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« Faire du client un partenaire »

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En quatre ans, le groupe Accor est passé de 2 000 à 3 600 hôtels dans le monde. A taille mondiale, il fallait un programme de fidélisation mondial. Philippe Bertinchamps, directeur général en charge du marketing relationnel d'Accor, fait le point sur ce nouveau programme, tendant à mettre en avant la marque Accor et sa gamme d'hôtels.

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Pour vous, qu'est-ce que la fidélisation client ?


La fidélisation s'inscrit dans un contexte d'approche très large de gestion de la relation client. En économie, on est passé de la gestion d'une transaction (je réserve une chambre et je paye quand je quitte l'hôtel) à un concept plus vaste. Il s'agit de faire du client un partenaire avec qui l'on a une relation particulière. Quand un client vient deux fois par mois dans le même hôtel, au bout d'un certain temps, on le reconnaît visuellement. Et on l'accueille d'une certaine manière puisque c'est un client identifié comme fidèle. S'il vient deux fois par mois, il consomme 24 nuitées par an. Mais Accor donne un choix de 3 600 hôtels. Un client qui va changer d'hôtel deux fois par mois va venir 24 fois par an, mais il ira dans 24 hôtels différents. Pour nous, il est aussi important que celui qui est allé 24 fois dans le même hôtel, mais nous n'avons pas le moyen de l'identifier visuellement. C'est là qu'interviennent les outils d'aide à la gestion de la relation client. Le marketing relationnel, c'est un mélange de savoir-faire relationnel et de technologie. Particulièrement dans l'hôtellerie qui est un métier d'accueil.

Comment Accor entretenait cette relation auparavant ?


Ces outils étaient dédiés à une enseigne. C'était logique car Accor s'est construit en s'appuyant sur des enseignes fortes, en concurrence entre elles. Ensuite, en 1997, Jean-Marc Espalioux est entré au directoire. Il a lancé le plan "Accor 2000", qui avait pour but d'optimiser nos ressources commerciales, développer la technologie et construire un véritable réseau d'hôtels Accor dans le monde. Cette date correspond à la globalisation, la mondialisation. Nous sommes passés d'une gestion à la fois opérationnelle et commerciale des enseignes de façon distincte à un rassemblement des enseignes sous deux chapeaux. Les enseignes "Affaires et Loisirs", qui correspondent au moyen et au haut de gamme, regroupant les marques Sofitel, Novotel et Mercure, et l'hôtellerie économique où l'on retrouve les hôtels Formule 1, Etap et Ibis. Avec deux patrons opérationnels, contre un patron opérationnel par enseigne auparavant. Et deux services marketing, mais un seul service commercial. Nous sommes passés à une gestion transversale. Dans le passé, nos grands clients voyaient défiler les commerciaux de Novotel, Sofitel, Mercure et Ibis. Ce n'était plus réaliste. Pourtant, le succès du groupe s'est construit de cette manière. Mais, en 1997, nous possédions autour de 2 000 hôtels. Nous sommes passés à 3 600 en quatre ans. Cette mondialisation est allée de pair avec une croissance très forte. Il fallait changer. Transversalité dans la gestion, transversalité dans l'offre car cela répondait à un besoin des clients. Et nous venons de mettre la touche finale à cette transversalité en créant notre nouveau programme, "Compliments from Accor Hotel", qui est un programme complètement transversal sur Sofitel, Novotel, Mercure et Ibis. Vous remarquerez que, dans ce programme, on trouve une marque du pôle économique.

En effet, Ibis n'est pas une marque haut de gamme...


Ibis se situe dans l'hôtellerie économique à service limité, à la frontière entre l'hôtellerie très économique et l'hôtellerie moyen-haut de gamme. Mais, en semaine, les hôtels Ibis sont remplis par une clientèle affaires. Il est donc logique qu'Ibis participe à notre programme de fidélisation vers des consommateurs à fort potentiel de consommation.

Auparavant, comment fidélisiez-vous vos clients ?


Dans le passé, il existait des cartes par enseigne et on gagnait des points dans l'enseigne. On était cloisonné. Chaque système avait sa propre technologie, ses propres processus. Par exemple, Mercure : l'hôtel donnait des timbres par nuitée. Au bout de 10 timbres, le client gagnait une nuitée gratuite.

Ce n'était pas informatisé, mais ça marchait. Le problème était que nous n'avions pas d'informations sur la consommation du client. Nous avons donc choisi un seul outil technologique pour nos hôtels. 2 000 d'entre eux sont équipés d'un système de TPE spécifiquement dédié à la fidélisation. Nous avons créé un seul type de point de fidélité, le "Point Compliment". Le principe s'apparente aux miles des compagnies aériennes, si ce n'est que les compagnies aériennes ont des systèmes informatiques totalement intégrés. Alors que l'hôtellerie procède par rachat d'hôtels, de chaînes d'hôtels, chacune équipée de son propre système. Le temps d'adapter tous les systèmes informatiques, et nous serions en retard par rapport à nos besoins technologiques. Si, demain, Accor rachète 100 hôtels, on les équipera de 100 terminaux et ils seront tout de suite intégrés dans le système de relation client.

