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[Vision 2024] « Les acteurs doivent être capables d'identifier les modèles commerciaux gagnants »

Publié par Marie-juliette Levin le | Mis à jour le

Olivier Salomon, directeur associé distribution & biens de consommation d'AlixPartners France livre son analyse des enjeux pour 2024.

Quelles sont, selon vous, les principales évolutions des modes de consommation ?

Nous assistons à une plus grande fragmentation de la consommation avec peu de place pour les acteurs de la distribution positionnés sur le moyen de gamme. La demande porte soit sur de l'offre low-cost soit sur du luxe. Le succès d'une marque comme Action, la plus grosse croissance du secteur en Europe, en témoigne. La seconde main se développe fortement (tous segments, toutes catégories de produits) avec cependant des questions autour de l'authentification, notamment pour les produits de marques premium.Autre tendance, la transformation des lieux de vente en lieux de vie à l'instar du nouveau concept Monop'. Dans le retail, tout ce qui permet de faciliter le paiement (ex. Amazon Go) mais aussi le développement de la reconnaissance faciale (notamment en Chine) est en croissance. Enfin, dernière observation, les marques et les distributeurs ne maîtrisent plus totalement le discours vers les consommateurs (trop de canaux, sources d'informations, d'images etc) et perdent la main sur le narratif.

AlixPartners réalise chaque année une étude « Disruption Index ». Quel est l'objectif de cette étude ? Quelles sont les principales conclusions concernant le secteur du retail ?

AlixPartners accompagne dirigeants et investisseurs dans des situations « à fort enjeu », notamment en cas de changements, de perturbations ou de disruptions. Nous conseillons des entreprises qui réalise en moyenne 100 millions d'euros de C.A. et souvent des sociétés familiales. L'étude (3000 dirigeants interrogés dans le monde chaque année) vise à identifier et à trouver les moyens de traiter ces « disruptions ». Concernant la distribution, c'est un secteur particulièrement marqué par les changements structurels : l'inflation et la baisse de la consommation bien entendu, la transformation des modes de consommation et le développement de solutions digitales (achats, paiement, expérience magasin, en ligne...) d'où la nécessité d'investir fortement, notamment dans les nouvelles technologies. La difficulté étant de concilier les changements structurels et les enjeux de résultats immédiats, omniprésents dans la grande distribution. Il faut faire des choix régulièrement non sur la base de considérations financières immédiates mais sur l'appétence des consommateurs. Et puis, les acteurs doivent être capables d'identifier les modèles commerciaux gagnants, d'où la nécessité de tester pour trouver des solutions.

Quelles sont, selon vous, les marques internationales les plus innovantes ?

Le modèle d'Action simple, systématique, efficace est une réussite. Mais aussi Lulu Lemon pour sa capacité à animer une communauté, à fidéliser, à développer la pratique d'un sport. C'est une des marques préférées de la génération X aux US. Le modèle de JD Sports est aussi intéressant : c'est une vitrine des meilleures marques de sportswear. Idem pour Grand Frais qui propose le meilleur du frais et des produits locaux.

La vente à perte est-elle selon vous une bonne initiative ?

Je ne pense pas de manière pérenne (sinon, c'est celui qui est le plus solide financièrement qui emporte le marché...), mais à court terme, cela permet de maîtriser les prix. Même s'il s'agit plus d'un geste politique qu'autre chose. Les carburants constituent de toute façon un produit d'appel pour les grandes surfaces (peu de personnel, peu de service, vendu avec une très faible marge...)

Quels sont les principaux défis des retailers aujourd'hui ?

On peut parler de schizophrénie pour les dirigeants de la distribution qui doivent imaginer le commerce de demain tout en assurant la rentabilité de leur entreprise. Il faut tourner la page de 50 ans de « massification » et de développement de la consommation autour du modèle télé/voiture/marques/hypermachés. Les gagnants seront ceux qui auront su identifier, parmi les nombreuses innovations technologiques (y compris liées à l'IA), celles qui sont critiques et vont permettre de développer de nouveaux modèles commerciaux

Quels sont, selon vous, les principaux enjeux autour de la supply chain ?

L'agilité pour faire face à des variations fortes de la demande selon les régions du monde et les événements (conflits, situation économique et pouvoir d'achat), l'optimisation de la gestion du dernier kilomètre qu'il faut simplifier alors que les modèles d'accès aux produits se multiplient. Et bien sûr, trouver l'équilibre entre disponibilité/délais/stocks et coûts évidemment...

Comment voyez-vous évoluer le secteur du retail dans les 5 prochaines années ?

Je pense qu'il va y avoir une consolidation de la distribution physique sur les grandes verticales comme l'ameublement, les biens culturels, le sport mais en parallèle une atomisation de l'offre avec une multiplicité de marques ou de distributeurs (souvent de niche), essentiellement présents en ligne. Autre phénomène attendu, la désintermédiation de plus en plus fréquente entre producteurs/fabricants et les consommateurs. Plusieurs modèles permettent cela : les places de marché, les sites D-to-C ou les modèles collaboratifs entre fabricants. Sur le secteur de l'alimentaire, les circuits-courts et la consommation locale vont s'imposer. Enfin, je vois se développer des stratégies de services, de personnalisation ou « curation » (sélectionné pour vous) et d'exclusivité dans un environnement où des millions de produits sont disponibles instantanément ou presque...

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