[Tribune] De l'importance de l'humain face au digital
Publié par Arabella Ignatieff, consultante le | Mis à jour le
Retour aux fondamentaux du marketing digital et de la conversation avec les consommateurs, avec Arabella Ignatieff, consultante en marketing digital.
Depuis une dizaine d'années, on ne parle que de marketing digital. Les entreprises s'engouffrent dans cette brèche avec enthousiasme. Pour mesurer cet engouement, il suffit de considérer les chiffres de la publicité digitale (1,5 milliard d'euros pour le premier semestre 2015)(1) et sa croissance par rapport à la publicité traditionnelle. Cependant, une marque n'est pas, sauf exception, uniquement digitale.
La marque est la perception que le consommateur a des produits, des services ou des objets d'une entreprise à travers le contenu qu'il reçoit et l'expérience que l'entreprise lui procure. Alors, comment réduire la marque à son expression digitale? Elle est un univers où le virtuel et le réel se mêlent. Comme l'a dit Virginie Fauvel, membre du comité exécutif d'Allianz France, en charge du digital et du market management: "Le digital peut être froid, il faut qu'il y ait de l'humain derrière." Une marque est une personnalité, selon Aaker (1997), par conséquent, comment la réduire à un algorithme?(2)
Le digital, en particulier les réseaux sociaux, permet à la marque d'avoir une véritable relation avec ses clients mais pour pouvoir exploiter les retours des clients, il faut que les marques soient capables de comprendre ces données et d'en tirer des insights pertinents afin de proposer des solutions qui répondent aux besoins des consommateurs. Ces solutions ne proviennent pas des algorithmes mais plutôt de l'intelligence et de l'analyse du data scientist. Par conséquent, sans humain, pas de digital.
Une question de confiance et de contact
Malheureusement, de nombreuses marques ont utilisé le digital comme un rempart pour éviter tout contact direct avec le consommateur. Des marques comme Google, qui prônent la transparence, deviennent quasi injoignables si ce n'est par e-mail (souvent des adresses support@xxx.com, qui sont anonymes) ou par tchat, ce qui rend la communication très désincarnée et froide. Les banques sont en train de digitaliser de plus en plus un grand nombre d'opérations. Comment vont-elles créer des relations et tisser des liens de confiance avec leurs clients? La confiance s'établit sur le long terme et pourtant, elles ne donnent pas à leur consommateurs la possibilité de les rencontrer(3).
De nombreuses marques semblent frileuses à l'idée d'engager une véritable conversation avec leurs clients. Pourtant, les réseaux sociaux, entre autres, sont une véritable opportunité, où l'humain rencontre le digital et où les marques peuvent véritablement vivre dans l'esprit de leurs consommateurs, les écouter et comprendre leurs besoins. En effet, comme l'explique justement Seth Godin, fondateur de Yoyodyne, "une marque ne peut pas éprouver de l'affection, seuls les humains peuvent éprouver et démontrer de l'affection"(4). Par conséquent, l'humain derrière la marque est essentiel et c'est pour cela que de plus en plus d'entreprises, comme Axa, ont tendance à utiliser leurs collaborateurs comme des ambassadeurs de la marque sur les réseaux sociaux(5).
Devant ce constat, il est primordial pour les marques de se demander quels sont les outils qui vont leur permettre de créer ce lien quasi humain avec les consommateurs. Une des marques qui s'illustre par la relation forte qu'elle a su créer et conserver avec ses consommateurs est Michel et Augustin. Tout d'abord, elle propose un contenu captivant et original mais surtout authentique, avec des initiatives comme sa campagne "Allez Howard un café". Pour faire référencer ses produits par Starbucks, par exemple, elle a demandé à sa communauté de poster un tweet avec une photo au #AllezHowardUnCafé. Devant l'ampleur virale de la saga et le courage d'Assan et de Charlotte (les collaborateurs envoyés par Michel et Augustin), Howard Schultz les a rencontrés, les produits Michel et Augustin ont été référencés chez Starbucks et enfin, Charlotte et Assan ont été invités à prendre la parole devant les collaborateurs de Starbucks au sujet des réseaux sociaux.
La recette de la réussite de Michel et Augustin se résume à l'authenticité et à la cohérence de ses contenus, que ce soit la composition de ses produits ou le fait de diffuser sur les réseaux sociaux sans censure les états d'âme et les doutes de Charlotte et d'Assan pendant leur épopée à Seattle, à la poursuite d'Howard Schultz.
Ainsi, la marque doit, encore plus depuis l'avènement du digital, rester profondément humaine car sans l'humain, le digital ne permet pas de générer une véritable relation. Mais elle doit surtout rester fidèle à elle-même et cohérente.
2-Jennifer Aaker (1997) 'Dimensions of brand personnality', Journal of Marketing Research, Vol. 34, No. 3 (Aug., 1997), pp. 347-356.
3-Simon Sinek (2009) "How an authentic behavior builds trust".
4- Joe Lazaukas (2009) https://contently.com/strategist/2015/02/06/you-need-editors-not-brand-managers-marketing-legend-seth-godin-on-the-future-of-branded-content.
5-http://www.atelier.net/trends/articles/axa-de-collaborateurs-ambassadeurs-reputation (2011)
Après avoir exercé comme chef de produit dans le domaine de la grande consommation et de l'agroalimentaire, Arabella Ignatieff est partie neuf ans au Canada, où elle a obtenu un Ph.D en Marketing digital d'HEC Montréal. De retour en France, elle exerce désormais une activité de consultante en marketing digital, tout en donnant des cours dans sa spécialité à l'université Paris-Dauphine.