« Les Echos devient un média économique 24/24 », Christophe Jakubyszyn (Les Echos)
Publié par MARIE JULIETTE LEVIN le | Mis à jour le
Le directeur de la rédaction du quotidien économique, nommé en avril dernier, impulse une nouvelle dynamique au sein du journal. Présentation de sa stratégie « reader first » pour moderniser le titre.
Comment se porte « Les Echos » ?
C'est un journal atypique dans le paysage médiatique français à double titre. D'abord Les Echos enregistre une quatorzième année de hausse consécutive de sa diffusion ; c'est assez rare pour être souligné. Ensuite, nous avons la chance d'être un quotidien spécialisé et donc d'être sur un business model en partie lié à la publicité mais majoritairement lié aux abonnements à l'instar du Wall Street Journal ou du Financial Times. Média pionnier sur le numérique, Les Echos dont 53 % des revenus sont issus du numérique (vs 25% en 2018), cumule 62 % de son audience globale exclusivement sur le numérique. Enfin, 80 % de ses 102 000 abonnés sont 100 % numériques. Environ la moitié consulte aussi le PDF le soir. Ainsi, 50 % de nos abonnés lisent le journal, soit sous forme de papier, soit sous forme de PDF numérique.
Quelle nouvelle organisation avez-vous proposé à la rédaction, avant d'être élu par celle-ci ?
La rédaction se réorganise autour d'un leitmotiv à savoir délivrer une information fiable, partout où sont les lecteurs, en s'adaptant à leurs usages et en maintenant un haut niveau d'exigence quel que soit le point de contact. Nous sommes passés d'un média déjà « web first » mais encore « print minded », avec l'objectif de fabriquer un quotidien en fin de journée, à un média économique 24h/24 avec de nombreuses déclinaisons, qui place le lecteur au centre. La rédaction est désormais constituée de quatre pôles transversaux :
- Le pôle « Plateforme ». C'est la tour de contrôle de la rédaction qui est 100 % digitale. La plateforme commande, sélectionne, hiérarchise et scénarise l'information produite par les 200 journalistes pour les deux vitrines digitales du quotidien (le site et l'application). Ce pôle est également constitué d'une équipe Breaking News, en charge de l'actualité très chaude.
- Le pôle « Audience et engagement » a pour mission de suggérer les contenus produits par la rédaction à l'ensemble des points de contacts des Echos, via tous les canaux à sa disposition (newsletters, réseaux sociaux, pushs notifications web et app, etc.). C'est notre canal de dialogue avec les lecteurs et les abonnés. On sait, sur tous les papiers, combien de lecteurs gratuits, payants le lisent ? par où ils arrivent ? Par les moteurs de recherche, par les newsletters, par la page d'accueil, par l'application ? Est-ce que ce sont des femmes, des hommes ? Des jeunes, des vieux ? Est-ce qu'ils lisent l'article en entier, à 50 %, à 10 % ? De ce dialogue permanent ressortent beaucoup d'indicateurs.
- Le pôle « Journal » est responsable de la fabrication du journal disponible en numérique dès 21h30 et dans les kiosques chaque matin.
- Le pôle « Visuel » regroupe la vidéo, l'infographie et l'iconographie. Cette équipe est garante de la cohérence de l'identité visuelle pour l'ensemble des supports de la marque.
Avec cette nouvelle organisation « reader first », nous sommes en ordre de marche pour être un média économique 24/24 ».
Quels sont les premiers résultats de ces changements ?
La réorganisation porte ses fruits puisque les audiences sont en hausse en octobre avec 24,2 millions de visites (+10 % vs oct.2023) portées par les moteurs de recherche (+16 % sur un an) et nos sources propriétaires (+20 % depuis les newsletters). L'impact porte également sur le recrutement avec +27 % de nouveaux abonnés depuis le paywall sur le site.
Et l'édition papier dans cette organisation ?
La lecture du journal devient une expérience « premium » qui doit procurer une expérience maximale pour des abonnés qui sont prêts à le payer assez cher. C'est un produit qui est important parce que c'est un mode de lecture linéaire avec un début et une fin, auxquels sont attachés encore 50 % de nos abonnés. C'est beaucoup, mais aux États-Unis, au Wall Street Journal par exemple, c'est 10 % des abonnés qui tiennent à avoir une lecture linéaire de l'information. Nous travaillons à un nouveau chemin de fer et à une nouvelle maquette pour le début d'année. Ce sera le « flagship » des Echos » ou « l'avenue Montaigne », en référence à notre actionnaire LVMH.
La communauté des décideurs est protéiforme. Comment l'adressez-vous dans sa diversité d'un point de vue éditorial ?
Les Echos s'adresse à la fois aux décideurs qui appartiennent à de grosses entreprises, notre première cible, mais aussi à des structures de taille intermédiaire ou petite. Nous les adressons via les pages macro, internationales et les pages PME région avec des cas d'école inspirants mais aussi des newsletters. Sans oublier les start-up, une communauté pour laquelle le journal est devenu une référence.
Les femmes décideurs, très consommatrices de presse, ont-elles une place dédiée dans vos supports ?
Aujourd'hui, les femmes représentent 30 % des lectrices et cette cible est une priorité de développement. Elles apprécient les sujets liés au patrimoine, à la vie au travail, à l'équilibre vie pro-vie perso. Elles aiment aussi les portraits, un traitement journalistique plus incarné pour aborder un sujet.
Quelle offre éditoriale apportez-vous aux "jeunes décideurs" férus d'informations sur les innovations, sur les nouveautés tech ?
La proposition dédiée aux jeunes décideurs prend toute sa place au sein du journal pour une visibilité plus forte. En effet, nous avons fait le choix d'intégrer ces contenus dans l'univers des Echos en créant de nouvelles rubriques, lancées en janvier 2025, sur l'évolution du rapport au travail et à l'argent intitulées « travailler mieux » et « mon budget ». Par ailleurs, en partenariat avec Welcome to the Jungle, le titre vient ainsi de lancer la série vidéo « Merci l'IA », mettant en avant la manière dont l'IA peut faciliter la vie des jeunes en entreprise.
Vous souhaitez enrichir l'offre week-end. Quelle est votre stratégie ?
Dès 2025, nous enrichissons l'offre week-end, sur tous les supports de la marque, avec une place de choix dans le magazine et dans le journal, basé sur une présence très marquée des opinions et débats, de l'art de vivre, et la culture, de la prescription.
Quels nouveaux formats lancerez-vous en 2025 ?
Jusqu'ici généraliste économique, le quotidien va proposer aux professionnels une expertise plus forte sur certains secteurs choisis. Le lancement d'une première verticale dédiée à la gestion d'actifs est prévu pour le premier trimestre 2025. Elle offrira le même traitement qui a créé la confiance des lecteurs jusqu'ici : fiabilité et décryptage de l'information, efficacité de lecture. Devant la multiplicité des sources d'information et pour répondre à la consommation rapide de l'information, Les Echos lancera début 2025 le « 18-20 », un rendez-vous quotidien de début de soirée au sein de l'appli, avec les 10-15 articles à lire absolument pour comprendre ce qui compte dans l'actualité économique du jour. Une lecture revisitée du quotidien et surtout personnalisable en fonction de ses centres d'intérêt. À l'instar de la presse anglo-saxonne, foisonnante. Nous réfléchissons à enrichir l'offre de fin de semaine en 2025 avec un troisième cahier proposé chaque semaine, en plus du supplément Les Echos Week-End. Il pourrait aborder, toujours sous l'angle économique et business, des sujets qui relèvent davantage de la sphère privée autour de la culture, l'argent, le lifestyle, les tendances...