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Comment réussir sa fidélisation client ?

Publié par Thomas Loisel le - mis à jour à

S'adressant à des consommateurs volatiles, les marques doivent adapter leurs mécanismes de fidélisation. Elles s'attachent donc à valoriser l'émotion, l'expérience et la personnalisation.

Quatorze ! C'est le nombre de cartes de fidélité qui s'accumulent, en moyenne, dans le portefeuille de chaque Français. Attirer les clients, toujours plus courtisés, dans leur programme de fidélité fait donc office de parcours du combattant pour les marques. D'autant que la rentabilité de la fidélisation suscite toujours le débat dans les hautes sphères marketing. Pour Joey Coleman, auteur de Never Lose A Customer Again et spécialiste de la création d'expériences client basées sur l'émotion, ''la valeur à vie d'un client fidèle peut être plus de dix fois supérieure à la valeur du premier achat", pour autant que la marque travaille la qualité de son produit et/ou service. Là n'est pas l'avis de Byron Sharp, professeur de marketing scientifique, connu pour ses travaux sur les stratégies de fidélisation. L'auteur du best-seller How Brands Grow, La vérité sur la croissance des marques, défend l'idée que les programmes de fidélité s'adressant aux clients déjà fidèles, qui bénéficient de récompenses pour "faire ce qu'ils font déjà", n'auraient qu'un impact faible, voire insignifiant : "Les programmes de fidélité touchent avant tout les clients réguliers, qui achètent suffisamment la marque pour les remarquer et trouver un intérêt à y souscrire. L'enseigne gratifie ses clients pour faire ce qu'ils font déjà ... C'est à cause de ces consommateurs qu'un programme de fidélité peut avoir des effets négatifs : il distribue des récompenses, mais n'obtient en échange aucun changement de comportement".

Ce que semble confirmer une étude de KPMG Peat Marwick menée en 2018, dont les résultats montrent que 95 % des distributeurs français disposant d'un programme de fidélisation ne connaissent pas l'augmentation de rentabilité qui en découle. D'où l'intérêt d'en concevoir d'autres qui repoussent au second rang les offres promotionnelles - a fortiori dans un contexte de restrictions de ces dernières, en témoigne la loi EGalim en vigueur depuis le 1er janvier - au profit de la promesse d'expériences et de services personnalisés. Décryptage de quatre stratégies de marques.

La fidélisation... classique

Arrivée sur le marché de la fidélisation sur le tard, l'enseigne de surgelés Picard a lancé, en octobre 2017, sa première carte de fidélité "Picard & Moi". Celle-ci repose sur un modèle classique de cumul de points afin d'accéder à des promotions et à des événements : "Cette carte était très attendue par nos clients, qui bénéficient désormais de nombreux avantages : des réductions significatives, des conseils et des idées sur les menus et recettes, des événements et jeux concours, la possibilité de garder leurs achats dans une consigne et de disposer d'un accès illimité au self scanning", détaille Thierry Pelissier, directeur marketing client de Picard. Le résultat, après plus d'un an, est prometteur : "En janvier 2019, nous comptabilisons 5,4 millions de porteurs de carte sur les 10 millions de clients de l'enseigne, et, parmi ces 10 millions, plus d'un million s'est connecté à l'application Picard", souligne Thierry Pelissier.

La fidélisation ... à plusieurs vitesses

À la différence de Picard, la SNCF s'est réappropriée la fidélisation depuis plusieurs années. Le modèle se veut multifacette entre, d'une part, les cartes de réduction (de 25 à 50 %) apparues dans la décennie 1980 et, d'autre part, le programme de fidélité lui-même composé de plusieurs échelons : Voyageur, Grand Voyageur, Grand Voyageur Plus et Grand Voyageur Le Club. "Pour les usagers occasionnels, le programme Voyageur propose une mécanique simple, à savoir des codes de réduction offerts tous les dix trajets et allant de 10 % la première fois à 20 % les suivantes", énonce Jérôme Laffon, directeur marketing de Voyages SNCF. Fournir un service toujours plus haut de gamme aux voyageurs les plus assidus est un leitmotiv assumé : "Nous avons à coeur d'offrir des réductions sur les billets de train, mais également de récompenser nos clients les plus fidèles", poursuit-il. Ainsi, plus l'échelon du programme de fidélité est élevé, plus le degré de confort est agréable : au-delà de 20 trajets annuels, le client entre dans le monde des billets primes et des privilèges, les statuts Grand Voyageur Plus et Grand Voyageur Le Club donnant accès aux salons installés dans 12 gares TGV, dont les trois derniers ont été inaugurés en 2018 (Rennes, Lille Europe, Paris Gare de Lyon). Accès à plus de confort, donc, mais aussi à plus de flexibilité dans l'annulation de réservations sans frais. Fort de plus de 3 millions d'encartés, Voyages SNCF s'attache à pousser toujours plus loin la personnalisation : "Nous nous engageons à augmenter nos services à destination de nos usagers. Comme des points gagnés à chaque commande en ligne pour se restaurer dans le train, un accès au parking Effia et des réductions avec notre partenaire Ector, sur le service de voiturier", ajoute Jérôme Laffon.

