[Chronique] Un marketer doit-il apprendre à vendre?
Publié par Hervé Kabla, directeur général de Be Angels le | Mis à jour le
Peu de marketers sont passés par les métiers de la vente, une fois sortis de l'école. Et pourtant, ils auraient tout à gagner, selon Hervé Kabla, directeur général de Be Angels, à se former d'abord comme des commerciaux pour mieux comprendre leurs clients.
J'ai toujours été frappé par la relativement faible proportion d'anciens élèves des grandes écoles de commerce qui s'orientent vers les métiers de la vente. Ma conviction se renforce dès lors que je creuse le sujet, par exemple en utilisant le très intéressant module " étudiants et anciens élèves " de LinkedIn, qui indique les orientations choisies par les anciens HEC, ESSEC, et autres ESC. La finance, le marketing et le conseil attirent chacun autant que les métiers de la vente. Il n'y a rien de mal à cela, et les filières scientifiques permettent également de suivre des parcours très différents, allant de l'ingénierie au conseil en passant par la R&D. Mais c'est un fait : nombre de marketeurs ont d'abord suivi une formation commerciale. Cela fait-il d'eux de bons vendeurs ? Et nos marketers ne devraient-ils pas pousser plus loin cette formation et développer leurs compétences de vente ?
C'est d'autant plus important que le marketing a pour objectif de comprendre et de stimuler les besoins des clients et des consommateurs, pour adapter l'offre de produits ou de services, et améliorer le dispositif de vente. Tous les moyens sont bons, en la matière : études de marché, témoignages clients, béta testeurs, benchmarks, outils analytiques, l'éventail des possibilités est déjà très large, et le digital offre de formidables outils additionnels.
L'avantage de l'expérience terrain
Mais cela ne remplacera sans doute jamais l'expérience terrain. Et de ce point de vue là, les commerciaux sont forcément avantagés. Qui mieux que des vendeurs pour comprendre les besoins immédiats de leurs clients, dès lors qu'ils se mettent à l'écoute de ces derniers ? Le contact avec les clients et avec les véritables utilisateurs permet de faire tomber les masques, d'accéder à l'impact émotionnel d'un produit ou d'un service. Depuis leur tour d'ivoire, nos gentils marketers n'ont parfois jamais rencontré de clients, jamais entendu de témoignage direct, positif ou négatif. Ils n'ont souvent que le point de vue des clients fidèles, forcément biaisé, et non de ceux qui partent. Ils ne perçoivent souvent qu'un écho diffus, perturbé par leur propre évaluation des besoins de leurs clients : rien n'est plus déceptif, hélas, que de transposer sa propre perception à celle de ceux qu'on souhaite servir. C'est d'ailleurs un des travers dénoncés par Daniel Kahneman, dans son remarquable ouvrage " Système 1, système 2 ", le " What you see is all there is ". Notre esprit est habitué à ne travailler qu'avec ce qu'on connaît, et renâcle à prendre en compte les " unknown unknowns ", du fait de leur complexité d'accès.
Ce sont pourtant ces " unknown unknowns " que les commerciaux sont capables de percevoir. Ce sont ces signaux faibles, sans importance immédiate, mais dont la prise en compte permet parfois de changer la face du monde. C'est cet utilisateur qui se plaint de tel produit ou de tel service, et qu'un commercial à l'intelligence émotionnelle hyper développée saura écouter pour faire évoluer son offre, voire lancer sa propre société. Le " social selling " dont on parle de plus en plus souvent, de nos jours, relève de cette même approche, faite d'écoute et d'observation. Cette méthodologie, issue de l'irruption des médias sociaux dans le domaine commercial, favorise d'ailleurs la collaboration entre marketeurs et commerciaux.
En réalité, je vous le dis, tout marketer devrait commencer sa carrière dans la vente. Et si ce n'est pas déjà le cas, se rapprocher d'urgence des meilleurs commerciaux de son entreprise.
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