« Culture Bière est devenue une marque en tant que telle »
Faire connaître, faire aimer et faire consommer la bière, tels sont, en substance, les objectifs du programme de fidélisation Culture Bière d'Heineken France. Un programme qui connaît bien des développements au point de devenir une véritable marque. Explications d'Arnaud Baudry d'Asson, chef de groupe Développement Catégorie Média/Hors Média des Brasseries Heineken.
Je m'abonneQuelle est la genèse de votre programme de fidélisation Culture Bière ?
Ce programme est né il y a bientôt quatre ans. A l'époque,
la question était de savoir : faut-il faire du marketing direct ? Si oui,
comment ? Doit-il être monomarque, multimarque ? En France, l'univers de la
bière a une image très disparate et peu valorisée. Il n'y a aucune culture sur
le produit et il s'agit d'un marché de marque. C'est un cas très atypique et
c'est le seul pays qui fonctionne comme cela, sans doute en raison de la
prédominance du vin. Contrairement aux autres pays, elle constitue une bière de
soif. La France est le pays où l'on boit le moins de bière à table, et où les
femmes en boivent le moins. Sa consommation est plutôt en régression, d'où
l'importance de séduire les femmes. A l'issue d'une compétition, nous avons
retenu le groupe D! et avons décidé de faire un programme à taille réelle, mais
sur une population plus réduite. Nous ne voulions pas faire un marché test.
Nous avons d'abord mené une vague de recrutement (presse, animation magasins,
ISA, mailing…). Nous avons écrit quatre fois à cette population recrutée, en
lui envoyant un magazine, appelé Culture Bière. Au bout d'un an, nous avons
mesuré notre capacité à recruter - 30 000 personnes l'ont été -, et avons
regardé ce que cela donnait. Notre parti pris de départ : pour valoriser le
produit, la bière, nous étions bien plus crédibles en étant multimarque. Le
vrai lancement du programme a eu lieu à l'hiver 2000. Aujourd'hui, nous en
sommes au 15e numéro du magazine, test compris.
Comment le programme a-t-il évolué depuis son lancement ?
Au début, le
mailing envoyé sous blister était constitué d'une lettre, de bons de réduction
et d'un magazine de 12 pages. La lettre a évolué et nous envoyons maintenant un
4 pages qui s'appelle “Culture Bière à vivre”, et qui met en avant plusieurs
régions de France. Quant au magazine, il a connu lui aussi des évolutions dans
son contenu. Il comprend désormais une rubrique cocktail présentée par des
barmen, des recettes de cuisine concoctées par des chefs. L'idée, c'est d'avoir
des gens crédibles, mais dans un magazine, qui ne soit ni trop triste, ni trop
plat. Cela doit être un magazine didactique, qui donne envie d'essayer des
choses. Aujourd'hui, nous avons 750 000 abonnés - on raisonne en termes de
foyers. Notre volonté est d'avoir un programme qui a un axe magazine - nous y
sommes très vigilants -, et de développer, à côté, différents outils : une
boutique, un site internet, des jeux, des bons de réduction…
Souhaitez-vous grandir encore ?
Avec 750 000 foyers
abonnés, nous sommes à plus de 50 % de notre objectif. Nous avons la capacité
de grandir encore, mais la montée de la base doit être raisonnée et organisée.
Nous la nettoyons régulièrement. On considère qu'un abonné est inactif quand il
ne s'est pas manifesté depuis 6 numéros : lorsqu'il n'a pas écrit, pas fait de
jeu… Mais attention, nous ne sortons personne de la base de façon autoritaire :
nous lui écrivons d'abord pour lui demander s'il souhaite toujours recevoir le
magazine. L'univers de la bière et des brasseurs dégageant une image de
convivialité et de générosité, nous souhaitons qu'il y ait toujours un dialogue
avec nos membres.
Combien de marques participent à Culture Bière ?
Environ une vingtaine, car le programme s'applique à deux
filiales d'Heineken France : les Brasseries Heineken et les Brasseries Fischer.