Pour fidéliser les jeunes, cible plus difficile à séduire, la SNCF a opté pour la voie de la fidélisation via la carte TGVmax. Depuis février 2017, les moins de 27 ans peuvent ainsi voyager en illimité à bord des TGV et Intercités, grâce à un abonnement mensuel de 79 € : "Nous avons dépassé la barre des 100 000 clients. Un résultat qui fait sens pour nous, puisqu'il était essentiel de retrouver des usagers jeunes dans nos trains", assure le directeur marketing de Voyages SNCF.


La fidélisation... au choix

Si Byron Sharp doute de l'intérêt des programmes de fidélité, il leur reconnaît au moins l'avantage "de construire une base de données clients, de créer une nouvelle façon de parler aux consommateurs, permettant de suivre leurs achats en magasin". C'est dans cette perspective, mais aussi pour dynamiser ses ventes et réaffirmer sa relation avec ses clientes fidèles, qu'Etam a renouvelé son offre avec le programme de fidélité "Etam Connect", établi depuis mai 2018 et davantage orienté vers le relationnel que vers le transactionnel. "Nous sommes sortis de notre sphère traditionnelle pour permettre à nos clientes de toujours cumuler des points, mais en leur donnant la liberté d'utiliser la cagnotte à n'importe quel moment. Nous avons actuellement 2,5 millions d'encartés en France, notre clientèle fidèle représente 70 % de nos ventes totales, et ce chiffre monte jusqu'à 80 % pour le prêt-à-porter", explique Inès Golliaud de Champroux, responsable CRM opérationnel du groupe Etam. Désormais, les clientes cumulent des points à chaque achat, qu'elles échangent contre des réductions, mais pas seulement : "La nouveauté de ce programme s'appuie sur le burn de ces points. Les clientes peuvent les échanger contre des remises, comme dans tous les programmes, mais aussi contre d'autres services chez nos partenaires et en magasin ou, enfin, les utiliser au profit d'une oeuvre caritative. Par ailleurs, nous gratifions l'acte d'achat par cinq points supplémentaires", poursuit celle qui est en charge du déploiement d'Etam Connect.


Avec les points cumulés, les clientes peuvent, de surcroît, s'offrir une litanie d'expériences (26 à ce jour) : accéder à un service de "personal shopper'' (rendez-vous animé par une styliste professionnelle), recevoir pendant trois mois des bouquets de fleurs via un abonnement, participer à un atelier de customisation, assister aux coulisses du défilé Etam ou encore donner tout ou une partie des points à une autre cliente. La marque de vêtements, homewear et lingerie a innové en permettant à ses adeptes de puiser dans leur cagnotte quand bon leur semble : "Les clientes aiment se dire qu'elles peuvent bénéficier de 2 ou 3 € de réduction sur chaque achat. Il était important de leur laisser le champ libre. Notre credo est de faciliter la vie de nos consommatrices, en leur permettant d'être des ambassadrices de la marque", témoigne Inès Golliaud de Champroux.

La fidélisation... sans programme (ou pas)

En mars 2018, la décision de Decathlon de stopper sa carte de fidélité a fait l'effet d'une bombe, tant il est peu fréquent de voir une enseigne mettre fin à ce type de mécanisme de fidélisation : "Le programme générait beaucoup de frustration chez nos membres et il était essentiel de récompenser en plus fort et en plus grand leur attachement à la marque. La fidélisation reste un enjeu essentiel pour nous, mais nous avions envie de le réaliser différemment. Nous avons abandonné notre système de points et de chèques fidélité au profit de nouvelles expériences sportives", annonce Camille Haesaert, en charge de la communication pour l'application Decathlon Coach. Les rares promotions n'étaient pas du goût de la clientèle régulière, à la recherche de nouveaux horizons : "Notre devise historique est d'offrir le prix le plus juste. Sauf que cette obsession des prix bas tous les jours est incompatible avec un programme de fidélité, car nous affichons déjà les tarifs les plus bas possible du marché", abonde Camille Haesaert.


Avec un taux de générosité de 1,5 %, à savoir 6 € de réduction en moyenne sur 400 € d'achat, la marque française a donc voulu faire table rase du passé pour une proposition nettement plus valorisante. Avec un compte Decathlon, il est désormais possible de tester un produit pendant sept jours et de le rapporter en magasin. Fini les chèques-cadeaux, place désormais au chèque-fidélité avec l'opportunité de participer à des événements sportifs et des ateliers ludiques. "Le budget alloué au programme de fidélité a été basculé vers un budget pour accompagner nos clients dans la pratique du sport. Avec un simple compte sur Internet, ils ont accès à une panoplie d'offres mais jamais promotionnelles", résume Camille Haesaert. Avec 6 000 événements organisés en 2018 et une application Decathlon Coach qui fonctionne à plein régime, Decathlon place l'expérience au coeur de son axe de fidélisation. "Malgré la fin de la carte, nous avons réussi à conserver un chiffre d'affaires semblable et le lien que nous mettons en place depuis quelques mois devrait nous permettre d'améliorer notre connaissance client", conclut Camille Haesaert.

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