Accor devient une marque ?


Oui. Et, à ce titre, nous avons créé la carte Accor Hotel Privileged Guest, une carte multienseigne. Là encore, nous allons dans le sens de la transversalité. Aujourd'hui, toutes les enseignes du groupe sont siglées Accor Hôtel. 3 600 hôtels portent le nom Accor Hotel. Accor devient une marque avec une gamme. Il y a une promesse implicite. Les clients savaient qu'ils étaient clients d'une enseigne Ibis, Novotel..., mais ils ne savaient pas forcément qu'ils étaient dans un hôtel Accor. Il y a une qualité Accor, de produit, d'accueil, et le client doit être identifié non pas comme un client Novotel ou Sofitel, mais comme client Accor. De là, cette carte complémentaire transversale.

Vos concurrents fidélisent-ils de la même manière ?


Nos concurrents sont de grands groupes anglo-saxons. Nous sommes le troisième groupe d'hôtels dans le monde en nombre de chambres (405 000). Les trois quarts sont gérés par nous, alors que nos concurrents sont des franchiseurs, avec une gestion indépendante. Ces indépendants payent des redevances. Tous ces groupes font des cartes de fidélité gratuites. Hilton en distribue 8 millions, Marriot 15 millions... Nous en avons beaucoup moins, grosso modo, un petit million dans le monde, mais ces cartes sont pour la plupart payantes. Nous distinguons les cartes d'abonnement et de fidélité. Mais, sur les cartes d'abonnement, il y a aussi un programme de fidélité. Les cartes d'abonnement ont trois natures de propositions au client. Des prix discountés, directement quand on arrive à l'hôtel. Des services particuliers avec des niveaux de service qui vont de VIP 1 à VIP 4 - on peut, par exemple, arriver avant midi à l'hôtel ou quitter la chambre jusqu'à 16 heures. Mais, surtout, le client a la garantie d'avoir une chambre disponible s'il réserve trois jours avant son arrivée. C'est un point fort pour un homme d'affaires qui doit se rendre dans une ville où tous les hôtels sont complets. Et la pénalité que nous nous infligeons, c'est de loger gratuitement le client dans un autre hôtel si on ne lui trouve pas de chambre. Troisième type d'offre : le programme de fidélité "Compliment", attribuant des points en fonction de la dépense totale à l'hôtel (chambre, bar, téléphone, teinturerie) : 60 points pour 10 euros.

Qu'en est-il du programme de fidélité proprement dit ?


Le programme Compliments From Accor Hotel s'applique aux cartes d'abonnement, aux cartes de fidélité, aux cartes de paiement et à l'utilisation d'Internet. C'est le fil conducteur transversal. Il y a trois choses sur une carte d'abonnement : la réduction, les services et le programme de fidélité qui, lui, s'applique à toutes les cartes. Un programme, des produits. Ces produits sont des cartes qui s'adressent à des segments de clients différents.

Pourquoi pas une seule carte ?


Je n'ai pas qu'un seul type de clients et je n'ai pas qu'une seule enseigne. Nos cartes suivent la segmentation hôtelière. La carte est le support physique. Pour les cartes d'abonnement, nous proposons une carte Accor, une Sofitel, une Novotel, une Mercure, une Ibis. A terme, il y aura une carte Sofitel et une carte Accor. Il y a aussi un programme de fidélité avec la carte de paiement cobrandée American Express/Accor.

Pourquoi faites-vous payer ces cartes - entre 165 et 270 euros - et pas vos concurrents ?


Pour nous, la fidélité ne se mesure pas au nombre de clients inscrits, mais à la fréquence des visites. La fidélité, ce n'est pas la longueur de la relation, mais son intensité. Nous n'avons pas 15 millions de cartes, mais nous avons 25 millions de clients différents par an. Nous pourrions donner 25 millions de cartes gratuites. Cela coûterait très cher et ne servirait à rien. Nous nous focalisons sur les clients à fort potentiel et ils sont segmentés. Mais nous sommes attentifs à la concurrence. Et Sofitel, qui est une marque internationale et compte 150 hôtels dans les grandes capitales, doit avoir des outils pour concurrencer les grandes chaînes américaines. D'où la création d'une carte de fidélité Sofitel gratuite. Pour donner plus de notoriété à Sofitel, plus de fidélité et rivaliser avec nos grands concurrents anglo-saxons. Cette carte VIP ne va pas donner lieu à des réductions, mais à des services et de la récompense pour la fidélité.