Les marques participantes sont Heineken, Pelforth, 33 Export, Amstel, Affligem,
Wieckse Witte, Buckler, Panach, Mützig, George Killian's, Cruzcampo, Fischer,
Doreleï, Desperados, Kriska, Adelscott, Kingston.
Quelle est votre politique de partenariat ?
Nous souhaitons avoir un partenaire par
magazine. Il s'agit d'avoir un produit qui s'associe particulièrement bien avec
la bière. La contrainte pour ce partenaire est que la création est faite par
nos équipes et que le produit doit s'inscrire dans une rubrique liée à la
bière. Cela permet d'avoir de la variété dans le magazine. En fait, les
premiers partenariats sont nés car les consommateurs nous demandaient ce que
l'on pouvait faire avec de la bière…
Comment est segmentée votre base de données ?
La base de données ne travaille pas sur des
segmentations liées à des envois personnalisés. En revanche, nous suivons les
PMG (petits, moyens et gros consommateurs). Nous les suivons de façon
classique, non personnalisée. Jusque là, nous étions plutôt dans une phase de
construction de la base. Deux grands objectifs sont assignés au programme :
valoriser et changer l'image de la bière ; ce qui est important aussi bien
auprès des petits que des gros consommateurs. Et faire circuler dans la gamme
de nos marques et augmenter la part de marché. En ce qui concerne la
segmentation et une utilisation différenciée de la base, nous regardons, mais
nous n'en sommes pas là. En revanche, nous commençons à différencier nos bons
de réduction, en fonction des différentes marques. Nous commençons à faire des
choses, qui peuvent se décliner en régions.
Comment mesurez-vous l'efficacité du programme Culture Bière ?
C'est un programme qui
marche très bien en termes d'efficacité et de remontées. Nous utilisons des
mesures qualitatives classiques : focus groupes, post-tests, études de type
Vu-Lu. Nous analysons également les remontées des bons de réduction, ce qui
permet d'affiner nos offres. De plus, maintenant, nous analysons l'efficacité
réelle du programme : on commence à pouvoir croiser des comportements réels
avec le critère “abonné au programme”. Pour cela, il faut avoir une taille de
base de données suffisante. Nous sommes capables de dire quelle est la part de
marché de nos marques chez un abonné au programme. Comme indicateurs de
performance, nous savons que 100 % des abonnés se souviennent avoir reçu le
dernier numéro, 97 % des abonnés sont actifs sur une année (au moins deux
réactions). Les abonnés consomment 2,2 fois plus de marques différentes que les
non-abonnés, dépensent deux fois plus en achats de bière (valeur) et dépensent
2,5 fois plus sur les marques du groupe Heineken.
Est-il rentable ?
Aujourd'hui, on estime qu'il l'est, donc on le poursuit. La
rentabilité peut s'analyser de plusieurs façons : le retour sur investissement,
mais aussi les rentabilités induites et complémentaires. Culture Bière est une
marque, qui entreprend beaucoup de choses. Par exemple, la Boutique devient de
plus en plus importante. Il s'agit d'une vraie attente et d'une déclinaison de
la marque Culture Bière. La boutique propose des “objets bière”, que l'amateur
ne peut trouver ailleurs, tels le “Coffret des Arômes”, le “Coffret des
Experts”, des verres, un plateau de bistrot ou encore des sous-bocks… Cette
boutique va réellement atteindre sa vitesse de croisière à Noël. Le nombre de
commandes a dépassé les 10 000, un chiffre qui commence à être significatif.
Globalement, le programme a une réactivité qui va bien au-delà du bon de
réduction.
Quelles sont aujourd'hui vos sources de recrutement d'abonnés ?
Nous recrutons par des animations multimarque sous le
label Culture Bière, par du “on pack”, par du parrainage, de l'ISA et les bases
de données consommateurs de type Claritas ou Consodata. Celles-ci sont des
sources importantes et intéressantes, même si elles sont de moins en moins
“apporteuses” d'abonnés.
