peuvent aller
jusqu'à l'outsourcing de ces prestations. A ces trois principaux profils, DHL
s'adresse différemment.
De quelle façon ?
Nous avons
mis en place trois organisations différentes. Nous avons des conseillers
clientèle dédiés aux clients occasionnels. Ils passeront plus de temps à les
écouter et répondre à leurs problèmes. Ces clients nous appellent en passant
par un Numéro Vert spécifique, qui leur est dédié. Les clients réguliers ont un
autre numéro. Ceux-ci appellent presque tous les jours. Pour eux, la rapidité
prime. Et la relation passe, soit par un coursier qui vient tous les jours,
soit par l'intermédiaire d'un serveur vocal qui leur permet de préparer leurs
envois très rapidement. Et quand ils ont un besoin qui sort de l'ordinaire, ils
disposent de conseillers spécialisés, qu'ils joindront par l'intermédiaire d'un
Numéro Vert spécifique. Enfin, les grands comptes disposent d'un conseiller qui
leur est attribué.
Combien avez-vous de centres d'appels ?
Il y en a deux, à Roissy et à Lyon, chacun équipé de 150 positions. Celui
de Lyon traite les demandes des clients occasionnels et réguliers. Celui de
Roissy est divisé en cellules dédiées aux clients réguliers identifiés par un
numéro de compte. Il dispose également d'une cellule spécifique pour les
demandes des grands comptes. L'équipe de 300 conseillers traite 2,2 millions
d'appels par an, soit entre 8 000 et 10 000 appels par jour.
Disposez-vous d'autres canaux de contacts ?
Nous nous
déplaçons chez le client. Mais cela ne suffit pas. Notamment pour les clients
occasionnels. C'est pourquoi, nous tentons d'élargir le nombre de canaux. Nous
signons des partenariats avec des entreprises disposant d'un réseau de points
de vente, afin que les clients puissent accéder à nos services. Par exemple,
Viatim, en région toulousaine, une société qui propose des points de livraison
pour le commerce électronique. Nous sommes aussi en phase de test avec Fnac
Services sur 10 points de vente. C'est pour nous un moyen supplémentaire
d'entrer en contact avec nos clients
Et Internet ?
Au
début, le site était un site vitrine. Mais nous l'avons transformé de façon
significative. Sous la forme d'espaces dédiés. Un espace presse, mais aussi un
gros espace clients. En fonction de son profil de consommation et de son
segment, nous essayons de l'orienter vers les produits ou services qui lui
conviennent. Nous aimerions qu'Internet soit le référent du client pour toutes
les questions qu'il aurait à poser sur les services de DHL. C'est un virage
important car, auparavant, nous ne communiquions que par les conseillers
clientèle ou les commerciaux. Certaines offres, pour les industriels notamment,
sont complexes. Pour l'agroalimentaire, par exemple, nous pouvons transporter
des produits à - 18° C pendant 96 heures. C'est un produit relativement
technique. Pour ce type d'offres, nous avons un espace dédié où n'accèdent que
des clients qui sont concernés par ces produits. Là, ils peuvent tout faire,
commander leurs emballages ou accéder à la documentation complète. Nous
utilisons de plus en plus les outils de call back. Il suffit de cliquer sur un
bouton pour qu'un conseiller rappelle dans les minutes qui suivent.
Envoyez-vous des mailings ?
Nous disposons d'un outil
relationnel, le magazine Trait d'Union que l'on envoie à notre base de 22 000
clients, quatre fois par an. Ce magazine est commun à tous, mais depuis deux
ans, nous y glissons des éléments personnalisés selon les segments. Ainsi qu'un
questionnaire ou un jeu concours qui renvoient vers le site internet. C'est
l'agence Piment, du groupe DDB, qui travaille avec nous sur ce sujet.
Effectuez-vous d'autres opérations ?
Nous envoyons
d'autres mailings, de fidélisation, qui informent les clients sur de nouvelles
offres ou de nouvelles destinations. Nous avons également lancé un programme de
fidélisation auprès de nos clients occasionnels, en partenariat avec Kertel. Il
s'agit de gagner des minutes de téléphone lorsque l'on utilise les services de
DHL. Nous avons aussi lancé une opération sur les Etats-Unis, sous la forme
d'un mailing et d'un jeu, ainsi qu'un programme de dynamisation pour les
commerciaux de DHL.
