[Tribune] Pour un digital plus éthique et plus durable !
Publié par Franck Thery, DGA de SensioGrey le - mis à jour à
Franck Thery, DGA de l'agence digitale SensioGrey exprime sa vision du numérique, à savoir plus éthique et plus durable.
Dès juin 2016, Tristan Harris, ancien ingénieur chez Google et spécialiste en éthique des technologies affirmait que : "Des millions d'heures sont juste volées à la vie des gens, manipulés tous les jours de leur vie, et il n'y a pas un seul débat public là-dessus !" Aujourd'hui, le débat public existe. Et nous savons tous que les réseaux sociaux et les géants du web ont construit leur succès sur une double capture, celle de notre attention et celle de nos données. Ils ne nous vendent pas de produits : nous sommes le produit. A tel point que le cofondateur et CEO de Netflix, Reed Hastings, a pu affirmer que son entreprise était en concurrence... avec le sommeil. Mais ce débat sur l'économie de l'attention et la privacy a tendance à occulter une autre dérive du développement exponentiel des activités numériques : son impact environnemental. Or on nous a si souvent présenté la digitalisation comme une solution favorable aux économies et à un meilleur usage des ressources que l'on en oublie souvent à quel point tous ces services digitaux sont énergivores.
Qui a vraiment conscience lorsqu'il regarde un film sur Netflix qu'il consomme en kilowattheures l'équivalent de 1000 ampoules basse consommation allumées pendant 1 heure ? Que 3 photos postées sur Instagram, c'est comme utiliser 3 ampoules pendant 1 heure ? Que 3 minutes 30 de musique en ligne correspondent à 2 ampoules ? Selon Greenpeace, si l'on réunissait ensemble tous les data centers et les réseaux de communication, Internet serait le 6e pays le plus consommateur d'électricité. Et les technologies de l'information consomment aujourd'hui 7% de la production d'électricité mondiale. Selon certaines estimations, la pollution générée par l'industrie du numérique et son impact sur le climat seraient équivalents à ceux du secteur de l'aviation ! Il est donc urgent que les agences digitales et les annonceurs qu'elles accompagnent trouvent des solutions pour réduire l'impact environnemental de leurs sites, de leurs apps, de leur CRM... On peut concevoir autrement, on peut développer autrement, on peut héberger autrement.
Prenons deux exemples simples. Le poids moyen d'une page web est passé de 0,45 megabytes en 2010 à 1,7 megabytes en 2018. La page d'une site mobile est quant à elle passée de 0,15 MB en 2011 à 1,6 MB en 2018. On estime par ailleurs qu'un même résultat, par exemple trouver un horaire de train, peut coûter jusqu'à 700 fois plus de ressources selon les choix fonctionnels, graphiques et techniques qui ont été faits !
Concrètement, comment faire bouger les lignes ?
En remettant en cause, à chaque étape les habitudes et en éprouvant le ratio coût (énergétique) / bénéfice (pour l'utilisateur, mais aussi pour l'annonceur). C'est un travail qui implique chacun, du service marketing à l'IT en passant par le design. Aujourd'hui, puisque tout est possible - ou presque -, nous avons tendance à tout mettre en place. Mais cette fonctionnalité sera-t-elle vraiment utilisée ? Ce tracking est-il nécessaire ? Cette data collectée sera-t-elle vraiment analysée ?
C'est ici que le digital durable rejoint le digital éthique. Car la plupart des solutions mises en place pour nous rendre accros ou pour capter nos données sans que notre consentement soit réellement éclairé sont aussi terriblement énergivores. Et pour ceux qui ne seraient pas convaincus par le pur argument écologique, gardons en tête deux motifs supplémentaires de revoir nos manières de faire du digital. Tout d'abord, au moment où les consommateurs exigent des marques de plus en plus responsables, avec un impact positif sur la société, il ne sera bientôt plus possible de ne pas être cohérent dans l'ensemble de ses actions.
Deuxièmement - et surtout - les salariés aussi souhaitent s'engager auprès d'entreprises responsables. Faire du digital plus éthique et durable, c'est donc se donner davantage d'opportunités de recruter des talents. Et ainsi enclencher peut-être un cercle vertueux, puisque nous savons désormais que les biais inconscients peuvent avoir des conséquences désastreuses lors de la conception d'un algorithme ou d'une IA. Ne pensons plus uniquement objectifs business ou de communication, mais aussi responsabilité sociétale et environnementale. Agences, annonceurs, consommateurs, nous serons tous gagnants.