Vous êtes restés fidèle à votre agence de MD ?
Oui, nous avons une philosophie de fidélité vis-à-vis de nos
agences. Et depuis l'origine, c'est groupe D!, devenue D L'agence, qui s'occupe
du programme. Arvato BI (ex-D Technologies, ndlr) est chargée de la gestion de
la base et des traitements statistiques. Thierry Vallaud est le conseiller du
groupe sur tous ces aspects. Nous sommes très contents de leur travail et nous
n'avions aucune raison de les quitter. Le programme Culture Bière s'est
construit en collaboration avec l'agence. C'est notre bébé commun, il y a une
vraie notion de partenariat.
Ce programme s'adresse-t-il au B to B ?
Quelques personnes en B to B sont destinataires du programme.
Quant au CHD (circuit hors domicile), il reçoit quatre fois par an un magazine
intitulé “Service Bière”, conçu par Textuel. Il y a de plus en plus de
synergies au niveau du contenu entre les deux magazines. En ce qui concerne la
grande distribution, nous entretenons des contacts spécifiques avec elle. Il
faut ajouter que Culture Bière a deux autres cibles : l'interne (le magazine
est envoyé à domicile), car plus les gens, en interne, ont une culture du
produit, mieux c'est… Mais aussi, les VIP, les journalistes, les grands chefs
cuisiniers… Quand nous apprenons qu'une personnalité un peu connue est
intéressée par la bière, nous l'abonnons.
Qu'en est-il de votre site internet ?
Dans les déclinaisons du programme figure bien
évidemment Internet, c'est un passage quasi obligé. En revanche, nous avons
tardé à le lancer : le site a ouvert en avril 2003. En fait, nous avons attendu
que la base soit suffisamment importante. S'il y a beaucoup de sites sur la
bière (des sites de marques, des sites d'entreprises et d'amateurs…), nous
avions la volonté de faire “le” site de la bière, avec un contenu plus fort,
plus riche, plus qualitatif et plus ambitieux. Conçu par Planète Interactive
(groupe Extrême), le site propose des éléments communs au magazine, en allant
même un peu plus loin. Les services qu'il propose : la boutique, les bons de
réduction, l'abonnement au magazine… Nous voulons développer l'interactivité
immédiate en ligne avec des aspects plus conviviaux. D'ores et déjà, nous
sommes satisfaits de la fréquentation du site : 20 % sont des abonnés au
magazine, le reste est venu par le bouche à oreille ou autres.
Quel bilan tirez-vous de ce programme ?
C'est un outil très utilisé par
les marques, mais surtout, et c'est là l'atypisme de notre programme, Culture
Bière est devenue une marque en tant que telle. En fait, la vraie différence
par rapport d'autres programmes, c'est qu'il va loin en créant d'autres
produits : une boutique, une exposition, “Des bières et des arômes”, le Coffret
des Arômes… Ce programme nous permet d'avoir une marque “multimarque”. C'est un
label, une caution.
Quels projets avez-vous pour “Culture Bière” ?
En ce qui concerne le magazine, nous voulons l'affiner et
l'améliorer à chaque numéro. Pas de révolution, en somme. Nous poursuivons la
lettre “Culture Bière à vivre”. La majorité de nos gros chantiers va porter sur
les analyses des abonnés. La taille de la base nous le permet désormais. Après,
nous poursuivrons les chantiers sur les déclinaisons de la marque. Car nous
voulons continuer à la faire vivre.
De quel budget disposez-vous pour le marketing direct ?
Le budget marketing direct représente 5
% du budget marketing.
L'entreprise
Heineken France est la filiale française du groupe Heineken. Depuis 1966, elle regroupe quatre entités : Brasseries Heineken (grandes marques nationales et internationales), Brasseries Fisher (spécialités et spéciales d'Alsace), Brasserie de Saint-Omer (marques distributeurs et marques premiers prix) et France Boissons (distribution, CHD). CA : 1,6 milliard d'euros en 2001. Effectif : près de 6 000 personnes.