Gaspillage alimentaire : au-delà des bavardages, Les Gueules Cassées agissent
Publié par AMELLE NEBIA le - mis à jour à
Le sujet du gaspillage alimentaire est l'affaire de tous. Si les politiques et les distributeurs s'emparent du sujet, une marque émerge et agit : Les Gueules Cassées.
40% de la nourriture produite ne voit jamais un ... estomac. C'est l'équivalent de 17 stades de France remplis de denrées alimentaires consommables qui partent directement à la poubelle. Dans l'enquête "Poubelle, Morale et Marketing", nous avions relevé que ce fléau coûtait aux foyers français 430€/an ... "Tout le monde y perd ! Les consommateurs, les marques et les distributeurs "" révèle Nicolas Chabanne, créateur des Gueules Cassées en 2014. Sa marque, est la première au niveau mondial à proposer une alternative "marketée " à ce paradoxe qui ne fait qu'empirer. La stratégie de cette marque citoyenne est double : limiter le gaspillage et faire des économies. Les produits étant vendus en moyenne entre 30 et 50 % moins chers.
L'idée est d'éviter la poubelle quand les produits ont un petit défaut d'aspect (17 millions de tonnes de produits comestibles sont jetés pour délit de "sale gueule "). Les Gueules Cassées, c'est aujourd'hui le pont qu'il manquait sur ce sujet entre fabricants, distributeurs et consommateurs. On trouve la marque dans 5 000 points de vente dans toute la France avec des catégories de produits très différents : des fruits et légumes, des camemberts AOP, des céréales (souvent écartées pour 1 ou 2 millimètres de plus ou de moins par rapport au cahier des charges), de la confiserie, des biscuits, de la viande et des produits de la mer. "La grande distribution redécouvre un gisement de produits, certes moins beaux à voir mais toujours très bons à consommer " poursuit Nicolas Chabanne avant de poursuivre "Ce sont les producteurs eux-mêmes qui décident de rejoindre ce mouvement en achetant notre logo "(ndlr : 3 centimes dont 1 centime est reversé à des associations caritatives, 1 centime pour les Gueules Cassées et 1 centime pour financer un réseau de consommateur).
La force d'un logo qui sourit
Généralement, en linéaire, les produits moins chers (notamment ceux à dates courtes) sont barrés d'autocollants fluos qui peuvent stigmatiser un client ... La marque "Les Gueules Cassées" a réellement décollée avec ... une pomme édentée. "Nous avions lancé un premier test sans repère visuel fort mais avec un texte explicatif " continue Nicolas Chabanne " mais ça n'a pas suffit à déclencher l'achat. L'idée de ce logo est venue de mon cousin graphiste Guillaume Charvet, parti créé une entreprise en Inde. Il a humanisé le message. L'aventure a véritablement décollé à ce moment là ". Depuis, une vingtaine de pays ont contacté Nicolas Chabanne intéressés par sa démarche. Le Japon a copié son logo, les Etats-Unis ont amorcé une démarche similaire avec Imperfect Fruits ad Vegetables visibles dans une vingtaine de magasins.
La question des dates courtes ...
La marque va aujourd'hui encore plus loin, avec l'épineuse question des dates courtes (lire leurs propositions concrètes). " Il s'agit d'une solution qui limite fortement le gaspillage en alimentant une cagnotte de solidarité pour les associations, le chainon manquant. Nous avons fait une proposition à Ségolène Royal et à l'ensemble de la distribution dans ce contexte où tout le monde cherche une solution qui satisfasse tout le monde : généraliser cette étiquette attractive dans les points de vente pour offrir un repère unique et simple au consommateur. Lui apporter un vaste programme d'économies en l'incitant à acheter prioritairement ces produits " aussi bons et moins chers " (1 Milliards € /an économisé) et générer des revenus indispensables pour les associations pour améliorer la qualité du don (10 millions d'€/an) " continue Nicolas Chabanne. Les consommateurs sensibilisés pourront même faire parvenir une lettre au responsable de leurs magasins pour les informés et pourquoi pas les rallier à la cause. A ce jour, il y a eu près de 750 téléchargements ... L'opération initiale testée depuis le début de l'année était portée par "Les Gueules Cassées" mais celle qui va se généraliser au plan national avec les relais des consommateurs se fera sous le nom "Tous antigaspi".
Si l'Etat et les distributeurs viennent de se mettre d'accord sur une " convention d'engagement volontaire " pour lutter contre le gaspillage alimentaire. Les distributeurs privilégieront " les dons à des associations d'aide alimentaire pour les humains, puis les dons à des associations animales et enfin la méthanisation pour les denrées non consommables " . Le texte prévoit aussi l'interdiction de rendre impropres à la consommation des denrées consommables, " sans préjudice des règles relatives à la sécurité sanitaire des aliments " (interdiction de la javellisation des produits jetés notamment). Les grandes surfaces s'engagent à donner leurs invendus aux associations caritatives " habilitées " et " qui en font la demande ". Montrée du doigt par l'Etat et l'opinion publique en général, la grande distribution ne serait "reponsable" qu'à hauteur de 7% du gâchis global contre ... 70% imputés aux ménages.