Réseaux sociaux : il y a une vie en dehors de Facebook !
Publié par Regine Eveno le - mis à jour à
Les marketeurs français présentent une fâcheuse tendance à résumer les discussions sur le Web social à une simple problématique de réputation ; les américains parlent plutôt de social CRM. Ce sont eux qui ont raison. Une tribune de François Laurent (Adetem) et d'Alain Beauvieux (AMI software).
En 1999, les rédacteurs du Cluetrain Manifesto notaient de manière très lapidaire : “Markets are conversations”. À l’époque, le Web social se résumait à quelques forums de discussion et quelques pages perso, pas de quoi gazouiller à l’infini.
Aujourd’hui, une douzaine d’années plus tard, la Toile regorge de lieux d’expressions : forums toujours, blogs, Foursquare, Twitter, YouTube, réseaux sociaux divers et variés, possibilité de commenter l’actualité sur les sites médias…
La Toile regorge de lieux d’expression… mais tout le monde n’a de regard que pour Facebook. Il est vrai qu’en moins de cinq ans, “cet annuaire d’étudiants du Wisconsin” a pris une part considérable dans la communication entre internautes. Il est aussi devenu un outil d’animation de communautés au profit des marques : le nombre de fans de la page Coca-Cola en France a largement dépassé les 2 millions (soit 4 % de la population) ! Et l’une des plus prisés des ados est celle de Converse où les idées de personnalisation de la célèbre chaussure font l’objet d’une intense communication.
Pourtant il y a une vie en dehors de Facebook ! Le principal enseignement de cinq années d’analyse des médias sociaux (et de notre livre : Les médias sociaux sans bla bla), c’est que non seulement un média social n’en chasse pas un autre, mais leurs usages les spécialisent : Facebook, Twitter n’ont pas tué les blogs – le blogging ne s’est jamais aussi bien porté – et même Second Life perdure… même si les espoirs dont était porteur ce monde virtuel se sont, eux, effondrés.
Le blogging s'est structuré. Les blogs se sont enrichis. De simples lieux de vagues commentaires et discussions pour certains, ils ont mué en réels journaux d’expression personnelle, avec de fortes segmentations : blogs de la vie quotidienne, blogs spécialisés, blogs professionnels, etc. C’est là que ce se construisent le plus souvent les réputations : mais impossible de procéder à leur analyse sans tenir compte de la diversité des émetteurs, un post sur un blog marketing ne revêtant pas le même sens que sur un blog familial !
De même, il importe de contrôler l’autorité des blogueurs d’une même catégorie : sans cesse arrivent de nouveaux entrants, avides de communiqués de presse à relayer… sans que cela n’apporte quoi que ce soit à la marque qui les diffuse !
Les forums permettent aux internautes d’exprimer leurs inquiétudes, leurs doléances, bien entendu, sous forme de questionnements : je ne suis pas satisfait de la hausse de ma prime d’assurance, j’interroge aussitôt mes pairs pour savoir si elle est légitime ; je cherche une bonne alternative aux parfums des marques de luxe, direction aufeminin.com ou doctissimo.fr : car il ne faut pas s’y méprendre, ce dernier est pour beaucoup devenu un forum généraliste.
Se lancer à l’écoute des consommateurs sur les médias sociaux nécessite des outils puissants, pour la collecte, la pérennisation des données, leur traitement sémantique ; mais également une forte expérience : on ne s’improvise pas plus analyste de l’expression spontanée que directeur d’études marketing… même si cette nouvelle profession ne possède pas de réelles filières de formation.
Sinon, les deux professions présentent de fortes similitudes : bien évidemment, leurs modes de recueil de l’information diffèrent. Mais si les études marketing ne se résument pas à des bilans d’image, de même l’écoute des médias sociaux va bien au-delà des bilans de réputation. Le terrain se révèle par exemple extrêmement fertile pour la recherche d’insights consommateurs innovants ; une nouvelle discipline y est même aujourd’hui à l’honneur : la sérendipité – ou "fait de réaliser une découverte inattendue grâce au hasard et à l'intelligence", comme l’explicite Wikipédia – qui permet, à qui sait habilement dériver sur la Toile, de glaner de nombreux insights innovants et pertinents.
Les marketeurs français présentent une fâcheuse tendance à résumer les discussions sur le Web social à une simple problématique de réputation ; les américains parlent plutôt de social CRM – et avec raison, car l’écoute des conversations ne saurait que constituer une étape. Il convient d’engager rapidement le dialogue. Il devient urgent pour les marques de savoir s’immiscer dans les conversations : non pas de manière abrupte ou hautaine, mais en acceptant d’entretenir avec les consommateurs des relations de pair à pair.