«Aujourd'hui «marketing services» ne veut pas plus dire grand-chose»
LE MONDE DES AGENCES EST EN PLEINE ÉBULLITION, NOTAMMENT SOUS L'IMPULSION DES AGENCES «DIGITALES». EN FACE, LES ANNONCEURS SONT PERPLEXES, SINON PERDUS. CLARIFIER LE POSITIONNEMENT ET LE DISCOURS DES AGENCES DITES DE «MARKETING SERVICES» EST L'UNE DES PREMIÈRES MISSIONS DU NOUVEAU PRÉSIDENT DE LEUR DÉLÉGATION AU SEIN DE L 'AACC. ENTRE AUTRES CHANTIERS SPÉCIFIQUES OU TRANSVERSAUX.
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Philippe Ceyrac , prèsident de la délégation marketing services de l'AACC
Marketing Direct comment s'est comporté le marché des agences de marketing services en 2009 ? et comment se présente l'année 2010 ?
- En 2009, les agences ont vu leur chiffre d'affaires et leur marge brute diminuer, en moyenne, de 20 %. En raison, à la fois d'une baisse d'activité et d'une baisse en valeur. La première moitié de l'année 2010 devrait être assez similaire à 2009. Et, si reprise il y a, elle ne devrait pas intervenir avant le deuxième semestre.
Des agences ont-elles été particulièrement fragilisées ?
- Certaines structures indépendantes ont beaucoup souffert et sont même passées tout près du dépôt de bilan. Par ailleurs, au sein des groupes, vont s'opérer des rapprochements, à l'image de RMG Connect qui intègre JWT. On assiste donc à une concentration des activités, pour des raisons économiques, et, dans le même temps, à une concentration des talents. En effet, les groupes et les agences de publicité intègrent au plus haut niveau des talents venant du digital pour promouvoir auprès de leurs clients une solution plus complète, sachant qu'aujourd'hui le digital est partout.
L'appellation «marketing services», qui a longtemps recouvert le MD, la promotion et le CRM, selon la définition de l ' AACC, est-elle encore adaptée à l'activité actuelle des agences ?
- Cette définition a changé. Aujourd'hui, les agences dites de marketing services exercent des métiers qui s'occupent essentiellement de marketing et de communication clients, associant des stratégies on et off dans un souci d'efficacité business. Faire réfléchir les agences de la délégation sur l'évolution de notre métier, sur la façon d'exprimer de façon plus précise, plus claire, ce qui nous différencie d'une agence de publicité ou d'une agence digitale, était l'un des points de mon programme. Et nous sommes entrés dans cette réflexion, avec une belle unanimité, puisqu'une vingtaine d'agences - sur les 25 de la délégation - ont participé en novembre dernier à un séminaire sur ce sujet. C'est d'autant plus important que l'on s'aperçoit que les annonceurs sont un peu perdus. Tout le monde dit qu'il sait tout faire !
La clé d'entrée n'est vraisemblablement plus le métier - la publicité, le marketing direct... -, mais la problématique de communication, en fonction de laquelle les agences vont apporter des réponses. Par exemple, si la problématique est relative à la marque, la réponse sera publicitaire ; si elle concerne la relation client, elle proviendra de nos métiers.
Aujourd'hui, «marketing services» ne veut plus dire grand-chose. Tout comme «360», qui ne veut plus rien dire du tout. Car une agence ne peut pas apporter une réponse globale. En revanche, le consommateur, lui, est réellement «360» ; ce qui rend fondamentale l'organisation des points de contacts.
Cette réflexion peut-elle aboutir à un changement du nom de la délégation ?
