Prévention de l'obésité : les effets contre-productifs des messages sanitaires
Publié par Catherine Heurtebise le | Mis à jour le
Une étude menée par des professeurs de Grenoble École de Management démontre que les messages sanitaires diffusés sur les publicités ont un effet inattendu : au lieu d'inciter à manger équilibré, ils servent de justification pour consommer des aliments "plaisirs" : gras, salés, sucrés !
“Pour votre santé, mangez au moins cinq fruits et légumes par jour” : voici l'un des messages que les Français voient au pied des publicités alimentaires pour les inciter à surveiller leur alimentation et manger équilibré. Ces messages sont-ils efficaces pour changer les comportements alimentaires ? C'est ce qu'ont cherché à savoir Carolina Werle et Caroline Cuny, deux chercheuses de Grenoble École de Management, alors que l'INPES travaille sur la refonte des messages sanitaires de prévention de l'obésité.
Leur recherche est fondée sur un protocole expérimental original et a été menée auprès de 130 personnes. Les résultats démontrent que les messages actuels servent de justification aux individus pour manger des aliments ayant une dimension plaisir via un mécanisme compensatoire. Carolina Werle commente : « En associant des messages sanitaires à des produits alimentaires hédoniques (glaces, hamburgers…), les individus perçoivent ces informations comme une solution potentielle à la prise de poids. Si je fais ce que le message indique, implicitement je m'octroie le droit de manger plus sucré ou plus gras. Cela a pour effet de les déculpabiliser au lieu de les inciter à manger sainement. » L'exposition au message sanitaire influencerait même le comportement alimentaire des participants. « L'une des mesures de notre étude consistait à montrer aléatoirement aux participants une publicité d'un aliment type hamburger avec ou sans le message de prévention. Les participants devaient ensuite choisir un bon pour une glace ou un sachet de fruits. Les personnes qui ont vu la publicité avec le message sanitaire ont fait des choix moins sains que celles qui l'ont vue sans le message sanitaire », ajoute Carolina Werle.
Face à ces constats et à l'influence importante de la publicité sur la consommation alimentaire, Carolina Werle indique que plusieurs pistes de réflexion sont possibles pour faire évoluer les messages et renforcer leur efficacité : « Une des solutions peut être de dissocier le message sanitaire de la publicité, c'est-à-dire qu'il soit diffusé sous forme d'encart avant ou après la publicité du hamburger, par exemple. L'effet du message ne sera pas le même car, selon sa position par rapport à la publicité, il va activer différents types d'associations en mémoire. » « Les campagnes antitabac ont démontré que l'image a un impact plus fort sur les individus que le texte. Ces éléments sont aussi à intégrer dans la réflexion pour les futurs messages de prévention de l'obésité », conclut-elle.
Carolina Werle
Carolina Werle est professeur de marketing à Grenoble École de Management. Titulaire d'un doctorat en marketing de l'Université de Grenoble, elle a été visiting scholar au Cornell Food & Brand Lab (Cornell University) et à l'université de Californie (Irvine). Ses travaux portent sur le marketing social, les stratégies de prévention de l'obésité, et l'influence du marketing sur le comportement alimentaire et l'activité physique. Ils ont été publiés dans les revues académiques Archives of Pediatric & Adolescent Medicine, Marketing Letters, Obesity, Appetite, Food Quality & Preference. En 2010, elle a déjà mené un projet de recherche avec la Fondation Wyeth sur l'efficacité des messages de prévention de l'obésité auprès des adolescents.
Caroline Cuny
Caroline Cuny est psychologue, professeur de marketing à Grenoble École de Management et ses recherches ont été publiées dans International Journal of Market Research et l'Expansion Management Review.