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« Le marketing direct est au service du réseau »

Après les périodes de vaches maigres, le marketing direct au Crédit Lyonnais passe à l'ère industrielle. Et, si la créativité des messages est confiée à un noyau dur de quatre ou cinq agences, ciblage et segmentations sont effectués en interne, avec l'aide d'outils statistiques très performants. Jean-Philippe Noiville, son responsable, explique la stratégie.

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Quel est l'historique du marketing direct au Crédit Lyonnais ?


Le département Marketing Direct a été créé en 1985. J'en ai la charge depuis juin 2000. Au départ, le MD a parfois été vécu par le réseau des agences comme un canal concurrent, une contrainte supplémentaire. Nous avons dû faire un travail d'évangélisation pour le rendre plus acceptable. Et faire comprendre aux gens du réseau que c'était un outil à leur service. Outil qui leur permet de faire du chiffre d'affaires complémentaire et d'atteindre leurs objectifs.

Quel est le périmètre de votre activité au sein de la banque ?


Ma structure est rattachée au département "Marché Particuliers" de la Banque Particuliers et Professionnels. Nos cibles sont les particuliers, mais aussi les professions libérales, les associations, les artisans, les commerçants... Secteurs où le Crédit Lyonnais a historiquement une position forte.

De quand date la prise en compte du marketing direct dans la stratégie du Crédit Lyonnais ?


Depuis l'opération de privatisation de 1999. C'était une campagne complète qui alliait à la fois le marketing direct et le télémarketing. Dirigée vers un grand nombre de clients du Crédit Lyonnais. Auparavant, le MD avait connu des périodes de budgets restreints, notamment au moment de la crise de la banque, à la fin des années 1990.

Le marketing direct fait partie d'une stratégie. Quelle est-elle ?


Depuis 1999, celle-ci couvre trois principaux axes. La conquête, tout d'abord. C'est un nouveau défi pour nous. Les années difficiles ont été consacrées au renforcement du réseau et à la fidélisation... à la stabilisation du fond de commerce. Depuis 2000, et surtout 2001, la conquête de nouveaux clients est une priorité. Nous mêmes, à la direction du MD, nous prenons part à cette orientation. Deuxième axe : l'intensification, la fidélisation de notre clientèle. Il s'agit de tout mettre en place pour compléter l'équipement en produits de la clientèle existante ou la pousser à faire des versements complémentaires sur les produits existants. Et enfin, assurer le renouvellement de ces produits. Dernier volet de cette stratégie : l'exploration des nouvelles technologies, l'e-mailing ou encore le SMS.

Quel canal de vente est prioritaire pour vous ?


Nous sommes prioritairement au service du canal agence. Il reste incontournable. Le Crédit Lyonnais dispose de 1 850 agences en France et nous menons aujourd'hui une politique ambitieuse d'ouverture d'agences. Et dans ce programme, nous avons notre place. Par ailleurs, nous travaillons pour le compte du canal "ecreditlyonnais.fr". Naturellement, en termes de volume de clientèle, on ne peut pas comparer avec la banque classique. C'est une activité qui répond à un besoin d'un segment de clientèle. Segment qui n'est pas majoritaire, mais qui prendra de l'ampleur. Avec des clients potentiels pour qui la marque Crédit Lyonnais représente la sécurité.

Le marketing direct se développe-t-il ?


Depuis 1999, le nombre d'opérations a plus que doublé. 83 en 1999, 190 en 2001. Même si dans les chiffres de 2001, 120 opérations sont dites ponctuelles et 70 répétitives. Reste que les opérations ponctuelles peuvent devenir répétitives.

Comment industrialisez-vous le processus de marketing direct ?


Nous avons mis en place des outils de gestion de planning. En matière d'agences de communication, nous avons un noyau dur avec lequel nous travaillons de manière récurrente : Havana, Cutty Sark, Grrrey !. Et aussi de petites structures réactives : Périmètre et Conseil Créatif.