- Elle devrait y aboutir. Dans un esprit de clarification de nos périmètres d'intervention. En fait, on constate qu'il existe deux grands points discriminants : la marque et le client. Il y a quelques années, nous avions développé la notion de «capital client» qui, aujourd'hui, redevient importante. Ce concept recouvre bien les stratégies que nous établissons et mettons en oeuvre pour nos clients et qui utilisent des techniques complémentaires. Nous sommes de plus en plus des chefs d'orchestre, des maîtres d ' oeuvre, mettant en place une réflexion puis des solutions qui utilisent une palette d'outils, tels que le digital, le mailing, le 4 x 3 ...
Ces outils peuvent aussi être utilisés par une agence de publicité...
- Bien sûr, mais nous les utilisons dans une optique différente. Si l'on revient à un vieux schéma, mais qui reste vrai, notre mission est de travailler sur les comportements du consommateur, alors que la publicité va agir essentiellement sur les attitudes. Notre souci est de faire «bouger» un consommateur pour générer une efficacité business. Celle-ci peut prendre des formes différentes : acte d'achat, venue sur un point de vente, clic sur un site... ou encore action de la force de vente en B to B. Cette différenciation entre attitude et comportement reste le grand sillon sur lequel il faut travailler. Sur le marché des agences, l'offre est devenue à la fois vaste et multiple. Depuis deux-trois ans, de nouveaux entrants, issus plutôt d'une culture digitale, se proposent de traiter tout type d'opérations. D'où une certaine confusion des genres qui amène les annonceurs à se demander qui mettre dans leur compétition, en fonction de leur problématique.
Aujourd'hui, quels sont les grands types de demandes effectués par les annonceurs auprès des agences de marketing services ?
- Ce qui est bien compris, et que nous revendiquons haut et fort, c'est la recherche d'une efficacité business, plutôt à court ou moyen terme aujourd'hui. Nous ne sommes pas là pour construire des territoires de marque. Les annonceurs ne s'y trompent pas et leurs interrogations portent sur la création de trafic, la fidélisation de leur portefeuille clients, la stimulation de leur force de vente... Qui, mieux que nos agences, dont la culture est orientée sur le ROI, peut répondre à ces problématiques ?
Toutes les agences de la délégation ont-elles joué le jeu de l'homologation lancée sous la présidence de Catherine Michaud ?
- Non. Si près de la moitié sont homologuées, les autres ne sont pas encore entrées dans cette démarche, davantage par «fainéantise» que par rejet. C'est un processus assez long, qui exige d'être audité tous les deux ans sur des paramètres très sérieux et fiables. Mon rôle est d'expliquer à ces agences l'intérêt de ce label qui correspond à ce dont nous avons besoin et qui apporte une garantie aux annonceurs. D'ailleurs, les services achats sont très intéressés par cette démarche En outre, dans le cadre des appels d'offres publics, ou de grandes instances, on nous demande de plus en plus souvent si nous disposons de labels professionnels, de qualité, voire de mesures relatives à l'indice carbone de l'agence et des actions que nous préconisons.
Cet aspect environnemental va-t-il devenir incontournable ?
- Sans aucun doute. A tel point que, dans le cadre de l'homologation, nous avons ajouté un critère précis sur l'évaluation de l'éco-responsabilité de l'agence. C'est un sujet d'autant plus important qu'il est transversal à toutes les agences de l'AACC. Il est traité par la commission Société et nous devrions aboutir à la création d'un outil permettant, de façon simple, de mesurer l'indice carbone des dispositifs que nous recommandons et, à terme, de voir comment bouge cet indice si l'on modifie l'un des paramètres du dispositif
Ce chantier transversal a été initié par la délégation Marketing services, tout comme celui des compétitions...