Comment définissez-vous votre stratégie de marketing direct ?
Aujourd'hui, notre marketing direct n'est plus
orienté produit, il est clairement relationnel. Il est segmenté en fonction de
la catégorie des clients, mais tient également compte de la position du client
dans le cycle de vie de cette relation. Au lieu de dire au client "Nous avons
les meilleurs produits du monde", nous lui demandons où il en est dans le cycle
de consommation des produits de DHL. Cette analyse de la loyauté client a été
mise en place il y a un an. Elle est intégrée dans nos bases de données. On ne
dit plus "En mars, je vais lancer un nouveau produit et j'en parle à tous les
clients", mais nous cherchons à savoir à quel moment nous allons lui parler de
cette offre. Si un client consomme moins, on va essayer de trouver la bonne
offre et, en tout cas, demander à un commercial de le contacter afin de
comprendre pourquoi son comportement a changé.
Comment est organisée votre base de données marketing ?
Il s'agit d'un
datawarehouse qui est externalisé chez Soft Computing. C'est une compilation de
toutes les bases de données de DHL. Nous savons quelles offres ont été
proposées au client et quelles ont été ses réactions. Cette masse
d'informations nous permet de pratiquer du data mining. Et ainsi sélectionner
les clients les plus susceptibles de consommer un nouveau produit. Cette base
comporte également les prospects. Les commerciaux disposent de modèles de
requêtes sous Business Objects. Nous commençons à identifier, à comprendre les
profils de certains types d'utilisateurs. Cela nous permet de développer des
offres, de dresser des portraits-robots de nos clients. Et d'affiner cette
segmentation. Nous avons pu trouver 18 typologies de clients. Du client
multinational hyper actif au mono-utilisateur. C'est Soft Computing qui nous a
aidé à monter ces typologies.
Utilisez-vous aussi des données extérieures ?
Nous avons enrichi la base avec des données
extérieures : celles de l'Insee, de Cegedim. Nous avons ajouté la taille de
l'entreprise, le chiffre d'affaires... Nous avons mis trois ans pour passer de
la notion de compte client à la notion de Siret comme code client. C'est une
particularité de la France. Plusieurs comptes clients peuvent aboutir à un seul
code Siret.
Comment communiquez-vous avec chaque segment de clientèle ?
Pour les clients occasionnels, qui sont des clients
volatils, nous avons une problématique de rétention très forte. De plus, notre
principal concurrent, Chronopost, est très bien positionné. Nous avons donc une
stratégie d'acquisition. Avec deux types de programmes. Le premier consiste à
gérer un cycle de communications pour les nouveaux clients. Comment mieux
accompagner un client nouveau chez nous, et comment appréhender les moments
clés où il a besoin d'une information, d'une offre ? Comment accompagner le
début de sa relation avec DHL ? Nous allons déterminer des moments clés et agir
d'une façon ou d'une autre, soit par marketing direct, soit par un contact
commercial. C'est le département marketing qui pilote l'opération, par des
traitements sur la base de données. Le second s'adresse aux clients en baisse
d'activité. Pour eux, nous avons mis en place un autre programme qui implique
une action commerciale plutôt que du marketing direct. Le commercial cherchera
à savoir pourquoi le client est en baisse d'activité. C'est un programme
d'incentive lors de l'appel téléphonique. On va identifier, en utilisant la
base de données, les clients en baisse d'activité et transmettre cette liste
aux commerciaux. Ils doivent les appeler et identifier les raisons. Quelques
exemples tout bêtes : le client ne connaissait pas notre offre domestique et
passait par un concurrent, ou bien il avait eu un litige mal traité. Il faut
identifier les raisons et lancer une action corrective.
Et pour les clients réguliers ?
La politique est différente. Notre part de
marché est de l'ordre de 50 %. La stratégie consiste à les fidéliser. Nous
préférons d'ailleurs dire "dynamiser" car notre clientèle est assez fidèle.