Enfin, d'une manière plus ponctuelle, SRMS One to e-one, Thompson Connect. Nous cherchons des structures de taille petite ou moyenne. Pas trop petites parce qu'il faut qu'elles aient les moyens d'avoir une équipe créative. Pas trop grosses car nous voulons de la réactivité. L'idéal, c'est une structure de 10 à 30 personnes, qui fasse entre 1 et 3 millions d'euros de marge brute. Cette taille permet d'avoir une certaine qualité d'écoute et une réactivité qui nous convient.

Que demandez-vous aux agences ?


C'est l'aspect créatif dans la conception des campagnes que nous recherchons. La stratégie produit, nous nous en chargeons. Si nous préférons travailler avec ces structures, c'est que chacune à ses spécialités. Il y en a de très créatives. Nous connaissons bien ces agences, on gagne du temps. Reste que nous sommes exigeants. Et nous essayons de réduire notre portefeuille d'agences. Nous les mettons alors souvent en compétition avec de nouvelles.

Comment les choisissez-vous ?


Nous travaillons en partenariat avec la direction des achats du Crédit Lyonnais qui sélectionne et référence les agences de MD comme d'autres agences prestataires. Cette direction est associée à nos choix sur l'aspect financier, mais elle nous assiste aussi en matière de fabrication. Régulièrement, elle est approchée par de nouvelles agences. Nous les testons au travers de compétitions. Dans un métier de communication, la qualité de l'entreprise est éminemment humaine. Si le directeur de création s'en va, tout peut changer. Nous souhaitons avoir sous le coude un certain nombre de partenaires. Même si nous gardons un noyau dur de cinq agences avec qui nous travaillons régulièrement.

Comment est organisée la partie logistique ?


Des coordinatrices de fabrication supervisent toute la production. Cela nous permet d'économiser les frais de suivi que nous facturerait une agence. Compte tenu de notre volume de mailings, nous avons plus intérêt à recourir à des appels d'offres auprès de prestataires, routeurs ou imprimeurs. L'agence se charge de la création, de la gravure. En interne, nous nous occupons de la logistique. Nous avons un portefeuille de trois ou quatre routeurs : Tagg, Cifea DMK, Diffusion Plus, IOS et, dans certain cas, SMR EIFA.

Pratiquez-vous le data mining ?


Le Crédit Lyonnais s'est doté depuis deux ou trois ans d'outils de data mining et de statistiques très performants. Ils sont centrés autour du datawarehouse de la banque. Celui-ci nous permet de déterminer des scores d'affinité du client envers des attitudes de consommation de produits et services bancaires. Nous avons des scores de prédiction d'attrition et de probabilité d'avoirs à l'extérieur que nous utilisons pour des opérations sur l'épargne. De plus, nous sommes situés dans le même département que le secteur études. Nous avons une équipe informatique et statistique dédiée au MD. Elle a pour mission d'assister le chef de projet dans le ciblage de l'opération. Une des clés de notre stratégie, c'est l'utilisation d'outils modernes. Ils nous ont permis, en grande partie, de multiplier par deux et demi les rendements de nos opérations.

Parlez-nous des scores.


On peut utiliser des scores standards qui sont à la disposition des conseillers réseau. Nous disposons aussi du résultat des actions passées. Nous en tirons tout ce qui est possible en matière de renseignements sur les profils. Enfin, nous pouvons fabriquer des scores spécifiques pour des opérations particulières. Un exemple : le Crédit Lyonnais a lancé, il y a quelques années, des produits d'assurance IARD (Incendie Accident Risques Divers). Nous avons créé des scores de prédiction d'achat. Une première campagne a permis de mesurer les résultats et de créer des scores pour améliorer le ciblage pour des actions futures.

Comment planifiez-vous les actions ?


Il y a tout d'abord les actions nationales. On présente au conseiller un coeur de cible de clientèle à relancer et la liste de tous les clients de son portefeuille qui ont été contactés pour l'action de MD. Une action nationale est toujours relayée par une relance locale. Deuxième catégorie d'actions, les actions en option : les groupes d'agences choisissent, deux mois avant le lancement d'une action nationale, d'y participer ou pas. Il y aussi des actions de vente directe, sans impact sur le réseau. On demande au client de renvoyer un coupon. Dans ce cas-là, le réseau n'a pas besoin d'effectuer de relances. Enfin, les agences disposent de kits locaux pour les actions locales. Les 8 directions d'exploitation qui coiffent les groupes d'agences disposent de spécialistes marketing qui peuvent déclencher ces ciblages à partir d'un outil de marketing direct local. Les points de vente choisissent dans la bibliothèque d'opérations, nous validons et envoyons les mailings.

