Cannes Lions : "Le marketing et la pub, ce n'est pas que de la data !"
Publié par Clément Fages le - mis à jour à
Laurent Habib, nouvellement réélu à la tête de l'AACC, revient pour e-marketing.fr sur les enjeux de cette édition 2019 des Cannes Lions, marquée par le tiraillement des marques entre technologies et engagements sociétaux.
Laurent Habib, quelle est l'ambition du French Camp mis en place par l'AACC ?
Nous avons décidé d'aller au bout du projet initial du French Camp, c'est-à-dire de rassembler l'ensemble de la communauté de la communication en France : au-delà des agences de l'AACC, nous avons invité l'Udecam, l'union des marques et le Syndicat professionnel des producteurs UPS. Tous les métiers sont représentés, des agences aux annonceurs, en passant par les régies et les médias, ainsi que d'autres acteurs du marché comme l'AFDACE et l' ARPP. Et le fond a été aussi modifié afin de mettre en avant et de donner de la profondeur à des sujets comme la loi Pacte et les entreprises à mission, les nouveaux usages en matière de contenus, le CMO augmenté et les nouveaux modèles de production. Nous allons aussi inviter les gagnants français d'un Lion à présenter leur campagne, afin de mettre la créativité au coeur de ce French Camp et de donner une vraie existante à la communauté française, qui est de plus en plus dépossédée de l'événement par les acteurs tech ou les networks internationaux qui investissent la croisette... Or le marketing et la pub, ce n'est pas que de la data !
En quoi cela impacte le quotidien des agences ?
Il y a une grande évolution des métiers, avec l'émergence de nouveaux modes de production des campagnes. L'omniprésence de la technologie et de la data bouleverse nos business model. Au-delà de la tendance à l'internalisation, on constate qu'une grande partie des marketeurs sont totalement dépassés par la puissance des algorithmes de Facebook et Google. Nos métiers sont alors les plus exposés, et il faut véritablement que nous retrouvions nos fondamentaux. Cannes en ce sens est véritablement la scène sur laquelle se joue le spectacle de ce bouleversement.
Pensez-vous que cette course technologique soit toujours la priorité des marques, à l'heure où l'on parle de plus en plus de RSE ?
Dans le fond, je pense qu'il y a un risque devant l'omniprésence de l'IA dans nos métiers. Ce n'en est pas l'alpha et l'oméga ! Or de plus en plus de marques sont obnubilées par la course à l'IA et la data, et ne remettent plus ces sujets en perspective avec le reste. C'est un peu comme la tendance de l'engagement : les marques courent après une raison d'être... Il est difficile de prévoir le palmarès de Cannes en 2019, mais les questions du genre, ou de l'absence de genre, de la reconnaissance de la laideur, de la lutte contre la grossophobie - que je soutiens - ou encore de la représentation des menstruations ou de la question animale sont omniprésentes dans les campagnes récompensées sur d'autres prix cette année. Nos sociétés ont toujours de l'appétit pour les nouvelles causes ! Mais si aucune ne dure plus d'un an, cela n'a plus aucun sens. Il y a un parallèle à faire avec le digital et les réseaux sociaux, qui s'enflamment et s'indignent chaque jour pour un sujet différent. Les marques ont besoin de s'engager, mais vont devoir faire attention avant de s'associer à une cause.
Que conseillez-vous à une marque désireuse de s'engager ?
Selon moi, l'engagement repose sur quatre piliers : il doit être authentique, singulier, cohérent et durable ! La marque doit s'engager dans une cause où elle est légitime c'est certain, mais cette cause doit être suffisamment originale pour que cet engagement soit visible. Il faut éviter le consensuel, il faut s'engager sur des sujets étonnants, car c'est ce qui fait le plus vibrer sur les réseaux sociaux. Ensuite il faut tenir ses engagements sur la durée ! C'est le risque que prennent les marques qui parlent de RSE alors que leur business model et basé sur des activités polluantes et qui exploitent des gens à l'autre bout du monde ! L'engagement, c'est comme un mariage. Si le contrat de base n'est pas sincère, le divorce avec le consommateur vous coûtera cher !
Pour aller plus loin :