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[Tribune] " Les médias éphémères bouleversent les usages marketing "

Publié par Marie Dollé, spécialiste en stratégie de contenu digital, Kantar Media le - mis à jour à

Si les messageries éphémères offrent aux marques l'opportunité de construire un lien différent, plus plus intime et authentique avec leurs publics, elles ne séduisent qu'une minorité d'annonceurs. En cause : l'absence d'empreinte numérique et l'inexistence pour l'heure d'options de ciblage.



La tendance du message éphémère est portée par l'application star Snapchat qui permet l'envoi de photos s'autodétruisant 10 secondes maximum après leur consultation. Le cap des 100 millions d'utilisateurs actifs aurait ainsi été passé l'année dernière avec 700 millions de " snaps " (messages) envoyés chaque jour. Ce volume est d'autant plus impressionnant que Snapchat n'existait pas encore il y a à peine 3 ans !

2014 : l'année du message éphémère

Derrière cette plateforme célèbre, notamment auprès d'une population jeune, une myriade d'autres acteurs se sont engouffrés sur ce marché comme Wickr, Blink ou encore l'application de Facebook : Slingshot... avec plus ou moins de succès.

Pas surprenant dans ce contexte que la communauté marketing ait commencé à expérimenter ce modèle basé sur l'éphémère avec l'apparition de promotions et de publicités ayant une durée de vie très limitée, pour capter cette audience avide d'instantanéité. Une des marques les plus connues au monde, McDonalds, a par exemple investi la plateforme pour le lancement de son nouveau burger aux Etats-Unis l'année dernière, tandis que d'autres marques ou médias comme Audi et Mashable ont eu l'idée de créer des contenus qui s'autodétruisent au bout de quelques secondes... Objectif avec la destruction de ces contenus : rendre le lien social plus intime et plus authentique grâce à son instantanéité et sa dimension d'exclusivité, comme dans une discussion en face à face et ainsi élargir sa communauté.


Un modèle publicitaire social à contre-courant des habitudes

En effet, Snapchat a promis que la publicité ne s'immiscera pas dans les échanges privés des utilisateurs qui auront le choix de visualiser ou non les publicités et qui disparaîtront au plus tard dans les 24h. Universal studios est le premier annonceur à avoir testé le dispositif. Chacune de leur campagne ayant été regardée de manière volontaire, à la façon d'un opt-in publicitaire par des millions d'utilisateurs de la plateforme.

Le buzz autour de ces plateformes est indéniable et ouvre un champ aux marques. Il suffit de faire une simple recherche sur Google et d'y trouver des centaines de milliers de résultats pour s'en rendre compte. Mais en tant que marque, est-ce une raison suffisante pour utiliser le message éphémère dans sa communication digitale ? Les services de messagerie éphémère ont-ils de l'avenir ou sont-ils voués à disparaître aussi vite qu'un snap ?

En effet, malgré la popularité exponentielle du web éphémère, la révolution attendue n'est pas là... En réalité, aujourd'hui, seulement 1% des professionnels de la communication l'utilisent pour leur marque. Et 85% d'entre eux n'ont pas non plus l'intention de l'utiliser cette année. ( source : site socialmediaexaminer.com ) Comment expliquer que le phénomène ne soit pas davantage exploité par les marques ?

Les limites de l'intégration de ces applications dans une stratégie marketing sont en même temps ce qui les a rendues populaires : c'est le fait que leurs messages éphémères ne laissent pas de trace. La fameuse " empreinte numérique " ! Il s'agit d'une véritable contrainte pour les professionnels du marketing qui n'ont pas de visibilité sur la portée de leurs contenus auprès de leurs audiences cibles, même s'ils peuvent voir que leurs messages ont été vus. Si le message est une vidéo, il est difficile de vérifier si la vidéo a été visionnée jusqu'au bout et donc de savoir si la totalité du message a été communiquée. Limite à laquelle s'ajoute la difficulté de cibler les profils. Alors que les professionnels du marketing ont de plus en plus la nécessité de démontrer le retour sur investissement de leurs campagnes social media, ils ne peuvent pas se permettre de botter en touche avec des canaux dont il est impossible d'évaluer le ROI. Sans doute, certains diront que si une campagne séduit son audience, elle sera capturée, enregistrée et partagée sur les autres réseaux sociaux. Ce qui au bout du compte signifie qu'une campagne éphémère ne peut connaître le succès qu'à la condition que son contenu devienne permanent - un constat qui va totalement à l'encontre du principe même d'instantanéité de ce type d'opération marketing.

Autre frein identifié : la réputation de l'application Snapchat qui souffre de la mauvaise image du " sexting " (messages, photos, vidéos sexuellement explicites échangés électroniquement) facilité par le web éphémère. Cela exclut d'emblée de toute expérimentation les marques les plus "family friendly" qui ne veulent pas prendre le risque de jouer leur réputation et leur crédibilité.


Enfin, " éphémère " n'est pas synonyme de protection des données personnelles : en quelques années d'existence, Snapchat a déjà essuyé plusieurs cyber-attaques... qui ont eu un effet dissuasif certain.

Tout ceci ne signifie pas pour autant que la communication éphémère est une mode sans lendemain. Cette tendance a indéniablement changé la manière dont nous communiquons et avec des plateformes comme Wickr - une application de messagerie éphémère cryptée, qui séduit de plus en plus, ou encore la nouvelle arme de Snapchat - Discover qui va permettre de distribuer des informations au sein de l'application, et choisie par Madonna pour diffuser son dernier clip - le temps du simple gadget pour ados est bel et bien révolu. Mais, comme phénomène marketing, les plateformes éphémères doivent encore faire leur preuve pour s'imposer dans le paysage digital, monétiser leur audience, et prétendre au titre de " média du futur "...

Snapchat Discover : vers de nouveaux modèles de distribution de contenus ?


Lancé le 27 janvier dernier, Discover est un nouveau service qui va permettre à Snapchat de distribuer des informations au sein de son application. Les médias tels que CNN, Vice ou MTV vont ainsi réaliser des contenus exclusifs dans le but d'atteindre un public jeune qui délaisse les journaux. En passant ainsi de la messagerie à la plateforme media, Snapchat démontre clairement son ambition de devenir le support média de demain.

Mais cette mutation n'est pas sans soulever quelques problèmes. Le premier d'entre eux concerne Google et les moteurs de recherches de manière générale. En effet, ces contenus exclusifs, n'existent pas sur le web ouvert et ne peuvent, par conséquent, être indexés. Un constat qui s'applique également aux métiers de la veille qui sauf accord spécifique ne pourront pas collecter et analyser ces contenus et devront donc évoluer rapidement pour s'adapter.

Cela soulève également l'épineux problème de la perte de contrôle des éditeurs de contenus qui devront se plier aux règles du média. Un cas qui a détonné auprès des marques lorsque Facebook avait décidé de façon unilatérale de faire payer les marques pour pouvoir communiquer avec leurs publics.

Car il est évident que si le modèle exclusif de Snapchat réussit, de nombreux autres acteurs vont vouloir lancer leur propre modèle. Le dégroupage des applications va ainsi continuer et fragmenter davantage le web social.

Il est sans doute encore trop tôt pour savoir si Snapchat va devenir mainstream dans nos usages mais ses développements "avant-gardistes" bousculent d'ores et déjà les géants du web social. Les professionnels des RP, de la communication et du marketing devront ainsi maîtriser et tirer parti des nouveaux afin d'accompagner les marques dans de nouveaux défis.




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