Quels sont les volumes ?


Pour les actions locales, nous imposons un nombre de 1 000 envois minimum pour pouvoir bénéficier des tarifs PostImpact. Le maximum, c'est 300 000 envois. Le Lyonnais a 6 millions de clients, au-delà de 300 000, l'envoi est trop général.

Comment organisez-vous les opérations de conquête ?


Nous utilisons des extraits de mégabases, type Claritas ou Consodata. Des fichiers de compilation aussi, pour des clientèles plus haut de gamme. Quand nous avons un fichier de prospects, nous faisons également un premier tri par le géomarketing. Il nous sert pour le positionnement du réseau, mais aussi pour tout ce qui est affectation des prospects au réseau.

Vous parliez aussi de nouvelles technologies ?


Nous entamons un programme d'e-mailing, à la fois en prospection et vers nos clients. En strict opt-in. La base de données est alimentée, soit par le conseiller lorsqu'il est en face du client, soit par des opérations de collecte en agences, soit par des jeux concours sur nos sites . Nous utilisons ces données pour des campagnes d'e-mail marketing que l'on cherche à cibler de façon aussi précise que nos campagnes off line. En conquête, on travaille à la fois pour ecreditlyonnais.fr et pour le réseau physique, sur des fichiers loués, en partenariat avec ETO. Nous sommes très soucieux de leur qualité. Dans ces messages de conquête, on propose d'appeler ecreditlyonnais.fr ou de prendre rendez-vous par l'intermédiaire de notre site avec un conseiller. Le back-office contacte alors l'agence Crédit Lyonnais choisie par le prospect en tenant compte de l'agenda partagé des conseillers. Et le client reçoit une confirmation de rendez-vous par e-mail. A terme, nous aurons une activité marketing direct qui sera intégrée. Elle comprendra de l'e-mailing, du SMS, du mailing papier... et on choisira le canal en fonction de l'appétence du client. Mais on suit une démarche pragmatique. On teste et on regarde ce que cela donne. Mais le MD papier sera dominant.

Et le SMS ?


Pour la prospection, ce n'est pas dans nos projets immédiats. Nous percevons plutôt le SMS comme adapté à une population, plus jeune, sur des produits liés à l'univers de la banque à distance. Et des produits simples et faciles à comprendre. Le SMS, c'est la même logique que la vente directe.

Biographie


Jean-Philippe Noiville, 43 ans, diplômé de l'IEP de Paris et titulaire d'une maîtrise de droit privé, a effectué l'essentiel de sa carrière dans le marketing bancaire et financier. Il débute en 1983 à la Sovac où, de 1985 à 1992, il crée puis dirige le service marketing de la filiale chargée des financements immobiliers. En 1992, il rejoint le groupe Crédit Mutuel de Bretagne, comme responsable marketing d'une filiale parisienne, la BHE (devenue BPE, Banque Privée Européenne). En 1996, il rejoint la maison mère où il est successivement responsable du département marchés des particuliers, puis du développement de la filiale chargée de la gestion collective. En juin 2000, il entre au Crédit Lyonnais (Banque Commerciale France, Banque Particuliers et Professionnels) pour y prendre la responsabilité du marketing direct.

L'entreprise


Date de création : 6 juillet 1863. Privatisation : juillet 1999. Effectifs : 40 341 (monde) ; 31 288 (France). 1 850 agences en France. Produit net bancaire 2000 : 6 804 M€ Activité commerciale (résultats nets) : Banque de réseau France : 463 M€ ; Gestion d'actifs : 232 M€ ; International : 330 M€. ROE (Return on Equity) groupe : 10,3 %. Capital : Public : 49,99% ; groupe d'actionnaires partenaires : 32,05 % ; Etat français : 9,49 % ; salariés : 6,09 %.

Olivier Brusset

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