- Notre délégation est effectivement l'une des plus motrices de l'association. Avec Limelight, nous avons créé le «baromètre des compétitions d'agences et best practices», car, depuis quelques années, on assiste à une certaine dégénérescence de la façon dont s'effectuent les compétitions. Il nous fallait un point zéro, avec l'avis des agences et des annonceurs. Pour voir ensuite, année après année et en fonction des actions que nous menons, si la situation change. On ne peut plus continuer avec des compétitions réunissant 14-15 agences, où des agences non présentes au premier tour apparaissent au deuxième... Sans oublier, en corollaire, le vieux débat sur leur rémunération. Ce sujet des compétitions fait désormais partie des chantiers de la commission Valeur. Nous travaillons sur la manière d'impliquer plus en amont les annonceurs, sur les engagements qu'ils doivent prendre, sur ceux des agences... Nous devons également faire de la pédagogie auprès des directions des achats, qui relaient de plus en plus souvent les compétitions et qui connaissent peu, ou très mal, le monde des agences. Parallèlement, nous travaillons sur les droits d'auteur, qu'il faut faire évoluer de manière saine, et notamment sur le point de l'après collaboration. Sous la pression des acheteurs, de la crise ou encore de la nécessité de rentrer du new business, nos rémunérations ont chuté de façon importante. Ce qui est excessivement dangereux à moyen terme, parce que nos structures de coûts n'auront plus rien à voir avec les revenus espérés. Sur tous ces sujets, nous avons un important travail à effectuer, en termes d'interactivité et de communication, avec l'UDA et le Club des annonceurs.
Le relationship score existe depuis six ans maintenant. Quel avenir lui voyez-vous ?
- C'est un de mes chantiers prioritaires. Cet indice, qui permet de mesurer la proximité des clients vis-à-vis des marques, est au coeur de notre métier et nous permet de nous différencier fortement. Non seulement nous allons poursuivre, avec BVA, ce baromètre, mais nous lui donnerons encore plus d'ampleur en 2010. D'autant que les annonceurs le regardent avec beaucoup d'intérêt. Un comité de pilotage travaille donc sur différentes idées : benchmark entre secteurs, prix, livre...
Vous êtes impliqué depuis longtemps au sein de l ' a a c c. Quelles sont les raisons de cet engagement personnel ?
- J'ai toujours considéré que l'échange professionnel était très important. Et encore plus aujourd'hui où tout va de plus en plus vite. L'AACC est un formidable lieu d'échanges. Entre nous, mais aussi avec les autres métiers de la communication. C'est une vraie nécessité, pour la promotion de nos agences en général et pour leur défense individuelle, que de fournir des réflexions, des analyses et des outils permettant d'apporter aux annonceurs des réponses claires, pertinentes, parfois musclées mais toujours étayées. A fortiori lorsque des métiers jeunes, comme le digital, génèrent à la fois de la fraîcheur, une nouvelle façon de penser, d'organiser la communication, mais aussi une espèce de miroir aux alouettes dans l'esprit des annonceurs.
Parcours
Philippe ceyrac débute sa carrière en 1977 chez Young & rubicam, puis Wunderman international. en 1983, il rejoint cascades où il participe notamment aux lancements de canal + et du club des créateurs de beauté. il intègre mediavente en 1988 en tant qu'associé, puis rejoint, en 1994, le groupe grey comme directeur général de grey direct. depuis janvier 2002, il est président de g2 paris (grey group/Wpp). après en avoir été vice-président, il a été élu président de la délégation marketing services de l 'AACC fin septembre 2009.
POINTS-CLES
* L'AACC est le syndicat professionnel des agences conseils en communication, regroupant près de 200 agences et comptant sept délégations métier. * La délégation Marketing Services de l'AACC rassemble aujourd'hui 25 agences, représentant environ 80 % du marché. * Actions marquantes ces dernières années : la création d'une homologation Marketing Services avec Bureau Veritas, actuellement reprise par d'autres délégations ; la réalisation d'un mini guide sur la collaboration annonceur-agence de marketing services ; la première initiative au sein de l'AACC sur le développement durable, avec les formations éco-communication ; la mise en place du premier baromètre des compétitions d'agences et best practices avec Limelight... * Depuis 2004, la délégation réalise, avec BVA, le Relationship Score (RSC), outil de mesure annuel de la qualité de la relation client.