Comment commercialisez-vous ce produit ?


Soit le directeur de l'hôtel la donne à un client qu'il reconnaît, soit elle est demandée par le client qui a trouvé un dépliant dans sa chambre. Ou elle est attribuée par le top management d'Accor. Et là, nous avons deux niveaux : Silver et Gold. La Gold est attribuée ou acquise automatiquement au bout de 14 séjours. De nouveau, on reconnaît la fréquentation. Si l'on fait 14 séjours dans l'année, on change la carte normale pour une Gold. Et sur cette Gold, la grosse différence, c'est la garantie de réservation. Il y a des clients qui achetaient l'abonnement Sofitel simplement pour passer une nuit dans une ville où il était pratiquement impossible de trouver une nuitée. Et cette carte coûte quand même 200 euros !

Comment entrez-vous en contact avec vos clients fidélisés ?


Le porteur d'une carte est identifié quand il téléphone pour réserver, en donnant son nom ou son numéro de carte. Il est aussi identifié sur Internet, à l'hôtel et dans nos call centers dédiés aux porteurs de carte. A chaque carte son centre d'appels. Ils sont regroupés physiquement, mais il y a des conseillers dédiés à Sofitel, à Novotel, Mercure. Ibis est externalisé car le besoin d'un client Ibis est différent de celui d'un client Sofitel. Un client Sofitel est très exigeant. Pour les hôtels Ibis, le besoin est moindre et peut être traité en standard.

Comment ça marche ?


Le fonctionnement du programme est d'une simplicité biblique. Lorsque l'on a 10 000 points, on a droit à 100 €, sous la forme de 5 chèques de 20 €. On les reçoit chez soi. C'est une monnaie utilisable chez Accor. On a le choix d'aller dans l'un des 2 000 hôtels, le vendredi, le samedi, le dimanche, voire tous les jours dans les 200 hôtels de loisirs. On réserve sa chambre comme d'habitude, on effectue son séjour et on règle sa facture avec ces chèques. Si l'on a 100 € en chèques et que la facture est de 120 €, il suffit de donner les 4 chèques et un chèque de 20 €. Il n'y a pas de "Black out Date", comme disent les Américains. Ces nuitées gratuites ne sont en fait jamais disponibles car les hôteliers n'aiment pas donner des chambres gratuites. Nous, nous remboursons l'hôtel depuis le siège pour la valeur des chèques. L'hôtelier est heureux, le client est heureux. Avant, cela marchait mal parce que les chambres n'étaient pas payées ou peu payées. Et donc il n'y avait jamais de chambre disponible. C'est le drame des programmes de fidélité, même dans l'aérien. Avec ce système, tout est transparent. Pour le client comme pour l'hôtelier. On consomme son cadeau librement. En plus, quand on paye son addition, on bénéficie de la réduction habituelle. On cumule des points sur la gratuité ! Et si le client règle le reliquat avec la carte de paiement Amex/ Accor, il gagne des points Compliment avec cette nuitée gratuite. En conclusion, je dirais que le marketing relationnel a un coût. Il faut éviter d'engendrer des surcoûts. Des études américaines montrent que les bons consacrent 30 à 35 % du budget marketing au relationnel. On arrive pile à 35 % si l'on inclut dans ce calcul les call centers.

Biographie


Philippe Bertinchamps, 53 ans, est membre du Comité Exécutif du groupe Accor. Né en Belgique, il est diplômé de Sciences économiques appliquées de l'Université de Mons. Après avoir commencé sa carrière dans la finance chez Jacques Borel en Belgique, il entre dans le Groupe Accor en 1977. Il a dirigé successivement Ticket Restaurant en Belgique, Luncheon Vouchers en Grande-Bretagne, puis les tour-opérateurs d'Accor en France (Episodes, Africatours). Il est aujourd'hui directeur général du groupe, en charge du marketing relationnel : partenariats, fidélisation, synergies, grands comptes.

L'entreprise


Date de création : 1983. Chiffre d'affaires 2000 : 7 007 M€. Chiffre d'affaires par zones géographiques : France : 34 %, Europe (hors France) : 29 %, Amérique du Nord : 25 %, Amérique Latine : 7 %, autres : 5 %. Chiffre d'affaires par métiers : hôtellerie : 68 %, services : 6 %, agences de voyages : 8 %, restauration : 8 %, services à bord des trains : 5 %, autres : 2 %. Nombre d'hôtels : haut et milieu de gamme : 462, hôtellerie économique : 738. Nombre de chambres : haut et milieu de gamme : 49 213, hôtellerie économique : 58 871. Effectifs : 28 431.

 
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Olivier Brusset

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