Pour ce faire, nous disposons d'un baromètre de satisfaction client. Et nous
cherchons à faire de l'up-selling. Nous avons mis au point un programme qui
tient compte du chiffre d'affaires réalisé et de sa progression. Nous allons
récompenser cette progression par des points cadeaux ou sous la forme d'un
volet caritatif, DHL Liens. Les participants peuvent transformer leurs points
en cadeaux qui sont collectifs, par équipe. L'unité de compte, c'est le Siret,
et on additionne tous les points gagnés par les clients d'une même entreprise.
Les cadeaux, ce sont des machines à café, des réfrigérateurs, des chèques
abonnement presse ou Relais et Châteaux. L'option caritative est destinée aux
entreprises qui ne souhaitent pas que leurs collaborateurs aient ce type de
rapport avec DHL. Ce programme est un relais important pour les commerciaux. Ce
sont eux qui choisissent les comptes susceptibles d'y participer, qui
déclenchent l'opération, envoient le welcome pack et animent le programme au
quotidien. C'est un programme relationnel où n'intervient pas le data mining.
Pour les grands comptes, nous ne faisons pas de marketing direct. C'est un
service dédié qui s'en charge. Ils reçoivent le magazine, mais c'est un outil
d'information, pas de promotion. Il y a toujours une interview d'un client qui
témoigne.
Utilisez-vous d'autres moyens pour contacter vos clients ?
Le client a trois sources de contacts : le conseiller en centre
d'appels, le coursier et le commercial. Nous nous sommes rendu compte que cela
ne suffisait pas. Nous avons donc créé un service de conseillers sur le
terrain. Ce ne sont pas des commerciaux. Contrairement à ceux-ci, ils vont voir
les utilisateurs, pas les décideurs. Cette équipe est composée de 24 personnes,
pour 80 commerciaux. Le ratio idéal serait d'un conseiller pour 2 ou 3
commerciaux. La montée en puissance a commencé en 2001. Cette initiative a été
concluante, puisque c'est un point qui fait la différence. D'ailleurs, notre
enquête annuelle de satisfaction, en décembre, l'a montré. Nous avons également
des outils de "e-com", qui sont destinés à faciliter et automatiser les
prestations. Cela va du plus léger - le fait d'avertir de l'arrivée d'un colis
ou de sa localisation par SMS ou par e-mail... - au plus lourd, avec des liens
EDI avec les entreprises qui donnent toutes les informations sur les colis :
leur poids, leurs destinations, leur documentation douanière, jusqu'à la
facturation.
Faites-vous aussi de l'e-mailing ?
Nous
démarrons cette activité. Nous éditons une e-newsletter depuis un an et demi,
que l'on envoie vers 2 000 abonnés. Pour les programmes de dynamisation, le
recours aux commerciaux arrive en première place, l'e-mailing en second et
enfin, le marketing direct papier en dernier. L'e-mailing permettra de
communiquer de façon plus réactive auprès de nos clients. A terme, la
newsletter sera segmentée par typologie ou type d'industries. Mais avec 2 000
abonnés, c'est encore un peu juste.
Biographie
Anne-Céline Martel, 36 ans, est diplômée de l'Essec et titulaire d'un MBA de l'Insead. Elle a débuté sa carrière dans le conseil, chez Andersen Consulting. Elle s'est ensuite dirigée vers l'industrie et a rejoint Allied Signal, comme responsable de la division Rechange automobile. A partir d'avril 1997, elle occupe les fonctions de responsable marketing chez DHL France. En octobre 2000, elle a été nommée directrice du marketing de DHL France. Elle est également membre du comité de direction de l'entreprise.
L'entreprise
Date de création : 1969, par Adrian Dalsey, Larry Hillblom et Robert Lynn (DHL). 1998 : Deutsche Post acquiert 25 % du capital de DHL. 2000 : Le groupe Deutsche Post prend 51 % de son capital. Chiffre d'affaires 2001 DHL France : 260 millions d'euros. Effectifs : 2 000 personnes. Part de marché : 37 %. Implantation : 39 agences. 6 centres de dédouanement : Lille, Lyon, Mulhouse, Roissy/CDG, Toulouse, Nantes. Parc véhicules : 654. Centres d'appels : Paris et Lyon (150 positions chacun).