[#MarketingA20ans] Gilles Babinet: "La fonction marketing est en pleine mutation"
Publié par Gilles Babinet le | Mis à jour le
Grâce aux données et à la compréhension quasi immédiate du comportement des consommateurs qu'elles procurent, la fonction marketing évolue en profondeur.
Nombreux sont les experts qui remettent en cause les méthodologies d'étude. Car l'imprécision règne dans un domaine où l'on cherche à généraliser autant que possible, afin de proposer des produits et des messages qui plaisent au plus grand nombre, notre ère étant celle de l'abondance du choix et de la personnalisation.
Ces modèles "estimatifs" et de cycle long guident l'achat médias. La tradition consiste à commander, avec l'agence médias, autant d'études et d'analyses que nécessaire pour cerner les caractéristiques socioculturelles de chacun des supports médias et déclencher une impulsion d'achat auprès de leurs audiences. Le résultat reste très imparfait. La célèbre affirmation de John Wanamaker - datant de 1919 - " Je sais que la moitié de mes dépenses de promotion est injustifiée, le problème est que je ne sais pas laquelle " demeure un principe tacitement accepté. Quand les stratégies d'entreprise évoluent brutalement, lorsque les innovations produites ne sont plus incrémentales, les études se révèlent assez peu utiles. En témoigne la phrase de Henry Ford : " Si j'avais demandé au consommateur ce qu'il voulait lorsque j'ai conçu la Ford T, il ne fait aucun doute qu'il m'aurait répondu : un cheval plus rapide. "
La mutation du mix marketing
Alors que l'une des caractéristiques de la révolution digitale est la fréquence et l'amplitude de l'innovation, les entreprises traditionnelles et, plus encore, les fonctions marketing peinent lorsqu'elles sont confrontées à des innovations de rupture. Les entreprises digitales, en revanche, réussissent formidablement bien à positionner leurs offres et à se créer un chemin jusqu'au consommateur.
Les start-up qui ont le mieux réussi (Dropbox, Evernote, Lift, Netflix) ont systématiquement démultiplié les contacts avec des utilisateurs, via les réseaux sociaux ou leurs sites web, pour acquérir leur feedback. L'interaction est ainsi infiniment plus aisée que dans le monde traditionnel des études de marché et des focus groups, les allers-retours, plus fréquents, plus importants, la relation, plus authentique.
L'utilisation des données pour disposer d'une compréhension quasi immédiate de ce que fait le consommateur permet des corrections rapides, créant des boucles de rétroaction rapides et, progressivement, des niveaux d'efficacité croissants.
La stratégie de développement de produit "minimum viable product", utilisée pour tester la viabilité d'un produit via un prototype assez qualitatif pour disposer de remontées de données en volumes suffisant, permet tous types de tests (sur le prix, les messages-clés, l'expérience utilisateur, etc.). À tel point qu'une partie de la fonction marketing pourrait être directement transférée au sein de l'équipe produit. Le "product owner" interagirait ainsi avec une sous-communauté ou étudierait les analytics pour améliorer, en circuit court, l'offre. Cela concerne également la cinématique des canaux d'acquisition, la segmentation du prix, etc.
Cette approche va probablement modifier en profondeur la définition même du marketing. Le début d'une grande mutation de la fonction...
L'auteur
Créateur d'entreprise dès 22 ans dans le conseil (Absolut), la musique mobile (Musiwave), la cocréation (Eyeka), les outils décisionnels (Captain Dash), membre entre autres du board d'EY, de la Fondation EDF, du Cned, Gilles Babinet est "digital champion" pour la France auprès de la Commission européenne. L'ex-président du Conseil national du numérique est l'auteur de Big data, penser l'homme et le monde autrement (2015) et de L'Ère numérique, un nouvel âge de l'humanité (2014).
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