« La surface marchande d'Internet n'est pas ou peu exploitée dans son potentiel commercial »
Benoît Héry, directeur associé de Grrrey ! Marketing Services, livre la vision de l'agence conseil : l'animation des boutiques de demain se fera en dehors de l'espace marchand.
Je m'abonneMarketing Direct : Les sites actuels vont-ils au bout de leur potentiel marchand ?
Benoît Héry : Non, car en Europe le marché accuse un cruel retard dans ce
domaine. Toutes les initiatives actuelles se bornent à de la pure promotion ou
à de l'émulation pure et simple entre sites concurrents. Les initiatives
originales sont rares, les marques rechignant à déployer des moyens
pédagogiques en matière de vente. Il n'y a pas ou peu d'investissement en
recherche et développement.
Résultat : des sites vides qui ressemblent plus à des sommaires qu'à des
boutiques. La surface marchande d'Internet n'est pas ou peu exploitée dans son
potentiel commercial. Au pire, nous assistons encore à des sites figés, au
mieux, à des portails de bonnes affaires qui recrutent toujours par le prix, ne
fidélisent jamais, et n'attirant toujours pas par la marque.
MD : Que préconisez-vous pour aller plus loin dans l'exploitation du potentiel d'Internet ?
BH : Innover. Tant par le discours que par les moyens. Par exemple, en
prolongeant la communication publicitaire par la démonstration du produit.
Cela peut se traduire par de multiples sites originaux, par exemple, ou par des
rubriques spécifiques proposant un univers animé au sein même du site marchand
ou, au choix, totalement dissocié.
MD : A quoi pourraient ressembler les sites de demain ?
BH : “L'autre lieu”, un site dans le site réalisé pour la marque Nokia,
préfigure bien la boutique de demain. Ce site propose de vivre l'expérience
Nokia au sein d'un univers entièrement en 3D, il ne vend rien mais a permis à
la marque de préparer le lancement de sa gamme “Fashion” et de communiquer sur
ses valeurs en relation directe avec son public. Voilà une bonne démonstration
d'intégration des spécificités d'Internet : mettre en scène des produits hors
discours commercial. Dans le même état d'esprit, Varilux, le spécialiste des
verres progressifs, s'est doté d'un Flagship. Un site vitrine d'image où la
marque prend la parole en répondant aux questions de ses clients. Initiative
qui contribue à animer la vie commerciale de la marque en prolongeant la
communication amorcée sur d'autres médias. La boutique n'a aucune vocation
marchande. Elle se contente de proposer des expériences visuelles ludiques et
pédagogiques en dévoilant son offre sous toutes ses coutures. L'internaute est
invité à interagir avec la marque qui lui permet de tester ses lunettes avant
de les acheter.
MD : Quels freins faut-il lever pour sensibiliser les marques ?
BH : Leur faire prendre conscience qu'Internet leur apporte une
agilité sans égal. On voit bien ce qui pourrait exister en termes d'animation
on line, mais rien n'est appliqué, parce qu'aucun marchand n'a encore mesuré la
rentabilité de ces techniques. Et cela risque d'être compliqué en ligne où, à
la différence des magasins physiques, la PLV, les bannières, les bandeaux, les
boutons, etc., remplissent plusieurs fonctions. Une bannière sur un site, à
titre d'exemple, c'est à la fois un support média et un stop rayon, de la
signalétique, ou encore les murs mêmes du magasin. D'où la confusion entre ce
qui est acheté pour animer la surface, ce qui la meuble et ce qui la constitue
intrinsèquement. Sur Internet, la définition technique n'a plus de sens, les
techniques n'étant pas une stratégie ni une finalité en soi.
Voilà pourquoi l'animation de demain se fera de plus en plus à l'extérieur du
site. Elle sera davantage orientée sur la pédagogie ou la preuve produit
contrairement aux campagnes traditionnelles dont le ressort essentiel est le
prix. Mais comme toujours, le principal frein, c'est la nouveauté elle-même qui
se heurte aux habitudes.