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La RSE, moteur de la reprise économique ?

Publié par Clément Fages le - mis à jour à

Si les retailers n'ont pas attendu le confinement pour s'emparer des tendances de consommation éco-responsable, les derniers mois ont renforcé la capacité d'attraction de ces dernières auprès des consommateurs.

La RSE est-elle le nouveau marketing ? Question légitime au regard des résultats du baromètre Contributing, dévoilés fin juin par l'agence W et l'institut CSA. "La contribution positive des entreprises aux enjeux de société devient un critère de confiance et de préférence. Le choix ne se fait plus uniquement sur le contrat de base : qualité / produit / prix", remarquait alors Johanne Casagrande, directrice générale branding & stratégie chez W&Cie. Si 56 % des Français sondés étaient incapables de citer une marque contribuant à améliorer la société, Danone et Carrefour sont les marques les plus citées lorsqu'il s'agit d'évoquer celles qui contribuent le plus. Les deux entreprises copilotent justement en France le projet "On s'y met", lancé sous l'égide du Consumer Goods Forum en septembre 2019, et qui rassemble aussi des acteurs comme Nestlé, Mars, Bel, Coca-Cola, Auchan et Metro dans la promotion d'une alimentation saine et abordable. "Un bon projet, qui répond à une attente de la société, se développe sans avoir besoin de dépenses marketing. Je ne suis pas un spécialiste du marketing, mais je pense que quand vous avez besoin d'en faire beaucoup, c'est que vous essayez de créer un besoin. Au contraire, quand vous répondez à un besoin, vous n'avez pas besoin d'en faire beaucoup..." , constate Bertrand Swiderski, directeur RSE du groupe Carrefour.

"Il faut cultiver sa légitimité et la confiance que vous portent les gens. Cela part du magasin, quand les clients rencontrent des équipes fières de ces actions. Le reste, c'est du bouche-à-oreille. " Une confiance justement regagnée par les enseignes pendant le confinement : "Pour l'alimentaire, c'est un moment historique : habituellement, il y a une grande défiance envers ce secteur, accusé de manquer de transparence. Mais pendant le confinement, il est passé de la 7e à la 1 ère place des secteurs envers lesquels les consommateurs ont le plus confiance à l'échelle mondiale !" , explique Amélie Aubry, managing director brand & marketing chez Elan Edelman, qui cite les résultats de Trust Barometer. "L'alimentation a pris une place centrale dans notre quotidien pendant le confinement. La chaîne alimentaire a été mise en lumière, et les consommateurs sont plus sensibles à la question de la provenance, mais aussi aux enjeux de juste rémunération des agriculteurs, des ouvriers agroalimentaires, des caissiers... Plus généralement, le pouvoir d'achat est aussi un enjeu RSE majeur, quand on sait que la première cause de l'obésité est la malbouffe, liée à une problématique de pouvoir d'achat."

Le prélude à un changement de business model ?

Un contexte assimilé par Intermarché, qui a non seulement mis en avant ses équipes dans ses publicités, mais a aussi bloqué les prix de plus de 10 000 références pendant le confinement, tout en vendant des produits au prix minimum légal pour soutenir agriculteurs et pêcheurs en mal de débouchés. "Avec la crise, nous avons encore renforcé les approvisionnements locaux. Nous le devions à nos clients, tout comme nous le devions au monde agricole. 1 000 de nos adhérents sont inscrits sur la plateforme jaidelesproducteurs.com", détaille ainsi Vincent Bronsard, lui-même adhérent Intermarché. Préserver son écosystème, et passer de l'ère de la compétition à celle de la collaboration... Est-ce le nouveau paradigme ? Au-delà de "On s'y met" sur la partie alimentaire, on peut également citer l'initiative "Retail de demain", menée par l'Institut du Commerce et coordonnée par Nathalie Innocenti, experte de l'expérience client et des nouveaux modes de consommation : "C'est une démarche que nous avons initiée il y a un an en collaborant avec les enseignes Carrefour, System U, Biocoop, Day by Day, et à laquelle nous avons associé l'Ilec, mais aussi Metro ou Loop. Le but est d'envisager la fin du plastique et des contenants à usage unique. Cela implique de totalement repenser la façon de promouvoir les produits en rayon, mais aussi le parcours des clients, les conditions sanitaires, qui fait quoi dans la chaîne de valeur, et surtout, qui paye ? Cela demande une vraie collaboration."

Avec, à terme, la possibilité de voir se développer des emballages réemployables consignés et communs à plusieurs enseignes ? Ou des produits communs à plusieurs marques ? En non-alimentaire, l'experte évoque ainsi le sujet de "la réparabilité des produits à forte valeur ajoutée, via le développement d'une vraie filière de pièces détachées et de l'impression 3D, ou encore de pièces utilisables d'un produit à l'autre, voire d'une marque à l'autre !" Enfin, parmi les tendances RSE entraînant un changement de paradigme, difficile de passer à côté des pratiques liées à l'occasion ou la location, qui se développent chez de nombreuses enseignes. Avec l'aide de la start-up Lizee, Decathlon a ainsi lancé un service de location pour ses marques Forclaz et Quechua, respectivement pour du matériel de trekking et de camping. L'objectif est alors d'avoir plusieurs boucles d'usage pour un nombre constant de produits, permettant alors aux marques de générer de la croissance sans pour autant vendre plus. "Quand la vente est au coeur du business model, les marques n'ont pas intérêt à ce que les produits durent", remarquait Karen Delchet-Cochet, enseignante -chercheuse de l'ISC Paris Business School, dans un article de Challenges consacré à Lizee. "Par contre, s'il n'y a pas de transfert de propriété, elles ont tout intérêt à ce qu'ils durent longtemps et soient réparables, pour mieux les rentabiliser." De quoi ouvrir de nombreuses perspectives.


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